Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
^'xf ^-~- ,...;^

Nous avons la bonne fortune de publier aujourd'hui dans
la Scie le commencement d'une série d'éludés sur la Belgique,
dues à 'la plume de notre célèbre caricaturiste, André Gill.

Nos lecteurs nous sauront gré de celte agréable surprise.

DEUX JOUES LE VACANCES

a a. c. Notes décousues.

Bruxelles, dimanche... septembre, minuit.
A droite et à g'ahche les arbres niaient ; les mai-
sons, les haies, les champs, à perte de vue, comme
de grands châles étendus sur la terre. En fermant les
yeux, on croit qu'on recule ; mais non, la locomotive
siffle, mugit, l'énorme train fait entendre son trom-
trom et m'emporte loin de Paris... loin de la fièvre.

— Je suis libre pour deux jours !

Voici Oeil, aux cent cheminées empanachées de
fumées d'opale, Compiègne, avec son château célè-
bre et son horizon de bois, —un général descend à
la station, deux soldats lui présentent les armes.

Plus loin, on s'arrête vingt minutes, à je ne sais
quelle station. Grand déballage de robes roses et
grises, de mioches assoupis ; on retappe les jupes ; les
pères, en casquette de voyage, traînent la marmaille
au buffet, devant des hois fumants et des sandwichs
sèches. Un coup de cloche met fin à cet effarement :
on se rentasse dans les wagons.

Passe Saint-Quentin, sur notre droite; Saint-Quen-
tin, ville héroïque. Des troupeaux gras paissent sur
les hautes herbes qui recouvrent le champ de ba-
taille. Au loin, se découpent sur le ciel bleu des col-
lines paisibles qui tonnaient, il y a deux ans, comme
des cratères.

Le train file, les villages se dérobent soUs le re-
gard... ce n'est bientôt plus la France.

Les abords de la Belgique, aux environs d'Erque-
lines, ne sont pas engageants, ce ne sont que char-
bonneries d'où s'élève une poussière qui noircit les
chaumes; usines noires, arbres noirs, herbes noires.

— Paysage de deuil qui heureusement se transforme
à mesure que l'on approche de Bruxelles.

s Je ne sais comment Puissant fera pour raconter son
voyage, mais j'affirme qu'il n'a pas vu un caillou de
la route, et que son nez vénérable n'a pas été risqué
une seule fois à la portière. Par exemple, il a bien kl
douze journaux du matin et du soir, Sans compter
deux volumes de roman qu'il avait achetés à Erque-
lines.

Et cependant, elle vautqu'on la regarde, la cam-
pagne aux environs de Bruxelles.

C'est, à droite et à gauche, de grandes et grasses
plaines égayées et raffraîchies par de nombreux ca-
naux, festonnées de haies, bordées de peupliers, et où
viennent boire les bestiaux plongés datis l'herbe jus-
qu'au ventre.

Bien déplus joli que les métairies, dont les toits de
briques font, par-ci par-là, dans le vert, des taches
roses avec leurs bonnets de vermillon et leur s murs
d'un blanc laiteux. Elles sont si extraordmairement
propres, ces chaumières brabançonnes, qu'on les
croirait sorties de ces boites de paysages tbtit battant
neuf, à vingt-cinq sous. Le défaut de ce pays est
d'être plat, à peine une colline qui monte à l'horizon,
un bouquet d'arbres qui coupe la ligne, les ailes d'un
moulin qui tournent sUr le ciel.

Le chemin de fer suit, côte à côte, un canal es-
corté lui-même d'une longue enfilade de longs peu -
pliers. Sur la rive, un cheval de halâge lentement
remorquait Une lourde totie, montée par Un enfant,

Hurrali! voici Bruxelles!
Hôtel de Suède, rué de l'Ëvêque.

Bruxelles, 3 septembre.

Une chose m'afflige ici : les chiens travaillent. La
Belgique doîlne raison au dicton : Traité eoniine un
chien.

Dès l'aube et jusqu'à la nuit, on les voit haleter.
Qu'il soit dans les brancards ou sous la Voiture, tou-
jours attelé, trop heureux quand il ne fait qu'aider le
mâitrê, comme un mercenaire ; le plus souvent seul
pour là fatigue, comme un esclave, le chien halette à
traîner la voiture du boulanger, de la laitière, les
pommes de terre, le sable : il suffit à tout ; il sue,
il peine et fait pitié.

BU ml"-'.....■■IIMIUIMII

Du matin jusqu'au soir, dans les rues, les fau-
bourgs, sur les places, les boulevards, au coin des
carrefours, devant les palais, du fond des culs-de-
sacs, on le voit éternellement fouetté, les yeux sortis
de la tête, éternellement courant avec ses quatre-
vingts kilos aux reins. Il n'a pas le temps de regarder
un évêque.

