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lie SIFFLET
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PRIME EXTRAORDINAIRE
AUX NOUVEAUX ABONNÉS
Toutes les personnes qui s’abonneront ou se
réabonneront au Sifflet pour un an recevront
GRATUITEMENT et FRANCO, la COLLECTION COM-
PLÈTE, brochée avec couverture, de la première
année du Sifflet.
Adresser les demandes à l’Administration,
7, rue Roche chouart.
LA FÊTE DE SAINT-CLOUD
Rien de plus facile que de rebâtir Saint-Cloud, messieurs
les Prussiens!
Voyez : le mois dernier, on ne voyait que des promeneurs
dans le parc, — aujourd’hui, o’est une véritable ville de
toile.
Quand vous avez brûlé ce bel endroit pour vous venger
de la défaite de Montre tout, vous avez oublié d’y semer du
sel et d’y faire passer la charrue, comme du temps des
Romains.
Inutile barbarie ! Dans deux ans, il n’y paraîtra plus.
La ville de toile est drôle.
Voyez-vous d’ici ce gros homme qui frappe sur une grosse
caisse ? C’est Louis Ulbach qui débite ses romans anonymes.
Il a beau avoir mis le faux nez du père Hyacinthe, tout le
monde le reconnaît.
Cet autre qui bat du tambour comme un lapin savant,
c’est Auguste Vaçquerie s’escrimant à battre le Rappel con-
tre Louis Veuillot, le gargotier sanctificateur.
Paul Meurice fait le boniment au public :
— N'écoutez pas le saltimbanque d’à côté, s’écrie-t-il,
c’est un porteur d’eau de l’Auvergne, fouchtra ! Après vous
avoir vendu trois chous la voie chon eau de la Chalette, il
vous parlera politique dans le tuyau de l’oreille.
Chez nous, c’est bien différent, tous Peaux-Rouges !
Entrez ! Entrez !... Suivez le monde !
Dans la baraque voisine, reconnaissez-vous celui qui joue
du trombone ?
Oui, n’est-ce pas? C’est le général Léonce Dëtroyat lui-
même.
— Deux sous! Deux sous! Pas davantage!... Venez voir!
s’écrie Jules de Précy, les barytons et les ténors de la
presse.
Entrez! Entrez, messieurs!... Nous tenons un assorti-
ment complet de reporters de jour et de reporters de nuit !...
Suivez, suivez le monde !... Un sou seulement pour mes-
sieurs les militaires et les bonnes d’enfants.
Ah! ah! Voici une belle baraque !
Il y a jusqu’à, dix musiciens allemands sur l’estrade. On
se croirait à la Grande Duchesse.
Le pitre est surtout bien amusant. C’est Edmond des
Sablons, vicomte de Tarbé, baron du Gaulois — Prenez,
prenez mon ours ! dit-il au peuple. Voyez comme il est bien
empaillé. On jurerait qu’il est vivant.
Mais malgré tout son talent, ce pitre n’a que des éclairs'
de succès. Il a trois concurrents qui le tuent.
Cette baraque rouge est celle de YEvénement. Si Y Avenir
national et le Rappel n’existaient pas, on aimerait assez ses
tours de passe-passe et de voltige sur la corde raide de la
fantaisie.
Son paillasse est fort en gueule et adoré du public. Aussi,
chaque fois que c’est lui qui fait la parade du premier arti-
cle-, le succès est complet.
Malheureusement, ses compères ne le valent pas.
Les deux autres concurrents sont étranges.
Le premier, l’hercule du nord, qui porte son monarque à
bras tendu, a déjà tant de fois peint sa toile que sous le
blanc actuel on voit encore du vert et du bleu,
L’autre se donne beaucoup de peine pour devenir bleu. Ils
sont durs à la détente, les oiseaux !
Plus loin, on lit :
AU COQUELICOT
Grand choix de Peupliers
Celui qui vend les arbres est d’un vrai borgue-fontaine.
Mais quand il fait son boniment, on oublie sa figure, — qui
du reste ne serait pas mal avec un œil de plus.
Dans sa boutique, on parle trop doctoralemenjx
: C’est comme à la baraque alsacienne dirigée par le célèbre
Nefftzer.
