Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
102

l’art français

Bernin. Elle enveloppe les artistes comme l’air qu’ils
respirent. Puget, Le Gros, Théodon, Girardon même, ont
dans les yeux ces formes vibrantes où Michel-Ange et
le baroque (après Pergame) ont insufflé leur véhémence
comme la divinité insufflait à la Sibylle son frisson sacré.
Seulement, draperies voltigeantes ou froissées, oppositions
de leur envol et des chairs nues, contrastes des ombres
et des lumières, silhouettes accidentées, apaisent chez
nous leur fièvre. Dans le « style Louis XIV » la passion
même garde une réserve décente. Versailles surtout sera
une cure méthodique du baroque : il n’en restera chez
nous jusqu’à la Régence qu'un lyrisme contenu. Puget
et Girardon prennent bien au Bernin, qui lui-même
l’avait pris à Jean Bologne, le thème d’un dieu ravissant
une femme, Andromède ou Proserpine : c’est un beau
thème véhément. Passion conquérante et désespoir, force
brutale de l’homme étreignant la tendre chair féminine!
Mais seule l’Andromède de Puget se tord presque au
naturel sur le rocher d’où la détachent les doubles
muscles de Persée. Elle a beau se ressouvenir en sa pose
plastique de la Nuit de Michel-Ange, et lui, dans son élan
diagonal, du Gladiateur d’Agasias, la fièvre secoue les
lignes du groupe et en déchiquète la masse. La Proser-
pine de Girardon, elle, bat l’air en cadence entre les
bras académiques de Pluton; sa pantomime oratoire reste
harmonieuse comme une tirade de tragédie. C’est qu’elle
est réglée par la mesure de France et de Versailles :
voilà pourquoi elle s’accorde si bien aujourd’hui au
rythme de la souple colonnade où est venue s'encadrer
assez tard sa mésaventure (fig. 55 et 102).
Enfin il y a l’influence de Charles Le Brun, Premier
peintre du Roi. Presque tous, à Paris comme à Versailles,
travaillent sous son inspiration. Pour deux siècles voilà
 
Annotationen