Pour tout ce qui concerne VAdministration et
la Rédaction, s'adresser à M. Michel Anézo, 7, |
rue Rochechouart.
ÉTRENNES DU SIFFLET
Un traité ayec l’habile photographe Baron, nous
permet d’offrir comme étrennes, à tous nos abonnés
et lecteurs, les six beaux dessins photographiques :
SOUVENIRS DU SIÈGE DE PARIS
dont voici la désignation :
1° La queue à la boulangerie ;
2° Les gardes nationaux aux remparts ;
3° Les gardes nationaux aux avant-postes;
4° Nos moblots de province ;
5° Souvenir de Buzenval ;
6° Attaque du Bourget par les marins.
La valeur réelle de ces six beaux dessins est de
douze francs.
Nous les offrons à tous nos abonnés et lecteurs
au prix exceptionnel de deux francs, expédiés
franco.
(.Adresser le montant par la poste à Vadministra-
teur du Sifflet, 7, rue Rochechouart.)
SIFFLEMENTS
Autrefois, en Egypte, l’usage était de juger les rois
après leur mort. Si nous faisions de même, si nous fai-
sions comparaître à la barre de l’opinion publique l’an-
née 1872, qui vient de s’éteindre, voici ce que la défunte
nous répondrait :
— Je ne suis ni meilleure ni beaucoup plus mauvaise
que mes devancières. Comme elles, j’ai vu beaucoup de
bien et beaucoup de mal.
A mon bilan on trouve :
Des assassinats, des suicides, de mauvais drames, des
lâchetés, des trahisons, des larmes et du sang ;
De grandes et généreuses actions, le paiement de notre
rançon assuré, de bonnes opérettes, des reprises de bons
drames, quelques bons discours, quelques souscriptions
où la générosité française s’est, comme toujours, vaillam-
ment montrée.
Et, ajouterait l’année 1872, j’ai vu des théories impos-
sibles :
Tue-la, — ne la tue pas, — si elle te trompe, tu l’es,
«— tutoie-la, — solution,., de grands problèmes, — dis-
solution... de mœurs, etc., etc.
*
# *
Et maintenant le grand steeple-chase des cartes de vi-
site est commencé.
D’un bout de la France à l’autre on se répond par un
chassé-croisé de petits carrés de papier.
Au premier janvier, mademoiselle Emma Cruch a
promis d’envoyer sa carte à toutes ses victimes :
— Laquelle envoyez-vous ? lui a demandé quelqu’un.
En province, on fait les visites soi-même.
Et, pour prouver qu’on est venu « en personne, » on
plie un coin de sa carte.
A Brives-la-Gaillarde, un fonctionnaire, affligé d’une
épouse légère, moins lourde que l’air, a l’habitude, au
premier jour de l’an, de faire deux plis à sa carte.
— "Voilà ce bon M. Dizuigram, a dit une dame cha-
ritable, qui porte deux cornes — même sur sa carte de
visite.
★
* ¥
Dans plusieurs départements de l’Est, on s’occupe tou-
jours avec activité de construire des logements pour les
émigrants alsaciens et lorrains.
Une bonne idée que je recommande au gouvernement
— et qu’il ne suivra pas :
Employer la moitié de la salle de l’Ambigu à la con-
struction de logements bien aérés ;
Défricher l’autre moitié et la convertir en prairies.
On pourrait ainsi procurer du travail à quantité d’au*
leurs dramatiques.
*
¥ ¥
Vous souvenez-vous du fameux jouet qui fit fureur
il y a cinq ou six ans, — la question romaine ?
Aujourd’hui le joujou de l’année s’appelle l’enchaîne-
ment de l’Alsace et de la Lorraine.
Grave et solennelle question !
Plutôt que de la résoudre, je crois que je préférerais
faire le tour de la salle Saint-Laurent en portant made-
moiselle Irma Aubrys à bras tendu.
Une joyeuseté de la semaine.