On se bouche les oreilles pour ne pas se laisser endormir.
Il y a des gens qui déflorent le beau.
Aimez-vous les culbutes? Allez voir le cirque de la famille
des Débats. Le clown John Lemoinn traverse dix cercles et
fait dix sauts périlleux sans tomber de cheval.
Moi, j’aime mieux le tir aux macarons de la mère La Gué-
ronnière.
J’arrive, elle fait la bouche en cœur ;
— ha rouge ou la noire?
La noire ! crie la vieille Patrie.
La noire ! crie en même temps le sacristain Veuillot.
La noire! crie Y Union, une femme du temps de saint
Louis.
La noire! crie la Gazelle de France, mouchetée de fleurs
de lys.
La noire ! soupire le Journal de Paris, épicier retiré dans
son parapluie.
La noire ! dit tout bas le Soleil, pauvre enfant anémique,
qui s’éteint lentement.
La noire ! hurle le Monde, un faquin dont les oripeaux I
noirs masquent la licence.
La noire ! vocifère le Français, vieux muscadin en culotte !
courte, qui brillait en 1787.
La noire ! répète l’écho en y ajoutant un frais éclat de ;
rire.
Et c’est la rouge qui sort.
Le Guillois. \
LE SACRIFICE D'ON TÉNOR
L’histoire que je vais raconter n’a pas été imaginée par
un reporter indigent ni trouvée par le pieux Lasserre, l’in-
venteur de Notre-Dame de P. L. M.
Tout ce que je vais dire est authentique comme les appas
d’Alice Régnault.
Préparez vos mouchoirs et vos éventails, mesdames, car
je dois vous prévenir que mon récit est effroyablement
dramatique et extrêmement croustillant.
Monsieur de B..., boulevardier très connu et musicien en-
ragé, se posa un jour la question suivante : Que faut-il pour
être un bon cliantenr?
Sans réfléchir longtemps, il se répondit : Pour être un bon
chanteur, il faut avoir une belle voix.
Parfait ! Eh bien, je veux devenir un ténor extraordi-
naire; je connais le moyen de posséder l’organe le plus,
mélodieux qu’il soit possible d’avoir ; le sacrifice est horrible,
mais je suis disposé à le faire à l’instar des chantres de la
chapelle Sixtine...
Mais n’en disons rien à Coralie. M. de B... se rendit
aussitôt chez l’illustre docteur R...
— Vous êtes fou de me demander une chose pareille, lui
dit l’homme de l’art.
— Docteur, vous ne me saisissez pas.
— Certainement et je ne veux pas vous saisir.
— Pas de quiproquo, laissez-moi m’expliquer. Il est évi-
dent que ma proposition peut vous paraître étrange, mais
je la fais sérieusement.
Le docteur R... regarda M. de B... avec attention et
s’assura si véritablement il n’avait pas perdu la raison.
— Mon cher monsieur, reprit le chirurgien, vous ignorez
sans doute que la loi punit cela comme homicide volon-
taire.
— La loi est absurde, si ç’a me plaît, si j’ai des raisons
pour agir" ainsi.
— Que voulez-vous ? il faut respecter la loi.
— Alors vous refusez de me .rendre ce service ?
— De vous rendre ce service est joli...
— Enfin, vous ne voulez pas?
— Non, non, non. Je ne veux pas me faire condamner aux
travaux forcés.
— Eh bien alors, bonjour, si ce n’est pas vous ce sera un
autre.
M. de B... se rendit successivement chez toutes les célé-
brités médicales de Paris ; chez toutes il reçut la même
réponse.
Furieux et se cramponnant plus que jamais à son idée, il
fit le voyage d’Angleterre, où il ne parvint pas plus qu’en
France à trouver un opérateur. Il alla en Allemagne, en
Suisse, en Italie, l’insuccès fut le même partout. Désespéré,
il revint à Paris décidé à imiter le photographe qui opère
lui-même.
Ah! c’est ainsi; se dit-il, eh bien, passons-nous de ces
trembleurs.
Et, sans le secours de personne, seul, chez’lui, avec un ex-
cellent rasoir de Birmingham, il eut le courage de se faire
lui-même ce que le cruel Fulbert fit subir au tendre Abé-
lard.
