l’art classique
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refaire une jeunesse : recommencer humblement le che-
min qu'ont parcouru en leur temps les vrais « Primitifs ».
Ils l’eussent repoussé comme un paradoxe.
On ne fera donc désormais du nouveau qu’avec de
l'ancien. Mais après tout, c’est tant mieux. Car la véritable
originalité n’est pas d'inventer des formes, mais de recom-
poser d'une manière nouvelle, nouvelle comme notre pays,
■comme notre époque, comme le sentiment de chacun,
celles que nous offre le merveilleux passé. A tout moment
chez Poussin, chez Mansart, chez Boucher, chez David
même, tout comme chez Racine ou La Bruyère, les énergies
propres de l’individu et celles de la société s’emparent des
données anciennes. Ils associent dans un effort commun
l’humanité qui les a précédés, celle qui les entoure, et la
leur propre. Voilà pourquoi leurs œuvres sont si riches. En
fin de compte la noblesse, pour cet art gentilhomme, c’est
d’avoir des aïeux. Tout ce qu’ils écrivent, tout ce qu’ils font,
du moins jusqu’à Charles Perrault, implique cette foi abso-
lue que le passé,, loin de ne servir qu’à paralyser le présent,
est le sûr appui pour la marche en avant. Ainsi l’art classi-
que se sépare de Descartes après l’avoir approché. Assimi-
ler complètement leurs méthodes est une erreur. Loin de
faire table rase, il ne veut recommencer qu’avec l’apport
des prédécesseurs. Descartes est un révolutionnaire. Pous-
sin, c’est-à-dire l’art classique, est l’originalité dans la tra-
dition librement choisie. Le génie, pour le xvii0 siècle, c’est
l’assimilation créatrice.
Art antiquisant et romaniste, voilà deux graves tares aux
yeux de quelques historiens. Mais peut-être ont-ils jugé
trop vite. L’art classique est libéral à sa manière. En théo-
rie, il est vrai, il n’accepte que la beauté venue des rives
lumineuses et nettes de la Méditerranée; en fait, il regarde
sans cesse vers le Nord, du côté de la Flandre du xvu° siècle,
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refaire une jeunesse : recommencer humblement le che-
min qu'ont parcouru en leur temps les vrais « Primitifs ».
Ils l’eussent repoussé comme un paradoxe.
On ne fera donc désormais du nouveau qu’avec de
l'ancien. Mais après tout, c’est tant mieux. Car la véritable
originalité n’est pas d'inventer des formes, mais de recom-
poser d'une manière nouvelle, nouvelle comme notre pays,
■comme notre époque, comme le sentiment de chacun,
celles que nous offre le merveilleux passé. A tout moment
chez Poussin, chez Mansart, chez Boucher, chez David
même, tout comme chez Racine ou La Bruyère, les énergies
propres de l’individu et celles de la société s’emparent des
données anciennes. Ils associent dans un effort commun
l’humanité qui les a précédés, celle qui les entoure, et la
leur propre. Voilà pourquoi leurs œuvres sont si riches. En
fin de compte la noblesse, pour cet art gentilhomme, c’est
d’avoir des aïeux. Tout ce qu’ils écrivent, tout ce qu’ils font,
du moins jusqu’à Charles Perrault, implique cette foi abso-
lue que le passé,, loin de ne servir qu’à paralyser le présent,
est le sûr appui pour la marche en avant. Ainsi l’art classi-
que se sépare de Descartes après l’avoir approché. Assimi-
ler complètement leurs méthodes est une erreur. Loin de
faire table rase, il ne veut recommencer qu’avec l’apport
des prédécesseurs. Descartes est un révolutionnaire. Pous-
sin, c’est-à-dire l’art classique, est l’originalité dans la tra-
dition librement choisie. Le génie, pour le xvii0 siècle, c’est
l’assimilation créatrice.
Art antiquisant et romaniste, voilà deux graves tares aux
yeux de quelques historiens. Mais peut-être ont-ils jugé
trop vite. L’art classique est libéral à sa manière. En théo-
rie, il est vrai, il n’accepte que la beauté venue des rives
lumineuses et nettes de la Méditerranée; en fait, il regarde
sans cesse vers le Nord, du côté de la Flandre du xvu° siècle,