Il y a environ huit jours, une femme poursuivait, à
la barrière Blanche, un pâle voyou qui se réfugia dans
l’omnibus de l’Odéon.
L’omnibus était complet.
La femme ne se tint pas pour battue : elle suivit à
pied le véhicule — et depuis huit jours, comme le pour-
suivi n’a pas trouvé d’autre moyen de se débarrasser de
cettefemme de feu que de se sauver dans un omnibus, l’a-
moureuse suit toujours à pied en lui criant : Tu sais bien
que je t’adore!
On a surnommé cette femme madame Crampon.
*
■* *
Et la Seine rentre dans son lit.
— Savez-vous, disait la jolie petite M.., la différence
qu’il y a entre la Seine et mademoiselle Moudeveau ?
Et,* comme personne ne répondait, elle ajouta en bais-
\ saut les yeux :
— C’est que les débordements de la Seine cessent
quand elle rentre dans son lit, — tandis que c’est à ce
moment même que ceux de mademoiselle Moudeveau
commencent.
~k
¥ ¥
Dans la jolie revue Tout le monde sur le gril, il y a
une charmante artiste, mademoiselle Daliveau, qui est
1 chargée de représenter le papier libre.
1 C’est en voyant ce papier libre que je suis moi-même
| devenu timbré.
*
I Une fois, en passant, donnons le mot de la fin.
I On annonçait à mademoiselle Silly le mariage d’une
| amie, qui a eu lieu à l’église Saint-Merri.
i — Elle est mariée à cinq mairies ! a soupiré la spiri-
tuelle pensionnaire des Menus-Plaisirs. Hélas ! et moi
qui ne ine suis mariée à aucune !
Alphonse Lafitte.
LA BOUTIQUE AUX JOUJOUX
L’année est terminée ; naturellement il faut songer
aux étrennes.
i On est souvent bien embarrassé pour faire ses ca-
deaux du jour de l’an.
Malgré l’immense choix d’objets qu’on peut admirer
dans nos grands magasins de Paris, on hésite, on ne
sait quoi donner. On craint que l’objet qu’on veut offrir
ne plaise que médiocrement.
Ah! c’est qu’il faut du tact pour donner des étrennes!
Facteurs, portiers, nourrices, porteurs d’eau, cro-
que-morts et sonneurs de cloches, sont généralement
satisfaits avec moins d’une pièce d’or.
Mais ce n’est pas à tout le monde qu’on peut faire
accepter une coupure de cinq francs.
Il y a des personnes qui paraîtraient affreusement
outragées si vous leur glissiez, le 1er janvier, une pièce
de cent sous dans la main.
C’est donc pour éviter ce désagrément que des indus-
triels ont eu l’idée d’établir ces immenses boutiques de
joujoux où l’on peut trouver des objets au goût de tout
le monde.
Mais le difficile est de savoir ce qui peut plaire.
Ainsi, si j’avais à faire mon choix, je ne sais pas si je
réussirais en oflrant :
À M. Thiers, un jeu de patience.
A M. Jules Simon, un portefeuille à musique.
A. M. Gambetta, une boîte à surprise.
A M. Alexandre Dumas, une grosse caisse et des
cymbales.
A M. Sardou, un théâtre de marionnettes.
A M. Paul de Cassagnac, un sabre de bois.
A Louis Yeuillot, un masque grimaçant.
A M. Hervé, un jeu d’échecsetun mirliton.
A Sarah Bernhardt, un éléphant en baudruche.
A M. Alexandre Duval, une poupée défraîchie.
A M. de Villemessant, une pratique de polichinelle.
A madame Thierret, une balançoire.
A M. Gastynes, un nain jaune.
A M. Billion, une tirelire.
A Blanche d’Antigny, un chien vert.
A M. Jean Brunet, une petite chapelle.
À Thérésa, un beau chat noir.
A M. Batbie, une girouette.
A Gapoul, une serinette.
A Litolff, un théâtre d’opéra.
A Ernest Picard, un petit chemin de fer.