Il ne poussa pas un cri; cependant ses souffrances étaient
horribles, le supplice d’un guillotiné n’était rien auprès du
sien.
Le guillotiné, lui, n’a plus les facultés intellectuelles qui
font sentir l’étendue de la douleur... il a perdu la tête, c’est
fini, il ne peut plus rien regretter.
Monsieur de B. comprit de suite son erreur, car c’est
lorsqu’on a perdu ce qu’on, avait qu’on en reconnaît la
valeur.
Les tortures atroces qu’il éprouvait ne l’empêchaient pas
de comprendre qu’il venait de trancher le bonheur de sa
vie.
Sa pauvre Coralie faillit en mourir de douleur, mais
elle n’en mourut pas... on parvint très bien à la conso-
ler.
Monsieur de B... non plus, n’en mourut pas; au bout d’un
mois il était sur pied.
Je dois avoir maintenant une voix magnifique, se dit-il...
I Essayons-nous.
Horreur!!! il donnait les mêmes notes qu’Albert Wolf,
et le sacrifice était consommé !
Michel Anézo.
EFFETS SANS CAUSES
Les casques pointus ont repassé la frontière.
J’aurais plaisir à entonner ici le chant de la délivrance ;
mais d’autres, plus habiles que moi, m’ont devancé; et puis,
ne trouvez-vous pas que nous avons besoin, sans l’oublier
pourtant, de nous distraire un peu du mauvais rêve que nous
venons de faire?
Je me contenterai donc de dire ; « au revoir ! « au dernier
Prussien, Auguste Wencfel, paraît-il, qui a quitté le sol
français. Ce garçon-là, pour nous débarrasser si lentement,
aurait bien mérité quelques coups de talon de botte dans la
partie charnue; du reste, si ça peut lui faire plaisir, je les
lui enverrai par la poste.
Cela dit, revenons, si vous le voulez, à nos joyeusetés.
Il y a toujours à glaner dans le champ du ridicule et du
drolatique. A défaut d’autres, ce bon Constitutionnel pourra,
je crois, longtemps encore nous esbaudir ou nous faire pleu-
rer. (Tout dépend des goûts !)
Quant à moi, je me suis tout simplement esbaudi en appre-
nant l’étonnante trouvaille que vient de faire ce bon vieux
radoteur.
Je parie que vous n’auriez jamais songé aux omelettes sans
œufs, aux romans de Xavier de Montépin, sans longueurs.
Eh bien ! le Constitutionnel, lui, a trouvé les effets sans
causes.
Je vous dirais bien quels sont les termes... pas de pro-
priétaire... mais de comparaison dont s’est œrvi ce journal
pour traduire son idée, si je ne craignais a’agaeer les nerfs
d'Anastasie : cette brave fille se fâcherait si elle entendait
parler d’une monstruosité pareille.
Je lui donne, du reste, parfaitement raison d’en pincer
pour la morale.
Je ne puis pourtant m’empêcher de vous dire que je trouve
l'idée du Constitutionnel très originale.
Le bonhomme qui tenait le crachoir dans les colonnes de
ce journal, le jour où le monde a été informé de cette nou»
velle croyance, n’est certainement pas un homme ordinaire.
Il est fumeur, je n’en doute pas : en ce cas, il doit fnmer
un cigare du côté du feu.
Bref, ce doit être un phénomène !
Je regrette fort de ne l’avoir pas lu plus tôt.
Je connais un exploiteur de nains, géants et femmes à
barbe qui, il y a un mois, avait besoin d’un sujet. J’aurais
pu l’adresser à la rédaction du Constitutionnel.
Le bonhomme dont il s’agit ici aurait fait un épatant,
un rutilant, un écrasant phénomène.
Ecrasant, c’est le mot, surtout si le père Coupe-Toujours
s’avisait de lire un de ses prospectus.
Pour le coup, nous pourrions nous attendre à manger de
la galette faite avec de la sciure de bois.
Ça deviendrait, je crois, indigeste; aussi je conseillerais à
Lolotte à qui j’en achète deux sous tous les ans de n’en
plus manger une miette.
Ce serait une économie; mais Lolotte ne mangerait plus
sa galette et je n’aurais pas le plaisir de la voir sauter
pendant deux heures quand je lui proposerais une visite au
boulevard Saint-Denis.