Pourquoi cette différence entre le chien belge et le
chien de France, indépendant, sans ioug, sans har-
nais et sans frein? Je te le dis, peuple libre, ton chien
manque de liberté !

Regarde-le : les pattes sont lourdes, les oreilles
basses, la robe terne, parfois déchiré, ensanglanté;
la queue et ià langue traînent lamentablement aux
deux bouts de cet infortuné qui tire sa chaîne
dorHmè un galérien.

Pourquoi pas tout de suite un bonnet vert? Hélas !
point de poils irisés, d'yeux égrillards, de fuites fol-
ies, de retours soudains ; point d'oreille sur le coin de
l'oreille, ni de croc en croc; point de nez provocant,
fureteur, espiègle, agaçant. C'est un vaincu! —sans
fantaisie, sans humour, sans amour ; et sans amour,
h n'a ni coquetterie ni grâce. La Belgique ignore ce
que c'est qu'une queue en trompette.

Hier soir, par exemple, j'ai failli devenir fou, étouf-
fer de rire ou rester sourd.

Deux chiens traînaient par la ville une espèce de
boîte roulante en forme de soufflet à punaises.

On lisait dessus : Ce soir, bai du Château-des-
F leurs.

Nous avions dîné, la nuit était venue, et rieh de
mieux à voir, à cette heure, qu'un bal belge. Nous
avons donc suivi les chiens jusqu'au bout de la ville,
à la porte du bal.

On donne vingt sous,on entre,— on est épouvanté.

Ce Château-des-Fleursn'a de sa vie connu ni fleurs
ni arbres. C'est mie salle oblongue et dégoûtante.

Le parquet est inondé d'huile et gluant, noir...

Je ne sais quel monstre a déposé le long des murs
des décorations stupéfiantes : les Quatre-Saisons,
Baechus, Vénus ; ô Dieux infortunés !

Quatre pistons, deux trombones^ Une clarinette,
une grosse caisse et des cymbales, voilà l'orchestre,
avec v- I ■■nboiir que tient le patron, lui-même, en
manches de chemises, il y avait bien là, quand nous
sommés entrés, six êtres, domestiques mâles et fe-
melles, raie! dans1 la nuqUe, rubans verts, cols gras,
culottes à boutons près des chevilles.

Tout à coup, comme nous étions assis, sans dé-
fiance, voilà les deux trombones, les quatre pistons,
la clarinette, la grosse caisse et les cymbales qui ton-
nent, rugissent tous ensemble.

Déchaînement terrible. Le tambour devient fou, et
les six êtres se mettent en branle. C'est une polka
que les musiciens accompagnent de cris sauvages ;
les danseurs bondissent avec exaltation à deux pieds
dit sol et retombent sur leur semelles avec un fracas
du diable, puis tout cesse. Chacun regagne sa chaise
dépailiée ou son banc boiteux, épongeant sa sueur.
Nous, figés, saisis, annéantis, brisés, c'est après
avoir essuyé encore un quadrille, et une valse enco-
re, au mohis aussi redoutables que la polka, que nous
retrouvons là force de fuir.

Je regarde, eu glissant vers la porte, le patron^
qui d'Un ail- de triomphe étreint encore son tambour.
Ses yeux lancent des éclairs, du fond de ses joiies
eiiflammées, son nez rayonne, son ventre éclate de
joie. Voilà un homme heureux.

Certes,iin'estpdsriche, le Château-cles-Fleurs n'est
pu-; une initie d'or; pourvu qu'il lui rapporte juste
do quoi nourrir ses chiens , pis que cela, il y perd.

! aïs il aime jouer dit tambour, ce vieux lapin
énorme, et il joue du tambour! — Oui, il enjoué.

Autre stupéfaction, nous sortions dé là au plus vite,
quand nous avons rencontré le ïramïvay.

Le tramvay est mie voiture qui traverse la ville.

Il est monté sur rails, comme notre Omnibus amé-

i
ncain.

Il remontait la ville, vers notre hôtel. Nous y som-
més grimpés, près du edehér.

Quoique la voiture contienne au moins trente per-
sonnes, un seul cheval suffit à la tramer. Mais qu'il
est rudement encouragé ce quadrupède ! Jamais, je
ne me rappellerai tous les cris variés d'animaux que
le cocher lui lance aux oreilles. Tantôt c'est la perdrix
qu'il imité avec un sifflet, tantôt là grenouille avec
sa langue, et tantôt je ne sais quoi avec son nez.

Tous les bruits de l'Arche, tous les pétards du
quinze août, sonnaient dans ma cervelle, quand J
me suis précipité, éperdu, hors de l'étrange ve.u-
cule.

C'est trop d'émotions en trop peu de temps,J e
ait mal aux reins, je n'ai pas plus de force qu un
mouche. Je vais me coucher, dormir, rêver, si je pui*>>
qu'un décret bienfaisant m'a nommé pour la vie, pro-
fesseur aux sourds-muets.

