s
£Æ SIFFLE?
Pour tout ce qui concerne VAdministration et
la Éeâdctîon, s'adresser à M. Michel Anhzo, 7,
ruè Éôctàchouart,
———
SIFFLEMENTS
Oie tombera-t-il ?
— Astronomes de Montsonris, pouvez-vous nous le
dire ?
— Non !
— Eh bieffi alors, qu’est-ce que vous faites sur votre
Observatoire] Nous vous payons cependant pour que
vous nous fassiez connaître tous les phénomènes qui doi-
vent se produite sur la terre et dans le ciel.
Nous usinons, que vous nous prédisiez six mois d’a-
vance toutes les variations atmosphériques qui doivent
s’opérer. 11 ne suffit pas de nous déclarer que vous dé-
couvrez des planètes de vingtième catégorie, c’est insuf-
fisant. Nous voulons savoir, et vous êtes là pour dous le
dire, où le ballon l’Avenir que nous voyons planer dans
l’espace doit faire sa descente.
Faites vos calculs, consultez vos instruments de ma-
thématique, regardez les astres, faites des prières, allez
même en pèlerinage si c’est utile, mais renseignez-
nous.
Notre anxiété est grande, nous vous supplions de nous 5
faire savoir où il tombera. Sera-ce à droite, à gauche ou
au centre ?
La descente sera-t-elle heureuse?
Yous ne pouvez répondre ! Yotfe esprit est troublé et
votre vue est faible.
Ah! décidément, messieurs les astronomes, vous (
n’êtes pas plus forts que les rédacteurs à jets continus
des journaux à fusion, à confusion et à diffusion.
On annonce pour dimanche prochain un gæand con-
cours international d’acrobates.
Ce sera un curieux spectacle que de voir ees clowns
de toutes sortes faire leurs surprenants exercices.
Nous verrons probablement Paul de Cassagnac faire
l’équilibre de la perche la tête en bas.
John Lemoine ne manquera pas d’exécuter ses fameuse
sauts périlleux.
Louis Yeuillot fera certainement des poses plastiques
et franchira les bannières.
M. de Villemessant, dit le rempart d’Fnghien,
voudra montrer sa force en soulevant avec sa mâchoire
tous les rédacteurs du Figaro réunis dans un panier.
M. Edmond About n’hésitera pas à se faire admirer
dans ses grotesques transformations.
MM. Yacquerie et Paul Meurice feront des exercices
vertigineux sur le trapèze.
Lockroy dansera sur la corde raide sans balancier et
fera le grand écart.
Sarah Bernhardt terminera le concours par les dislo-
cations indiennes en entrant dans une tabatière qu’un
spectateur voudra lui confier.
Un roi vient de s’éteindre!
Mais vous ne vous doutez pas de quoi il est mort.
Ce souverain n’a pas eu la fin ordinaire de ses col-
lègues.
C’est-à-dire qu’il n’a pas été tué par la. petite vérole
ni par le poignard.
La chute de ses dents ne l’a pas fait mourir de chagrin,
le poison n’a pas abrégé ses jours, aucun glaive n’a tran-
ché sa tète.
L’éclatant monarque (tous les monarques sont écla-
tants) s’est tué... s’est tué, entendez-vous?... en abu-
sant du tafia.
La fusion n’a pas pu s’opérer probablement.
Infortuné roi de Dahomey ! ! !
Royalistes, prenez le deuil.
La position intéressante de Mme Sardou fait retarder '
la première représentation de Y Oncle Sam.
L’heureux auteur ne veut pas, paraît-il, donner sa
pièce au Yaudeville avant que son fils qui doit naître
le mois prochain soit reçu bachelier.
Le directeur du Yaudeville qui compte énormément
sur la pièce de M. Sardou, s’est engagé à ne donner
d’ici l’époque convenue que des pièces dans le genre ■
d’Ange Bosani afin que les recettes ne puissent dépasser
75 francs.
Le traité est nul si c’est une fille.
M. Carvalho en a l’espoir, car il pourrait offrir au
mois de novembre cette comédie si impatiemment at-
tendue.
C’est égal, Sardou a une façon qui me plaît de faire
poser les directeurs.
Oapoul est parti, il vogue en ce moment vers la libre
Amérique.