A Alice Regnauld, un pantin.
A M. Leverrier, une ménagerie.
| AM. Saint-Genest, un faux nez.
| Au père Hyacinthe, un petit ménage.
1 A M. Baze, une marotte.
A Monseigneur Dupanloup, un moulin à vent.
A mademoiselle Fargueil, un jeu de dominos.
A Albert Wolff, un bébé.
Oui, voici ce que j’offrirais ; mais, je le répète, je ne
sais pas si ces cadeaux conviendraient et feraient plai-
sir.
Mais à vous, chers lecteurs, qui depuis un an avez
fait un si grand succès à ce journal, permettez-nous de
vous faire agréer nos sincères remercîments et tous nos
souhaits dé bonne année.
Michel Anézo.
1. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE
Tout le monde connaît le petit chemin de fer de Sceaux
qui, naguère, nous portait à Robinson, où nous dînions
en chantant, perchés dans le feuillage des châtaigniers
séculaires.
Aujourd’hui, le chemin de fer s’est dédoublé et allongé ;
il va jusqu’à Limours.
Je ne sais rien de plus pittoresque que le trajet de
Bourg-la-Reine à Limours. La vallée de Chevreuse, avec
ses ruines et ses coteaux rocheux, est une merveille pano-
ramique.
C’est dans cette vallée, sur le haut du coteau,que l’on
me montra, l’été dernier, une ravissante maison de cam-
pagne, bâtie à la façon des riches hôtels parisiens, et
entourée d’arbres et de verdure.
— Savez-vous qui demeure là? me demanda l’ami qui
nT accompagnait.
— Non.
— C’est M. Barthélemy Saint-Hilaire.
Ce nom me rappela immédiatement le secrétaire du
président de la République et me rendit rêveur.
En effet, M. Barthélemy Saint-Hilaire a tout absorbé
dans les fonctions intimes qu’il remplit actuellement;
la masse ne saura pas vous dire qu’il y a autre chose en
lui qu’un homme politique.
Le mot de M. Thiers, dans la visite du maire de
Beaune, a de nouveau fixé les yeux sur lui :
— Regardez, dit M. Thiers au maire en lui présentant
son illustre secrétaire, et dites-moi s’il a l’air aussi
méchant qu’on le dit !
Il est certain que cette physionomie sereine et intelli-
ligente est une bonne réponse aux détracteurs.
M. Barthélemy Saint-Hilaire, est, dans toute l’accep-
tion du mot, un savant et un philosophe.
Il sait le sanscrit, qu’il a commencé à étudier en 1823
avec M. Eugène Burnouf.
Il a traduit Aristote, et cette traduction, qui fit le pen-
dant de celle de Platon par Cousin, est son œuvre capi-
tale. Elle lui valut la chaire de philosophie grecque
et latine au Collège de France en 1838 ; elle lui valut, la
même année, de remplacer Broussais à FAcadémie des
sciences morales et politiques.
C’est un Parisien. 11 est né à Paris le 19 août 1805.
Il a été de bonne heure attaché au ministère des finances
sous la Restauration, mais il n’en était pas moins journa-
liste. En qualité de rédacteur du Globe, il signa, le
28 juillet 1830, la protestation des journalistes.
Après 1830, il a fondé le journal le Bon sens, puis il a
écrit dans le Constitutionnel, le Courrier français et
le National.
En 1840, M. Cousin, ministre de l’instruction publique,
en fit son chef de cabinet.
En 1851, après le coup d’Etat, il quitta sa chaire du
Collège de France et la direction de cet établissement.
II ne fut remplacé qu’en 1862.
C’est le département de Seineœt-Oise qui l’a élu à
diverses reprises.
Son bagage de savant est effrayant pour nous, chétifs ;
la tête s’y perd ;
Logique d'Aristote; — Morale d'Aristote; — Psg-
chologie d'Aristote; — Politique d'Aristote; —
Traité de l'âme; — Physique; —Météorologie; —
iTraité du ciel; —- Traité de la production et de la
destruction des choses; — De Vécole d'Alexan-
drie, etc., etc.