Mais le père Coupe-Toujours est trop honnête ; il n’en ar-
rivera jamais là.
Il faut cependant que je sache si la trouvaille du Consti-
tutionnel « les effets sans causes » peut servir à quelque
chose.
Au nom des principes du phénomène, je vais donc enjoin-
dre à mon tailleur de m’habiller trois ans à Voéil.
Il y a rue d’Enghien un emballeur qui a un portrait de
Veuillot à vendre : je vais essayer de me le payer sans.dé-
bourser un sou, pour en orner la loge de mon concierge.
Je crains fort, cependant, que ces braves gens ne se con-
vertissent pas comme ça tout de suite et sans raison &ux
idées du phénomène.
Je conseille donc au Constitutionnel, s’il tient au suécès
de son système, de se faire marchand de croûtes. Je tiens à
më procurer Veuillot.
Au moment où l’on parle d’exiger l’habit à l’Opéra, je ne
serais pas fâché non plus d’avoir pour tailleur le phéno-
mène.
Effets sans cause, marchandise sans argent, c’est la même
chose, n’est-ce pas ?
Or, j’ai besoin d’un habit.
Ça ferait parfaitement mon affaire.
Mais vous verrez que le Constitutionnel ne voudra pas de
cette application de son système. Aussi je crois que ledit
système ne fera pas plus son chemin que le fiacre pris à
l’heure par l’ami Morland qui a mis, l’autre jour, quarante-
cinq minutes pour aller, en voilure, de la Madeleine au
faubourg Montmartre.
J’en conclurai donc que le Constitutionnel n’est qu’un
désagréable farceur, et le phénomène un original dont la
copie conduit au ramollissement.
Firmin Berdoulet.
COUPS DE SIFFLET
Le Figaro enfonce décidément les Petites Affiches. Lisez
l’annonce suivante :
« Une jeune fille honorable, ayant plusieurs millions, dé-
sire se marier par son propre choix pour raisons de fa-
mille. La plus grande piété est une des premières condi-
tions. Ecrire franco à Mme Marie, 30, poste restante. »
La plus grande piété est une des premières conditions,
dites-vous, mademoiselle.
Eh bien! je suis votre homme ; j’irai à confesse deux fois
par semaine ; j’assisterai à tous les pèlerinages de France ;
je porterai la bannière aux processions ; je m’abonnerai à
perpétuité à la France Nouvelle ; je vénérerai Louis Veuil-
lot; j’irai baiser la mule du Pape.
J’attends votre réponse.
La sultane Validé, mère du sultan Abd-ul-Azis, vient de
faire cadeau à son fils de 6o canons Krupp.
Le sultan va s’amuser.
On annonce une nouvelle apparition de la sainte Vierge.
Encore une concurrence à Lourdes.c’est désolant.
Aussitôt qu’une affaire marche bien, on établit de suite des
maisons qui ne sont pas au coin du quai.
Les astronomes de Montsouris sont très forts. Ils an-
noncent que nous aurons le beau temps après la pluie.
Nous regrettons bien d’avoir dit, il y a quelques mois, que
le père Hyacinthe ne connaîtrait jamais la douceur de la
paternité.
Son épouse vient de lui donner un nouveau-né, qui ne
ressemble pas du tout à celui du Palais-Royal.
_
Brasseur avait un jour, en province, traité d’imbéciles ses
auditeurs qui étaient probablement mal disposés.
On le fait revenir sur la scène; on exige qu’il se rétracte.
Brasseur est entêté, et comme il ne veut pas céder, voici
îe terme moyen qu’il adopte :
« — Messieurs, dit-il, je vous ai appelés imbéciles, c’est
vrai... Je vous fais des excuses, — j’ai tort! »
La petite fille de Calino, qui étudie le piano, cause de son
art avec une de ses amies.
— Sais-tu jouer la romance de Martha? lui demande
celle-ci.
— Parfaitement.
— Moi pas. Il y a trop de bémols à la clef.
— Que tu es bête!... Fais donc comme moi : quand il y a
des bémols à un morceau.je les gratte.
Les paysans ne sont pas intéressés à demi.