Coïncidence étrange ou étrange coïncidence, ce sera
comme vous voudrez. Au même moment, à la même
heure que le délicieux ténor partait, Berthe Legrand
quittait également la France. Cette exaltée bonapartiste
au linge blanc, s’exilait pour toujours, dégoûtée des
hommes et de la politique.
_ Iluguetet Gélinierlui avaientfait perdre toutes ses illu-
sions sur l’espèce humaine !
Une jeune Parisienne (ce sont les journaux à canards
qui racontent cela) qui se trouve en ce moment en vil-
légiature dans le Périgord à le flair si étonnant qu’elle
découvre les truffes absolument comme les animaux
qui sont chargés de faire cette opération.
C’est charmant, une femme comme cela !
Mais entre nous, ce n’est pas aussi surprenant qu’on
pourrait le croire.
Toutes les cocottes de Paris savent trouver les truffes
et elles les découvrent en plein boulevard, aux Champs-
Elysées, àMabille, endroits qui enfoncent bien certaine-
ment le Périgord pour ce tubercule.
Avec son joli petit museau rose, la gommeuse peut
en découvrir autant que tous les cochons périgour-
dins,
Michel Anézo.
L’EAU MIRACULEUSE
Le doute n’est plus possible, j’ai vu, j’ai touché.
Le miracle est réel, palpable, indiscutable.
Ecoutez mon récit, incrédules, sceptiques^ gens sans
foi, et vous reviendrez de vos coupables erreurs..
Il y a huit jours, ma bonne vieille tante me djt :
— Mon cher neveu• j’ai des rhumatismes articulaires
et l’ouïe un peu dure ; veux-tu faire pour moi le pèle-
rinage de la Salette et me rapporter quelques bouteilles
d’eau de la fontaine miraculeuse? Yoici cinq cents francs
pour ton voyage.
Cinq cents francs ! fis-je. — Mais, ma bonne tante, je
pars de suite ; dans huit jours vous aurez un panier de
bouteilles d’eau de la Salette.
— Bon garçon! Sois pieux, fais ton pèlerinage reli-
gieusement, ne commets pas d’étourderie, prie bien.
— Soyez sans crainte, chère tante.
J’étais sincère, j’allais remplir ma mission scrupuleuse-
ment.
J’étais déjà au chemin de fer de Lyon, prêt à m’em-
barquer avec trois ou quatre mille pieux pèlerins, lorsque
je fis la rencontre d’un vieil ami qui me serra la main
en me demandant eù je me dirigeais.
— A Notre-Dame delà Salette, lui dis je.
— A la Salette, à la Salette ! fit-il en riant à gorge
déployée.
— Mais certainement, c’est ma tante qui m’envoie lui
chercher de l’eau.
— Tu me dis cela sérieusement ?
—• Sans doute.
— Tu m’affliges, mon ami ; comment, toi, un garçon
intelligent, tu es aussi... pèlerin que ça?
— Dame, il faut bien!
— Allons, allons, mon vieux camarade, renonce à ce
pèlerinage et viens avec moi.
— Où donc ?
— Sur une plage de la Normandie.
— Anathème, anathème ! m’écriai-je en me voilant
la face.
— Gros niais, reprit mon ami Méphisto, allons, monte
dans ce sapin qui nous conduira à la gare Saint-Lazare.
— Et mon eau delà Salette?
— Je t’en procurerai une barrique si tu le veux.
Enfer et damnation!
Une demi-heure après nous prenions le train de Trou-
ville..
Oh ! ma tante.
Dans notre compartiment il y avait deux biches char-
mantes, je n’osais les regarder, ma conscience était bour-
relée de remords.
Après une heure de voyage, mon ami et moi nous
avions fait avec les deux cocottes connaissance com-
plète.
La honte était dans mon âme.
Nous passâmes à Trouville huit jours délicieux; ma
gommeuse, à moi, faisait mes délices... elle était blonde
comme Y Ai avec des attraits irrésistibles.
Pitié, ma tante !
Que de plaisirs, que de joies pendant cette huitaine.
Je suis damné !
De retour à Paris, j’étais sans eau de la Salette, ma
tante allait me maudire !
Idiot, me dit mon ami, fais remplir vingt-cinq champe-
noises à une fontaine Wallace et le résultat sera le
même.