Grâce à ses études des langues de l’Inde, il est surtout
très fort en ce qui concerne ce berceau de la science.
Il a écrit : Les Védas; — Du Boudhisme ; — Lettres
sur l'Egypte ; — Le Boudha et sa religion ; — Maho-
met et le Coran; — Philosophie des deux Am-
père, etc., etc.
Tout cela, avec des préfaces et des introductions plus
savantes que les ouvrages eux-mêmes, constitue sa gloire,
surtout dans l’avenir.
Ses livres resteront dans toutes les mains, et, dans un
siècle comme dans deux ou trois, on les consultera tou-
jours avec fruit. C’est un chercheur modeste et infa«
tigable.
Il est de la trempe des grands esprits du dix-septième
siècle.
Ainsi, en étudiant l’un après l’autre les amis dont
M. Thiers s’entoure, on s’aperçoit Vite qu’il n’abandonne
rien au hasard et qu’il les choisit, au contraire, avec le
plus grand soin.
Al’Assemblée législative, M. Barthélemy Saint-Hilaire
a défendu énergiquement les droits de F Université et de
l’Etat dans la question de l’enseignement.
Il a toujours été modéré, mais progressiste.
En dire plus serait sortir du cadre qui nous est tracé ;
mais cela suffit. Yous le voyez, lecteurs, si quelquefois le
secrétaire écrit lui-même ses lettres et les signe, il en a
bien quelque peu le droit. Il sait ce qu’il fait; il le sait
mieux que nous, humbles observateurs, comparses de la
galerie.
Et puis, en cas de besoin, comme M. Thiers, il re-
tourne à ses chères études,, heureux de ne plus suppor-
ter le pesant fardeau des affaires.
L’étude, — même celle du sanscrit, -— est pleine de
jouissances inconnues du vulgaire; c’est une maîtresse
que l’on néglige quelquefois, mais que l’on ne quitte ja-
mais entièrement.
la Rédaction, s'adresser à M. Michel Anézo, 7, |
rue Rochechouart.
ÉTRENNES DU SIFFLET
Un traité ayec l’habile photographe Baron, nous
permet d’offrir comme étrennes, à tous nos abonnés
et lecteurs, les six beaux dessins photographiques :
SOUVENIRS DU SIÈGE DE PARIS
dont voici la désignation :
1° La queue à la boulangerie ;
2° Les gardes nationaux aux remparts ;
3° Les gardes nationaux aux avant-postes;
4° Nos moblots de province ;
5° Souvenir de Buzenval ;
6° Attaque du Bourget par les marins.
La valeur réelle de ces six beaux dessins est de
douze francs.
Nous les offrons à tous nos abonnés et lecteurs
au prix exceptionnel de deux francs, expédiés
franco.
(.Adresser le montant par la poste à Vadministra-
teur du Sifflet, 7, rue Rochechouart.)
SIFFLEMENTS
Autrefois, en Egypte, l’usage était de juger les rois
après leur mort. Si nous faisions de même, si nous fai-
sions comparaître à la barre de l’opinion publique l’an-
née 1872, qui vient de s’éteindre, voici ce que la défunte
nous répondrait :
— Je ne suis ni meilleure ni beaucoup plus mauvaise
que mes devancières. Comme elles, j’ai vu beaucoup de
bien et beaucoup de mal.
A mon bilan on trouve :
Des assassinats, des suicides, de mauvais drames, des
lâchetés, des trahisons, des larmes et du sang ;
De grandes et généreuses actions, le paiement de notre
rançon assuré, de bonnes opérettes, des reprises de bons
drames, quelques bons discours, quelques souscriptions
où la générosité française s’est, comme toujours, vaillam-
ment montrée.
Et, ajouterait l’année 1872, j’ai vu des théories impos-
sibles :
Tue-la, — ne la tue pas, — si elle te trompe, tu l’es,
«— tutoie-la, — solution,., de grands problèmes, — dis-
solution... de mœurs, etc., etc.