Une vieille bonne femme avait son mari à l’agonie.
lie SIFFLET
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PRIME EXTRAORDINAIRE
AUX NOUVEAUX ABONNÉS
Toutes les personnes qui s’abonneront ou se
réabonneront au Sifflet pour un an recevront
GRATUITEMENT et FRANCO, la COLLECTION COM-
PLÈTE, brochée avec couverture, de la première
année du Sifflet.
Adresser les demandes à l’Administration,
7, rue Roche chouart.
LA FÊTE DE SAINT-CLOUD
Rien de plus facile que de rebâtir Saint-Cloud, messieurs
les Prussiens!
Voyez : le mois dernier, on ne voyait que des promeneurs
dans le parc, — aujourd’hui, o’est une véritable ville de
toile.
Quand vous avez brûlé ce bel endroit pour vous venger
de la défaite de Montre tout, vous avez oublié d’y semer du
sel et d’y faire passer la charrue, comme du temps des
Romains.
Inutile barbarie ! Dans deux ans, il n’y paraîtra plus.
La ville de toile est drôle.
Voyez-vous d’ici ce gros homme qui frappe sur une grosse
caisse ? C’est Louis Ulbach qui débite ses romans anonymes.
Il a beau avoir mis le faux nez du père Hyacinthe, tout le
monde le reconnaît.
Cet autre qui bat du tambour comme un lapin savant,
c’est Auguste Vaçquerie s’escrimant à battre le Rappel con-
tre Louis Veuillot, le gargotier sanctificateur.
Paul Meurice fait le boniment au public :
— N'écoutez pas le saltimbanque d’à côté, s’écrie-t-il,
c’est un porteur d’eau de l’Auvergne, fouchtra ! Après vous
avoir vendu trois chous la voie chon eau de la Chalette, il
vous parlera politique dans le tuyau de l’oreille.
Chez nous, c’est bien différent, tous Peaux-Rouges !
Entrez ! Entrez !... Suivez le monde !
Dans la baraque voisine, reconnaissez-vous celui qui joue
du trombone ?
Oui, n’est-ce pas? C’est le général Léonce Dëtroyat lui-
même.
— Deux sous! Deux sous! Pas davantage!... Venez voir!
s’écrie Jules de Précy, les barytons et les ténors de la
presse.
Entrez! Entrez, messieurs!... Nous tenons un assorti-
ment complet de reporters de jour et de reporters de nuit !...
Suivez, suivez le monde !... Un sou seulement pour mes-
sieurs les militaires et les bonnes d’enfants.
Ah! ah! Voici une belle baraque !
Il y a jusqu’à, dix musiciens allemands sur l’estrade. On
se croirait à la Grande Duchesse.
Le pitre est surtout bien amusant. C’est Edmond des
Sablons, vicomte de Tarbé, baron du Gaulois — Prenez,
prenez mon ours ! dit-il au peuple. Voyez comme il est bien
empaillé. On jurerait qu’il est vivant.
Mais malgré tout son talent, ce pitre n’a que des éclairs'
de succès. Il a trois concurrents qui le tuent.
Cette baraque rouge est celle de YEvénement. Si Y Avenir
national et le Rappel n’existaient pas, on aimerait assez ses
tours de passe-passe et de voltige sur la corde raide de la
fantaisie.
Son paillasse est fort en gueule et adoré du public. Aussi,
chaque fois que c’est lui qui fait la parade du premier arti-
cle-, le succès est complet.
Malheureusement, ses compères ne le valent pas.
Les deux autres concurrents sont étranges.
Le premier, l’hercule du nord, qui porte son monarque à
bras tendu, a déjà tant de fois peint sa toile que sous le
blanc actuel on voit encore du vert et du bleu,
L’autre se donne beaucoup de peine pour devenir bleu. Ils
sont durs à la détente, les oiseaux !
Plus loin, on lit :
AU COQUELICOT
Grand choix de Peupliers
Celui qui vend les arbres est d’un vrai borgue-fontaine.
Mais quand il fait son boniment, on oublie sa figure, — qui
du reste ne serait pas mal avec un œil de plus.
Dans sa boutique, on parle trop doctoralemenjx
: C’est comme à la baraque alsacienne dirigée par le célèbre
Nefftzer.