Sacrilège ! fis-je avec indignation !
Mais c’était le seul moyen pratique pour me tirer d’em-
barras.
— Yoici votre eau de la Salette, ma bonne tante, dis-je
à mon retour en lui présentant, un panier de vingt-cinq
bouteilles d’eau de la fontaine Wallace.
— Pieux enfant ! fait la bonne vieille en me pressant
sur son cœur; maintenant tu vas voir le miracle s’opé-
rer, ajouta-tœlle en débouchant une fiole.
--Etrange! étrange! fit-elle après en avoir bu un demi
litre... Je n’ai plus de douleurs... jeentends. Miracle !
miracle !
— Alléluia! Alléluia! ajoutais-je dans ma stupéfaction.
— Tu seras mon seul héritier.
— Oh! ma tante !
— Je connais des aveugles, des borgnes, des boiteux,
des scrofuleux, je veux les guérir avec cette eau miracu-
leuse.
— Ainsi soit-il, ma tante !
SüLPlCE.
THÉODORE BARRIÈRE
Barrière n’est Gascon que de caractère, puisqu’il est
né à Paris. Ce n’est donc pas par esprit de clocher qu’il
a intitulé la pièce de réouverture de la Gaîté : le
Gascon.
Offenbach, qui est un Gascon allemand, savait bien à
quoi s’en tenir. Il y a du Poupart-Davyl là-dessous.
C’est en 1823 que naquit Théodore : chiffre rond, cin-
quante ans.
Mais il a la chance d’avoir la moustache noire, l’œil
noir et les cheveux noirs, ce qui le rajeunit considéra-
blement. Il a l’air d’être son fils.
On prétend que les Français ne connaissent rien à la
géographie, — mais on ne dit pas cela de Barrière, qui
a débuté par être graveur-géographe au Dépôt de la
guerre et de la marine.
Mon Dieu oui, de 1834 à 1843 (mêmes chiffres!)
Théodore n’a été qu’un simple graveur, un simple géo-
graphe.
Mais fous ceux qui sortent du ministère de la guerre,
à quelque titre que ce soie, ont des allures de matamore à
tout pourfendre, surtout quand ils n’ont jamais été sol-
dats.
C’est ainsi que Jules Richard affecte dans tous ses
articles les allures d’un offieier supérieur de l’armée.
C’est ainsi que Barrière a toutes les manières d’un offi-
cier en bourgeois.
Sa fine moustache est tout un poème, surtout quand il
la tourmente de sa main fiévreuse.
Son petit, œil semble profond, sarcastique et sans pitié.
Cet œil-là est le seul côté curieux des pièces qu’il
signe... Cet œil s’appelle Desgenais.
Au fond, j’ai très peu d’estime pour le talent de
Barrière, qui n’a jamais rien valu que par ses collabo-
rateurs.
C’est le contraire de Clairville, n’est-ce pas, Koning ?
Cette lois pourtant, en préférant M. Poupart-Davyl à
sa belle-mère, Barrière a voulu prouver qu’il travaillait
quelquefois tout seul, comme dans Cendrillon, de triste
mémoire.
La gravure ministérielle lui laissait tant de loisirs
qu’il utilisa de bonne heure sa verve peu lettrée pour le
théâtre.
A vingt ans, il donna au Palais-Royal Rosière et
Nourrice... pardon, j’ai voulu dire à Beaumarchais;
ce n’est que plus tard qu’il s’arrangea de manière à faire
reprendre cette pièce par la Montansier.
C’est peut-être un mérite pour lui d’avoir compris
qu’il ne pouvait rien faire de bon tout seul. Cela lui a
valu la collaboration si précieuse de Lambert Thiboust
et le succès des Filles de Marbre.
Ah ! si Marco la belle pouvait nous dire quelle a été la
part de Thiboust dans cette collaboration !
Tenez, je passe sous silence Bayard, Marc Fournier,
Michel Carré, Henri Murger, Henri de Kock, Anicet
Bourgeois et vingt autres qui l'ont puissamment aidé à
faire une cinquantaine de pièces, je ne veux vous parler
que d’Ernest Capendu.
Ernest Capendu, mon ancien collaborateur au Mous-
quetaire de Dumas, était doué admirablement pour le
théâtre et le roman.