*
# *
Et maintenant le grand steeple-chase des cartes de vi-
site est commencé.
D’un bout de la France à l’autre on se répond par un
chassé-croisé de petits carrés de papier.
Au premier janvier, mademoiselle Emma Cruch a
promis d’envoyer sa carte à toutes ses victimes :
— Laquelle envoyez-vous ? lui a demandé quelqu’un.
En province, on fait les visites soi-même.
Et, pour prouver qu’on est venu « en personne, » on
plie un coin de sa carte.
A Brives-la-Gaillarde, un fonctionnaire, affligé d’une
épouse légère, moins lourde que l’air, a l’habitude, au
premier jour de l’an, de faire deux plis à sa carte.
— "Voilà ce bon M. Dizuigram, a dit une dame cha-
ritable, qui porte deux cornes — même sur sa carte de
visite.
★
* ¥
Dans plusieurs départements de l’Est, on s’occupe tou-
jours avec activité de construire des logements pour les
émigrants alsaciens et lorrains.
Une bonne idée que je recommande au gouvernement
— et qu’il ne suivra pas :
Employer la moitié de la salle de l’Ambigu à la con-
struction de logements bien aérés ;
Défricher l’autre moitié et la convertir en prairies.
On pourrait ainsi procurer du travail à quantité d’au*
leurs dramatiques.
*
¥ ¥
Vous souvenez-vous du fameux jouet qui fit fureur
il y a cinq ou six ans, — la question romaine ?
Aujourd’hui le joujou de l’année s’appelle l’enchaîne-
ment de l’Alsace et de la Lorraine.
Grave et solennelle question !
Plutôt que de la résoudre, je crois que je préférerais
faire le tour de la salle Saint-Laurent en portant made-
moiselle Irma Aubrys à bras tendu.
Une joyeuseté de la semaine.
Il y a environ huit jours, une femme poursuivait, à
la barrière Blanche, un pâle voyou qui se réfugia dans
l’omnibus de l’Odéon.
L’omnibus était complet.
La femme ne se tint pas pour battue : elle suivit à
pied le véhicule — et depuis huit jours, comme le pour-
suivi n’a pas trouvé d’autre moyen de se débarrasser de
cettefemme de feu que de se sauver dans un omnibus, l’a-
moureuse suit toujours à pied en lui criant : Tu sais bien
que je t’adore!
On a surnommé cette femme madame Crampon.
*
■* *
Et la Seine rentre dans son lit.
— Savez-vous, disait la jolie petite M.., la différence
qu’il y a entre la Seine et mademoiselle Moudeveau ?
Et,* comme personne ne répondait, elle ajouta en bais-
\ saut les yeux :
— C’est que les débordements de la Seine cessent
quand elle rentre dans son lit, — tandis que c’est à ce
moment même que ceux de mademoiselle Moudeveau
commencent.
~k
¥ ¥
Dans la jolie revue Tout le monde sur le gril, il y a
une charmante artiste, mademoiselle Daliveau, qui est
1 chargée de représenter le papier libre.
1 C’est en voyant ce papier libre que je suis moi-même
| devenu timbré.
*
I Une fois, en passant, donnons le mot de la fin.
I On annonçait à mademoiselle Silly le mariage d’une
| amie, qui a eu lieu à l’église Saint-Merri.
i — Elle est mariée à cinq mairies ! a soupiré la spiri-
tuelle pensionnaire des Menus-Plaisirs. Hélas ! et moi
qui ne ine suis mariée à aucune !
Alphonse Lafitte.
LA BOUTIQUE AUX JOUJOUX
L’année est terminée ; naturellement il faut songer
aux étrennes.
i On est souvent bien embarrassé pour faire ses ca-
deaux du jour de l’an.
Malgré l’immense choix d’objets qu’on peut admirer
dans nos grands magasins de Paris, on hésite, on ne
sait quoi donner. On craint que l’objet qu’on veut offrir
ne plaise que médiocrement.