On se bouche les oreilles pour ne pas se laisser endormir.
Il y a des gens qui déflorent le beau.
Aimez-vous les culbutes? Allez voir le cirque de la famille
des Débats. Le clown John Lemoinn traverse dix cercles et
fait dix sauts périlleux sans tomber de cheval.
Moi, j’aime mieux le tir aux macarons de la mère La Gué-
ronnière.
J’arrive, elle fait la bouche en cœur ;
— ha rouge ou la noire?
La noire ! crie la vieille Patrie.
La noire ! crie en même temps le sacristain Veuillot.
La noire! crie Y Union, une femme du temps de saint
Louis.
La noire! crie la Gazelle de France, mouchetée de fleurs
de lys.
La noire ! soupire le Journal de Paris, épicier retiré dans
son parapluie.
La noire ! dit tout bas le Soleil, pauvre enfant anémique,
qui s’éteint lentement.
La noire ! hurle le Monde, un faquin dont les oripeaux I
noirs masquent la licence.
La noire ! vocifère le Français, vieux muscadin en culotte !
courte, qui brillait en 1787.
La noire ! répète l’écho en y ajoutant un frais éclat de ;
rire.
Et c’est la rouge qui sort.
Le Guillois. \
LE SACRIFICE D'ON TÉNOR
L’histoire que je vais raconter n’a pas été imaginée par
un reporter indigent ni trouvée par le pieux Lasserre, l’in-
venteur de Notre-Dame de P. L. M.
Tout ce que je vais dire est authentique comme les appas
d’Alice Régnault.
Préparez vos mouchoirs et vos éventails, mesdames, car
je dois vous prévenir que mon récit est effroyablement
dramatique et extrêmement croustillant.
Monsieur de B..., boulevardier très connu et musicien en-
ragé, se posa un jour la question suivante : Que faut-il pour
être un bon cliantenr?
Sans réfléchir longtemps, il se répondit : Pour être un bon
chanteur, il faut avoir une belle voix.
Parfait ! Eh bien, je veux devenir un ténor extraordi-
naire; je connais le moyen de posséder l’organe le plus,
mélodieux qu’il soit possible d’avoir ; le sacrifice est horrible,
mais je suis disposé à le faire à l’instar des chantres de la
chapelle Sixtine...
Mais n’en disons rien à Coralie. M. de B... se rendit
aussitôt chez l’illustre docteur R...
— Vous êtes fou de me demander une chose pareille, lui
dit l’homme de l’art.
— Docteur, vous ne me saisissez pas.
— Certainement et je ne veux pas vous saisir.
— Pas de quiproquo, laissez-moi m’expliquer. Il est évi-
dent que ma proposition peut vous paraître étrange, mais
je la fais sérieusement.
Le docteur R... regarda M. de B... avec attention et
s’assura si véritablement il n’avait pas perdu la raison.
— Mon cher monsieur, reprit le chirurgien, vous ignorez
sans doute que la loi punit cela comme homicide volon-
taire.
— La loi est absurde, si ç’a me plaît, si j’ai des raisons
pour agir" ainsi.
— Que voulez-vous ? il faut respecter la loi.
— Alors vous refusez de me .rendre ce service ?
— De vous rendre ce service est joli...
— Enfin, vous ne voulez pas?
— Non, non, non. Je ne veux pas me faire condamner aux
travaux forcés.
— Eh bien alors, bonjour, si ce n’est pas vous ce sera un
autre.
M. de B... se rendit successivement chez toutes les célé-
brités médicales de Paris ; chez toutes il reçut la même
réponse.
Furieux et se cramponnant plus que jamais à son idée, il
fit le voyage d’Angleterre, où il ne parvint pas plus qu’en
France à trouver un opérateur. Il alla en Allemagne, en
Suisse, en Italie, l’insuccès fut le même partout. Désespéré,
il revint à Paris décidé à imiter le photographe qui opère
lui-même.
Ah! c’est ainsi; se dit-il, eh bien, passons-nous de ces
trembleurs.
Et, sans le secours de personne, seul, chez’lui, avec un ex-
cellent rasoir de Birmingham, il eut le courage de se faire
lui-même ce que le cruel Fulbert fit subir au tendre Abé-
lard.