Plume facile, il faisait de bons vers aussi facilement
que de bonne prose, — ce que n’a jamais su faire
Barrière.
Eh bien, c’est avec Capendu que Barrière a eu le
succès des F aux bonshommes et de V Héritage de
M. Plumet.
Dites-lui donc d’en faire autant tout seul !
Il a essayé, il ne l’a jamais pu.
Seul, ce pulvérisateur ardent devient pâle, incolore,
décousu, nul.
Sa réputation est surfaite, à cause de ses collabora-
teurs, on ne saurait trop le répéter.
Et puis, il est si cassant qu’on lui attribue d’instinct les
passages virulents des pièces qu’il signe.
C’est un Touroude qui a rencontré Piouvier pour
faire l’Outrage, tandis que Touroude est resté seul pour
le copier.
Aux Crochets d'un gendre et les Jocrisses de Va*
mour, avec Thiboust.
Et si l’on voulait bien constater l’impuissance éton-
nante de Barrière, il suffirait de citer ce qu’il a fait
tout seul.
Ce serait trop cruel, en regard des succès qu’il a dus
aux autres.
Aujourd’hui, pour donner le Gascon à la Gaîté, il a
pris pour collaborateur un imprimeur qui a eu des mal-
heurs.
Typographe et graveur, où est le mal?
Mais M. Poupart-Davyl s’y prend si tard pour débu-
ter que Barrière reste seul en cause. Si le Gascon obtient
un grand succès, personne ne songera à en faire hon-
neur à Poupart.
C’est une compensation...
L’histoire des collaborations est curieuse autant que
nouvelle.
Avez-vous jamais vu des peintres signer à la fois un
| tableau, fut-il un chef-d’œuvre?
Yoyez-vous les musiciens se mettre à deux pour signer
S leurs partitions ?
Non, la collaboration à deux, trois, quatre et tant que
l’on voudra n’existe qu’au théâtre.
Elle est si rare dans le roman qu’il n’est pas néces-
saire d’en parler.
Eh bien, au théâtre, pour juger un collaborateur, il
£Æ SIFFLE?
Pour tout ce qui concerne VAdministration et
la Éeâdctîon, s'adresser à M. Michel Anhzo, 7,
ruè Éôctàchouart,
———
SIFFLEMENTS
Oie tombera-t-il ?
— Astronomes de Montsonris, pouvez-vous nous le
dire ?
— Non !
— Eh bieffi alors, qu’est-ce que vous faites sur votre
Observatoire] Nous vous payons cependant pour que
vous nous fassiez connaître tous les phénomènes qui doi-
vent se produite sur la terre et dans le ciel.
Nous usinons, que vous nous prédisiez six mois d’a-
vance toutes les variations atmosphériques qui doivent
s’opérer. 11 ne suffit pas de nous déclarer que vous dé-
couvrez des planètes de vingtième catégorie, c’est insuf-
fisant. Nous voulons savoir, et vous êtes là pour dous le
dire, où le ballon l’Avenir que nous voyons planer dans
l’espace doit faire sa descente.
Faites vos calculs, consultez vos instruments de ma-
thématique, regardez les astres, faites des prières, allez
même en pèlerinage si c’est utile, mais renseignez-
nous.
Notre anxiété est grande, nous vous supplions de nous 5
faire savoir où il tombera. Sera-ce à droite, à gauche ou
au centre ?
La descente sera-t-elle heureuse?
Yous ne pouvez répondre ! Yotfe esprit est troublé et
votre vue est faible.
Ah! décidément, messieurs les astronomes, vous (
n’êtes pas plus forts que les rédacteurs à jets continus
des journaux à fusion, à confusion et à diffusion.
On annonce pour dimanche prochain un gæand con-
cours international d’acrobates.
Ce sera un curieux spectacle que de voir ees clowns
de toutes sortes faire leurs surprenants exercices.
Nous verrons probablement Paul de Cassagnac faire
l’équilibre de la perche la tête en bas.
John Lemoine ne manquera pas d’exécuter ses fameuse
sauts périlleux.
Louis Yeuillot fera certainement des poses plastiques
et franchira les bannières.