ANDRÉ GILL.
(A suivre.)

Èjë prochaim numéro contiendra,

mer les deUoe pages du journal «"*
grand dessin intitulé les JOURNAUX DE
PARIS, par A. Lemot, avec cent person-

nage®.

€e nerm le défilé de Soutes les *M*T
tnstions ەe Im U*resse parisienne-

LETTRES DE SGHHIRELLE

VI

il"

Deux affaires singulières , le mariage du Père Hyacinthe el '
procès du Jésuite au wagon, ont remis cette semaine sur le W
une grosse question, celle du célibat des prêttëi;

Le P. Dufour d'Astraffort pose le problème que résôud M. Loys°n'
Rien de plus logique.

Avec la solution de i'ex-domitlicain, plus dé dangers pour *
familles et la morale publique, plus de procès scandaleux, d
rient sous cape les Voltairiehs. Là recette est simple ; M. HyaC
the vous la donnera en trois cents lignes fort ennuyeuses,
reste. Ce petit dieu Cupidon, qui est parfois un petit diable, aU
beau se nicher derrière les colonnades dès sacristies ou les g
lages des confessionnaux, avec le remèd^inoicjuê par sa lpno
et fastidieuse ordonnance, Hyacinthe vous dit : Faites: coffl"1
moi, mariez-vous.

Je suis loin de rire,comme des gamins,âiiî troussés du nWn
reux Jésuite de Brest.' •

Si le Cupidon, déjà cité, lui a décoché un trait vainqneUiyl
de plus bâhrial, mais aussi de plus triste pjjtlr lui.

Les comtesses, de leur côté, malgré leurs aïeux et leurs c
ronnes à fleurons, ne sont pas infaillibles, parfois elles sbnt veuV
sentimentales et jolies.

L'occasion... le coussin tendre d'un Wagon. Vous savez le reS ,
On est seuls, il faut vingt-cinq minutés pour aller d'une statio
une autre et... los anges invisibles, qui rie doivent connaît'"6
fureurs de l'amour, sont forcés dé baisser leurs yeux innocent"'
Je ne vois, dans tout cela, rien que de très-vulgaire.

Mais un employé est apparu, comme l'archange Michel; il ^reS.,,
un simple procès-verbal. 11 constate deitx robes frippées. Là mel
des badauds crie à chi-en-lie.

Le Célibat, eh général, est Une petite lâclieté. C'est un &°J
commode de Se soustraire aUx charges et aiix devoirs « t
société. La loi pretége cependant les Célibataires, en interdis
la recherche de la paternité. Lisez à ce prôpùs les grandes cow
du Père Girardin.

A Rome (soyons légistes), les deux lois .lutta et Papia S«P
les frappaient sans pilié. Deux censeurs, FtiriUs Càmillus et "
titmius (40 arts av. J.-C), ont décrété contre eux des aine11 •
énormes. ,.

Le Christianisme mit le célibat en bonheur, et cependant, P
les prêtres, cette prescription n'eût force de loi qu'api*? ,
Conciles de Latraii et de Trente. .,fl

Au moyen âg'o, le mariage fut réellement proscrit. Aussi (îu,ti,
décripitude morale et physique ! C'est le règne du célibat, a '
giise, dans les couvents, dans les familles. C'était œuvre sa'e
que de vivre entre époux, comme frère et sœur. On s'e*
d'amour mystique. La chair est maudite, cette chair qui engen r
le péché et ferme les portes du ciel. C'est le siècle du désesp0^

Les mille démons de la concupiscence sont lâchés dans

notr«

-fois
pauvre vallée de larmes. Ces petits gredins se forment pa|

dans les corps innocents. Il faut les en chasser par l'eau be

et les exorcismes. Il en résulta une grande maigreur et une gra

saleté. Voyez les droites statues des Églises, cet idéal du tei^r ^

sans formes, squelettes humains sous des plis de pierre. RaPP

lez-vous les grandes démangeaisons du XI0 siècle, les lèpres,

pestes.

Le mariage ne fut réhabilité qu'à la Renaissance. Un bon son
de paganisme souffla. Les dieux proscrits de l'amour et u
volupté prirent leur revanche. Luther parla. Vénus revint en co
pagnie de Mars. ,A

De nos jours, la lutte existe encore, entre le parti ortboo ,
et l'Église réformée. La solution ne peut longtemps se faire a'
dre,

Voilà pourquoi je ne vois pas qu'il y ait lieh de piaisajM
quand un prêtre se marie et qu'un autre se dérange.

SGANARELLE.
Bildbeschreibung
Für diese Seite sind hier keine Informationen vorhanden.

Spalte temporär ausblenden
 
Annotationen