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Toutain, Jules
Les cités romaines de la Tunisie: essai sur l'histoire de la colonisation romaine dans l'Afrique du Nord — Paris, 1895

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https://doi.org/10.11588/diglit.16856#0393
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CONCLUSION,

379

le Sénat. Cet orgueil n'était atténué par aucun sentiment d'af-
fection ni de sympathie ; dans l'âme d'un Romain n'entra
jamais le souci de civiliser un Barbare. Rome ne crut pas qu'il
fût de son devoir de démontrer aux habitants des provinces
africaines l'excellence de sa civilisation, la supériorité de ses
coutumes sur leurs usages traditionnels ; elle ne se préoccupa
pas de ce qu'on appellerait aujourd'hui l'éducation morale de
ses sujets ; encore moins prétendit-elle imposer de force ou ré-
gler par des lois des habitudes, des idées, des sentiments qui
ne dépendent que du cœur, inaccessible à la force et aux lois.
Elle ne fit pas davantage de propagande religieuse en faveur
des antiques divinités du Latium, de Silvain, de Picus, de Ver-
tumne ; elle ne déclara pas la guerre au couple divin d'origine
phénicienne, Baal et Tanit. Les proconsuls ne se firent point
les apôtres de la mythologie gréco-romaine. Le gouvernement
impérial se désintéressa absolument du progrès moral des indi-
vidus, de l'évolution intellectuelle et sociale des peuples.

Il prit les uns et les autres tels qu'ils étaient au début du
premier siècle de l'empire ; il ne s'efforça pas de prévoir ce
qu'ils pourraient devenir plus tard. Loin de penser que la des-
tinée future de tous ses sujets fût fatalement de se rapprocher,
pour l'atteindre un jour, d'un modèle idéal, le modèle romain,
Rome accorda au contraire à chaque nation le traitement qui
convenait le mieux à son état présent. Animée d'un esprit très
large, elle crut, et avec raison, que le même système et les
mêmes cadres administratifs n'étaient pas également bons dans
tous les pays et pour toutes les races ; la fin dernière de sa po-
litique ne fut point de répandre d'une extrémité de l'empire à
l'autre un type unique de constitution municipale. Au lieu
d'être une œuvre factice et stérile de centralisation et de nivel-
lement, la colonisation romaine, par la souplesse si profondé-
ment organique de sa méthode, provoqua la mise en action de
toutes les forces visibles et latentes contenues dans les limites
de l'empire.

Si, pendant les deux premiers siècles de l'ère chrétienne,
l'Afrique proconsulaire jouit d'une éclatante prospérité, cette
prospérité, elle la dut surtout à l'admirable intelligence politi-
que du gouvernement impérial. A tout moment, et dans tout
pays, l'histoire est le produit de deux facteurs : la nature, c'est-
à-dire l'ensemble des conditions de la vie matérielle et écono-
mique, et le passé, c'est-à-dire l'héritage total des générations
disparues. En vain un conquérant, si puissant qu'on le suppose,
 
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