M. de Villemessant, dit le rempart d’Fnghien,
voudra montrer sa force en soulevant avec sa mâchoire
tous les rédacteurs du Figaro réunis dans un panier.
M. Edmond About n’hésitera pas à se faire admirer
dans ses grotesques transformations.
MM. Yacquerie et Paul Meurice feront des exercices
vertigineux sur le trapèze.
Lockroy dansera sur la corde raide sans balancier et
fera le grand écart.
Sarah Bernhardt terminera le concours par les dislo-
cations indiennes en entrant dans une tabatière qu’un
spectateur voudra lui confier.
Un roi vient de s’éteindre!
Mais vous ne vous doutez pas de quoi il est mort.
Ce souverain n’a pas eu la fin ordinaire de ses col-
lègues.
C’est-à-dire qu’il n’a pas été tué par la. petite vérole
ni par le poignard.
La chute de ses dents ne l’a pas fait mourir de chagrin,
le poison n’a pas abrégé ses jours, aucun glaive n’a tran-
ché sa tète.
L’éclatant monarque (tous les monarques sont écla-
tants) s’est tué... s’est tué, entendez-vous?... en abu-
sant du tafia.
La fusion n’a pas pu s’opérer probablement.
Infortuné roi de Dahomey ! ! !
Royalistes, prenez le deuil.
La position intéressante de Mme Sardou fait retarder '
la première représentation de Y Oncle Sam.
L’heureux auteur ne veut pas, paraît-il, donner sa
pièce au Yaudeville avant que son fils qui doit naître
le mois prochain soit reçu bachelier.
Le directeur du Yaudeville qui compte énormément
sur la pièce de M. Sardou, s’est engagé à ne donner
d’ici l’époque convenue que des pièces dans le genre ■
d’Ange Bosani afin que les recettes ne puissent dépasser
75 francs.
Le traité est nul si c’est une fille.
M. Carvalho en a l’espoir, car il pourrait offrir au
mois de novembre cette comédie si impatiemment at-
tendue.
C’est égal, Sardou a une façon qui me plaît de faire
poser les directeurs.
Oapoul est parti, il vogue en ce moment vers la libre
Amérique.
Coïncidence étrange ou étrange coïncidence, ce sera
comme vous voudrez. Au même moment, à la même
heure que le délicieux ténor partait, Berthe Legrand
quittait également la France. Cette exaltée bonapartiste
au linge blanc, s’exilait pour toujours, dégoûtée des
hommes et de la politique.
_ Iluguetet Gélinierlui avaientfait perdre toutes ses illu-
sions sur l’espèce humaine !
Une jeune Parisienne (ce sont les journaux à canards
qui racontent cela) qui se trouve en ce moment en vil-
légiature dans le Périgord à le flair si étonnant qu’elle
découvre les truffes absolument comme les animaux
qui sont chargés de faire cette opération.
C’est charmant, une femme comme cela !
Mais entre nous, ce n’est pas aussi surprenant qu’on
pourrait le croire.
Toutes les cocottes de Paris savent trouver les truffes
et elles les découvrent en plein boulevard, aux Champs-
Elysées, àMabille, endroits qui enfoncent bien certaine-
ment le Périgord pour ce tubercule.
Avec son joli petit museau rose, la gommeuse peut
en découvrir autant que tous les cochons périgour-
dins,
Michel Anézo.
L’EAU MIRACULEUSE
Le doute n’est plus possible, j’ai vu, j’ai touché.
Le miracle est réel, palpable, indiscutable.
Ecoutez mon récit, incrédules, sceptiques^ gens sans
foi, et vous reviendrez de vos coupables erreurs..
Il y a huit jours, ma bonne vieille tante me djt :
— Mon cher neveu• j’ai des rhumatismes articulaires
et l’ouïe un peu dure ; veux-tu faire pour moi le pèle-
rinage de la Salette et me rapporter quelques bouteilles
d’eau de la fontaine miraculeuse? Yoici cinq cents francs
pour ton voyage.
Cinq cents francs ! fis-je. — Mais, ma bonne tante, je
pars de suite ; dans huit jours vous aurez un panier de
bouteilles d’eau de la Salette.
— Bon garçon! Sois pieux, fais ton pèlerinage reli-
gieusement, ne commets pas d’étourderie, prie bien.