Il ne poussa pas un cri; cependant ses souffrances étaient
horribles, le supplice d’un guillotiné n’était rien auprès du
sien.
Le guillotiné, lui, n’a plus les facultés intellectuelles qui
font sentir l’étendue de la douleur... il a perdu la tête, c’est
fini, il ne peut plus rien regretter.
Monsieur de B. comprit de suite son erreur, car c’est
lorsqu’on a perdu ce qu’on, avait qu’on en reconnaît la
valeur.
Les tortures atroces qu’il éprouvait ne l’empêchaient pas
de comprendre qu’il venait de trancher le bonheur de sa
vie.
Sa pauvre Coralie faillit en mourir de douleur, mais
elle n’en mourut pas... on parvint très bien à la conso-
ler.
Monsieur de B... non plus, n’en mourut pas; au bout d’un
mois il était sur pied.
Je dois avoir maintenant une voix magnifique, se dit-il...
I Essayons-nous.
Horreur!!! il donnait les mêmes notes qu’Albert Wolf,
et le sacrifice était consommé !
Michel Anézo.
EFFETS SANS CAUSES
Les casques pointus ont repassé la frontière.
J’aurais plaisir à entonner ici le chant de la délivrance ;
mais d’autres, plus habiles que moi, m’ont devancé; et puis,
ne trouvez-vous pas que nous avons besoin, sans l’oublier
pourtant, de nous distraire un peu du mauvais rêve que nous
venons de faire?
Je me contenterai donc de dire ; « au revoir ! « au dernier
Prussien, Auguste Wencfel, paraît-il, qui a quitté le sol
français. Ce garçon-là, pour nous débarrasser si lentement,
aurait bien mérité quelques coups de talon de botte dans la
partie charnue; du reste, si ça peut lui faire plaisir, je les
lui enverrai par la poste.
Cela dit, revenons, si vous le voulez, à nos joyeusetés.
Il y a toujours à glaner dans le champ du ridicule et du
drolatique. A défaut d’autres, ce bon Constitutionnel pourra,
je crois, longtemps encore nous esbaudir ou nous faire pleu-
rer. (Tout dépend des goûts !)
Quant à moi, je me suis tout simplement esbaudi en appre-
nant l’étonnante trouvaille que vient de faire ce bon vieux
radoteur.
Je parie que vous n’auriez jamais songé aux omelettes sans
œufs, aux romans de Xavier de Montépin, sans longueurs.
Eh bien ! le Constitutionnel, lui, a trouvé les effets sans
causes.
Je vous dirais bien quels sont les termes... pas de pro-
priétaire... mais de comparaison dont s’est œrvi ce journal
pour traduire son idée, si je ne craignais a’agaeer les nerfs
d'Anastasie : cette brave fille se fâcherait si elle entendait
parler d’une monstruosité pareille.
Je lui donne, du reste, parfaitement raison d’en pincer
pour la morale.
Je ne puis pourtant m’empêcher de vous dire que je trouve
l'idée du Constitutionnel très originale.
Le bonhomme qui tenait le crachoir dans les colonnes de
ce journal, le jour où le monde a été informé de cette nou»
velle croyance, n’est certainement pas un homme ordinaire.
Il est fumeur, je n’en doute pas : en ce cas, il doit fnmer
un cigare du côté du feu.
Bref, ce doit être un phénomène !
Je regrette fort de ne l’avoir pas lu plus tôt.
Je connais un exploiteur de nains, géants et femmes à
barbe qui, il y a un mois, avait besoin d’un sujet. J’aurais
pu l’adresser à la rédaction du Constitutionnel.
Le bonhomme dont il s’agit ici aurait fait un épatant,
un rutilant, un écrasant phénomène.
Ecrasant, c’est le mot, surtout si le père Coupe-Toujours
s’avisait de lire un de ses prospectus.
Pour le coup, nous pourrions nous attendre à manger de
la galette faite avec de la sciure de bois.
Ça deviendrait, je crois, indigeste; aussi je conseillerais à
Lolotte à qui j’en achète deux sous tous les ans de n’en
plus manger une miette.
Ce serait une économie; mais Lolotte ne mangerait plus
sa galette et je n’aurais pas le plaisir de la voir sauter
pendant deux heures quand je lui proposerais une visite au
boulevard Saint-Denis.