Ah! c’est qu’il faut du tact pour donner des étrennes!
Facteurs, portiers, nourrices, porteurs d’eau, cro-
que-morts et sonneurs de cloches, sont généralement
satisfaits avec moins d’une pièce d’or.
Mais ce n’est pas à tout le monde qu’on peut faire
accepter une coupure de cinq francs.
Il y a des personnes qui paraîtraient affreusement
outragées si vous leur glissiez, le 1er janvier, une pièce
de cent sous dans la main.
C’est donc pour éviter ce désagrément que des indus-
triels ont eu l’idée d’établir ces immenses boutiques de
joujoux où l’on peut trouver des objets au goût de tout
le monde.
Mais le difficile est de savoir ce qui peut plaire.
Ainsi, si j’avais à faire mon choix, je ne sais pas si je
réussirais en oflrant :
À M. Thiers, un jeu de patience.
A M. Jules Simon, un portefeuille à musique.
A. M. Gambetta, une boîte à surprise.
A M. Alexandre Dumas, une grosse caisse et des
cymbales.
A M. Sardou, un théâtre de marionnettes.
A M. Paul de Cassagnac, un sabre de bois.
A Louis Yeuillot, un masque grimaçant.
A M. Hervé, un jeu d’échecsetun mirliton.
A Sarah Bernhardt, un éléphant en baudruche.
A M. Alexandre Duval, une poupée défraîchie.
A M. de Villemessant, une pratique de polichinelle.
A madame Thierret, une balançoire.
A M. Gastynes, un nain jaune.
A M. Billion, une tirelire.
A Blanche d’Antigny, un chien vert.
A M. Jean Brunet, une petite chapelle.
À Thérésa, un beau chat noir.
A M. Batbie, une girouette.
A Gapoul, une serinette.
A Litolff, un théâtre d’opéra.
A Ernest Picard, un petit chemin de fer.
A Alice Regnauld, un pantin.
A M. Leverrier, une ménagerie.
| AM. Saint-Genest, un faux nez.
| Au père Hyacinthe, un petit ménage.
1 A M. Baze, une marotte.
A Monseigneur Dupanloup, un moulin à vent.
A mademoiselle Fargueil, un jeu de dominos.
A Albert Wolff, un bébé.
Oui, voici ce que j’offrirais ; mais, je le répète, je ne
sais pas si ces cadeaux conviendraient et feraient plai-
sir.
Mais à vous, chers lecteurs, qui depuis un an avez
fait un si grand succès à ce journal, permettez-nous de
vous faire agréer nos sincères remercîments et tous nos
souhaits dé bonne année.
Michel Anézo.
1. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE
Tout le monde connaît le petit chemin de fer de Sceaux
qui, naguère, nous portait à Robinson, où nous dînions
en chantant, perchés dans le feuillage des châtaigniers
séculaires.
Aujourd’hui, le chemin de fer s’est dédoublé et allongé ;
il va jusqu’à Limours.
Je ne sais rien de plus pittoresque que le trajet de
Bourg-la-Reine à Limours. La vallée de Chevreuse, avec
ses ruines et ses coteaux rocheux, est une merveille pano-
ramique.
C’est dans cette vallée, sur le haut du coteau,que l’on
me montra, l’été dernier, une ravissante maison de cam-
pagne, bâtie à la façon des riches hôtels parisiens, et
entourée d’arbres et de verdure.
— Savez-vous qui demeure là? me demanda l’ami qui
nT accompagnait.
— Non.
— C’est M. Barthélemy Saint-Hilaire.
Ce nom me rappela immédiatement le secrétaire du
président de la République et me rendit rêveur.
En effet, M. Barthélemy Saint-Hilaire a tout absorbé
dans les fonctions intimes qu’il remplit actuellement;
la masse ne saura pas vous dire qu’il y a autre chose en
lui qu’un homme politique.