— Soyez sans crainte, chère tante.
J’étais sincère, j’allais remplir ma mission scrupuleuse-
ment.
J’étais déjà au chemin de fer de Lyon, prêt à m’em-
barquer avec trois ou quatre mille pieux pèlerins, lorsque
je fis la rencontre d’un vieil ami qui me serra la main
en me demandant eù je me dirigeais.
— A Notre-Dame delà Salette, lui dis je.
— A la Salette, à la Salette ! fit-il en riant à gorge
déployée.
— Mais certainement, c’est ma tante qui m’envoie lui
chercher de l’eau.
— Tu me dis cela sérieusement ?
—• Sans doute.
— Tu m’affliges, mon ami ; comment, toi, un garçon
intelligent, tu es aussi... pèlerin que ça?
— Dame, il faut bien!
— Allons, allons, mon vieux camarade, renonce à ce
pèlerinage et viens avec moi.
— Où donc ?
— Sur une plage de la Normandie.
— Anathème, anathème ! m’écriai-je en me voilant
la face.
— Gros niais, reprit mon ami Méphisto, allons, monte
dans ce sapin qui nous conduira à la gare Saint-Lazare.
— Et mon eau delà Salette?
— Je t’en procurerai une barrique si tu le veux.
Enfer et damnation!
Une demi-heure après nous prenions le train de Trou-
ville..
Oh ! ma tante.
Dans notre compartiment il y avait deux biches char-
mantes, je n’osais les regarder, ma conscience était bour-
relée de remords.
Après une heure de voyage, mon ami et moi nous
avions fait avec les deux cocottes connaissance com-
plète.
La honte était dans mon âme.
Nous passâmes à Trouville huit jours délicieux; ma
gommeuse, à moi, faisait mes délices... elle était blonde
comme Y Ai avec des attraits irrésistibles.
Pitié, ma tante !
Que de plaisirs, que de joies pendant cette huitaine.
Je suis damné !
De retour à Paris, j’étais sans eau de la Salette, ma
tante allait me maudire !
Idiot, me dit mon ami, fais remplir vingt-cinq champe-
noises à une fontaine Wallace et le résultat sera le
même.
Sacrilège ! fis-je avec indignation !
Mais c’était le seul moyen pratique pour me tirer d’em-
barras.
— Yoici votre eau de la Salette, ma bonne tante, dis-je
à mon retour en lui présentant, un panier de vingt-cinq
bouteilles d’eau de la fontaine Wallace.
— Pieux enfant ! fait la bonne vieille en me pressant
sur son cœur; maintenant tu vas voir le miracle s’opé-
rer, ajouta-tœlle en débouchant une fiole.
--Etrange! étrange! fit-elle après en avoir bu un demi
litre... Je n’ai plus de douleurs... jeentends. Miracle !
miracle !
— Alléluia! Alléluia! ajoutais-je dans ma stupéfaction.
— Tu seras mon seul héritier.
— Oh! ma tante !
— Je connais des aveugles, des borgnes, des boiteux,
des scrofuleux, je veux les guérir avec cette eau miracu-
leuse.
— Ainsi soit-il, ma tante !
SüLPlCE.
THÉODORE BARRIÈRE
Barrière n’est Gascon que de caractère, puisqu’il est
né à Paris. Ce n’est donc pas par esprit de clocher qu’il
a intitulé la pièce de réouverture de la Gaîté : le
Gascon.
Offenbach, qui est un Gascon allemand, savait bien à
quoi s’en tenir. Il y a du Poupart-Davyl là-dessous.
C’est en 1823 que naquit Théodore : chiffre rond, cin-
quante ans.
Mais il a la chance d’avoir la moustache noire, l’œil
noir et les cheveux noirs, ce qui le rajeunit considéra-
blement. Il a l’air d’être son fils.
On prétend que les Français ne connaissent rien à la
géographie, — mais on ne dit pas cela de Barrière, qui
a débuté par être graveur-géographe au Dépôt de la
guerre et de la marine.
Mon Dieu oui, de 1834 à 1843 (mêmes chiffres!)
Théodore n’a été qu’un simple graveur, un simple géo-
graphe.