Mais le père Coupe-Toujours est trop honnête ; il n’en ar-
rivera jamais là.
Il faut cependant que je sache si la trouvaille du Consti-
tutionnel « les effets sans causes » peut servir à quelque
chose.
Au nom des principes du phénomène, je vais donc enjoin-
dre à mon tailleur de m’habiller trois ans à Voéil.
Il y a rue d’Enghien un emballeur qui a un portrait de
Veuillot à vendre : je vais essayer de me le payer sans.dé-
bourser un sou, pour en orner la loge de mon concierge.
Je crains fort, cependant, que ces braves gens ne se con-
vertissent pas comme ça tout de suite et sans raison &ux
idées du phénomène.
Je conseille donc au Constitutionnel, s’il tient au suécès
de son système, de se faire marchand de croûtes. Je tiens à
më procurer Veuillot.
Au moment où l’on parle d’exiger l’habit à l’Opéra, je ne
serais pas fâché non plus d’avoir pour tailleur le phéno-
mène.
Effets sans cause, marchandise sans argent, c’est la même
chose, n’est-ce pas ?
Or, j’ai besoin d’un habit.
Ça ferait parfaitement mon affaire.
Mais vous verrez que le Constitutionnel ne voudra pas de
cette application de son système. Aussi je crois que ledit
système ne fera pas plus son chemin que le fiacre pris à
l’heure par l’ami Morland qui a mis, l’autre jour, quarante-
cinq minutes pour aller, en voilure, de la Madeleine au
faubourg Montmartre.
J’en conclurai donc que le Constitutionnel n’est qu’un
désagréable farceur, et le phénomène un original dont la
copie conduit au ramollissement.
Firmin Berdoulet.
COUPS DE SIFFLET
Le Figaro enfonce décidément les Petites Affiches. Lisez
l’annonce suivante :
« Une jeune fille honorable, ayant plusieurs millions, dé-
sire se marier par son propre choix pour raisons de fa-
mille. La plus grande piété est une des premières condi-
tions. Ecrire franco à Mme Marie, 30, poste restante. »
La plus grande piété est une des premières conditions,
dites-vous, mademoiselle.
Eh bien! je suis votre homme ; j’irai à confesse deux fois
par semaine ; j’assisterai à tous les pèlerinages de France ;
je porterai la bannière aux processions ; je m’abonnerai à
perpétuité à la France Nouvelle ; je vénérerai Louis Veuil-
lot; j’irai baiser la mule du Pape.
J’attends votre réponse.
La sultane Validé, mère du sultan Abd-ul-Azis, vient de
faire cadeau à son fils de 6o canons Krupp.
Le sultan va s’amuser.
On annonce une nouvelle apparition de la sainte Vierge.
Encore une concurrence à Lourdes.c’est désolant.
Aussitôt qu’une affaire marche bien, on établit de suite des
maisons qui ne sont pas au coin du quai.
Les astronomes de Montsouris sont très forts. Ils an-
noncent que nous aurons le beau temps après la pluie.
Nous regrettons bien d’avoir dit, il y a quelques mois, que
le père Hyacinthe ne connaîtrait jamais la douceur de la
paternité.
Son épouse vient de lui donner un nouveau-né, qui ne
ressemble pas du tout à celui du Palais-Royal.
_
Brasseur avait un jour, en province, traité d’imbéciles ses
auditeurs qui étaient probablement mal disposés.
On le fait revenir sur la scène; on exige qu’il se rétracte.
Brasseur est entêté, et comme il ne veut pas céder, voici
îe terme moyen qu’il adopte :
« — Messieurs, dit-il, je vous ai appelés imbéciles, c’est
vrai... Je vous fais des excuses, — j’ai tort! »
La petite fille de Calino, qui étudie le piano, cause de son
art avec une de ses amies.
— Sais-tu jouer la romance de Martha? lui demande
celle-ci.
— Parfaitement.
— Moi pas. Il y a trop de bémols à la clef.
— Que tu es bête!... Fais donc comme moi : quand il y a
des bémols à un morceau.je les gratte.
Les paysans ne sont pas intéressés à demi.
Une vieille bonne femme avait son mari à l’agonie.