Le mot de M. Thiers, dans la visite du maire de
Beaune, a de nouveau fixé les yeux sur lui :
— Regardez, dit M. Thiers au maire en lui présentant
son illustre secrétaire, et dites-moi s’il a l’air aussi
méchant qu’on le dit !
Il est certain que cette physionomie sereine et intelli-
ligente est une bonne réponse aux détracteurs.
M. Barthélemy Saint-Hilaire, est, dans toute l’accep-
tion du mot, un savant et un philosophe.
Il sait le sanscrit, qu’il a commencé à étudier en 1823
avec M. Eugène Burnouf.
Il a traduit Aristote, et cette traduction, qui fit le pen-
dant de celle de Platon par Cousin, est son œuvre capi-
tale. Elle lui valut la chaire de philosophie grecque
et latine au Collège de France en 1838 ; elle lui valut, la
même année, de remplacer Broussais à FAcadémie des
sciences morales et politiques.
C’est un Parisien. 11 est né à Paris le 19 août 1805.
Il a été de bonne heure attaché au ministère des finances
sous la Restauration, mais il n’en était pas moins journa-
liste. En qualité de rédacteur du Globe, il signa, le
28 juillet 1830, la protestation des journalistes.
Après 1830, il a fondé le journal le Bon sens, puis il a
écrit dans le Constitutionnel, le Courrier français et
le National.
En 1840, M. Cousin, ministre de l’instruction publique,
en fit son chef de cabinet.
En 1851, après le coup d’Etat, il quitta sa chaire du
Collège de France et la direction de cet établissement.
II ne fut remplacé qu’en 1862.
C’est le département de Seineœt-Oise qui l’a élu à
diverses reprises.
Son bagage de savant est effrayant pour nous, chétifs ;
la tête s’y perd ;
Logique d'Aristote; — Morale d'Aristote; — Psg-
chologie d'Aristote; — Politique d'Aristote; —
Traité de l'âme; — Physique; —Météorologie; —
iTraité du ciel; —- Traité de la production et de la
destruction des choses; — De Vécole d'Alexan-
drie, etc., etc.
Grâce à ses études des langues de l’Inde, il est surtout
très fort en ce qui concerne ce berceau de la science.
Il a écrit : Les Védas; — Du Boudhisme ; — Lettres
sur l'Egypte ; — Le Boudha et sa religion ; — Maho-
met et le Coran; — Philosophie des deux Am-
père, etc., etc.
Tout cela, avec des préfaces et des introductions plus
savantes que les ouvrages eux-mêmes, constitue sa gloire,
surtout dans l’avenir.
Ses livres resteront dans toutes les mains, et, dans un
siècle comme dans deux ou trois, on les consultera tou-
jours avec fruit. C’est un chercheur modeste et infa«
tigable.
Il est de la trempe des grands esprits du dix-septième
siècle.
Ainsi, en étudiant l’un après l’autre les amis dont
M. Thiers s’entoure, on s’aperçoit Vite qu’il n’abandonne
rien au hasard et qu’il les choisit, au contraire, avec le
plus grand soin.
Al’Assemblée législative, M. Barthélemy Saint-Hilaire
a défendu énergiquement les droits de F Université et de
l’Etat dans la question de l’enseignement.
Il a toujours été modéré, mais progressiste.
En dire plus serait sortir du cadre qui nous est tracé ;
mais cela suffit. Yous le voyez, lecteurs, si quelquefois le
secrétaire écrit lui-même ses lettres et les signe, il en a
bien quelque peu le droit. Il sait ce qu’il fait; il le sait
mieux que nous, humbles observateurs, comparses de la
galerie.
Et puis, en cas de besoin, comme M. Thiers, il re-
tourne à ses chères études,, heureux de ne plus suppor-
ter le pesant fardeau des affaires.
L’étude, — même celle du sanscrit, -— est pleine de
jouissances inconnues du vulgaire; c’est une maîtresse
que l’on néglige quelquefois, mais que l’on ne quitte ja-
mais entièrement.