Mais fous ceux qui sortent du ministère de la guerre,
à quelque titre que ce soie, ont des allures de matamore à
tout pourfendre, surtout quand ils n’ont jamais été sol-
dats.
C’est ainsi que Jules Richard affecte dans tous ses
articles les allures d’un offieier supérieur de l’armée.
C’est ainsi que Barrière a toutes les manières d’un offi-
cier en bourgeois.
Sa fine moustache est tout un poème, surtout quand il
la tourmente de sa main fiévreuse.
Son petit, œil semble profond, sarcastique et sans pitié.
Cet œil-là est le seul côté curieux des pièces qu’il
signe... Cet œil s’appelle Desgenais.
Au fond, j’ai très peu d’estime pour le talent de
Barrière, qui n’a jamais rien valu que par ses collabo-
rateurs.
C’est le contraire de Clairville, n’est-ce pas, Koning ?
Cette lois pourtant, en préférant M. Poupart-Davyl à
sa belle-mère, Barrière a voulu prouver qu’il travaillait
quelquefois tout seul, comme dans Cendrillon, de triste
mémoire.
La gravure ministérielle lui laissait tant de loisirs
qu’il utilisa de bonne heure sa verve peu lettrée pour le
théâtre.
A vingt ans, il donna au Palais-Royal Rosière et
Nourrice... pardon, j’ai voulu dire à Beaumarchais;
ce n’est que plus tard qu’il s’arrangea de manière à faire
reprendre cette pièce par la Montansier.
C’est peut-être un mérite pour lui d’avoir compris
qu’il ne pouvait rien faire de bon tout seul. Cela lui a
valu la collaboration si précieuse de Lambert Thiboust
et le succès des Filles de Marbre.
Ah ! si Marco la belle pouvait nous dire quelle a été la
part de Thiboust dans cette collaboration !
Tenez, je passe sous silence Bayard, Marc Fournier,
Michel Carré, Henri Murger, Henri de Kock, Anicet
Bourgeois et vingt autres qui l'ont puissamment aidé à
faire une cinquantaine de pièces, je ne veux vous parler
que d’Ernest Capendu.
Ernest Capendu, mon ancien collaborateur au Mous-
quetaire de Dumas, était doué admirablement pour le
théâtre et le roman.
Plume facile, il faisait de bons vers aussi facilement
que de bonne prose, — ce que n’a jamais su faire
Barrière.
Eh bien, c’est avec Capendu que Barrière a eu le
succès des F aux bonshommes et de V Héritage de
M. Plumet.
Dites-lui donc d’en faire autant tout seul !
Il a essayé, il ne l’a jamais pu.
Seul, ce pulvérisateur ardent devient pâle, incolore,
décousu, nul.
Sa réputation est surfaite, à cause de ses collabora-
teurs, on ne saurait trop le répéter.
Et puis, il est si cassant qu’on lui attribue d’instinct les
passages virulents des pièces qu’il signe.
C’est un Touroude qui a rencontré Piouvier pour
faire l’Outrage, tandis que Touroude est resté seul pour
le copier.
Aux Crochets d'un gendre et les Jocrisses de Va*
mour, avec Thiboust.
Et si l’on voulait bien constater l’impuissance éton-
nante de Barrière, il suffirait de citer ce qu’il a fait
tout seul.
Ce serait trop cruel, en regard des succès qu’il a dus
aux autres.
Aujourd’hui, pour donner le Gascon à la Gaîté, il a
pris pour collaborateur un imprimeur qui a eu des mal-
heurs.
Typographe et graveur, où est le mal?
Mais M. Poupart-Davyl s’y prend si tard pour débu-
ter que Barrière reste seul en cause. Si le Gascon obtient
un grand succès, personne ne songera à en faire hon-
neur à Poupart.
C’est une compensation...
L’histoire des collaborations est curieuse autant que
nouvelle.
Avez-vous jamais vu des peintres signer à la fois un
| tableau, fut-il un chef-d’œuvre?
Yoyez-vous les musiciens se mettre à deux pour signer
S leurs partitions ?
Non, la collaboration à deux, trois, quatre et tant que
l’on voudra n’existe qu’au théâtre.
Elle est si rare dans le roman qu’il n’est pas néces-
saire d’en parler.
Eh bien, au théâtre, pour juger un collaborateur, il