SECONDE PARTIE. 247
Les lettres AA, La, marquent donc le nom des Lacédémoniens , et le Ch.IV.
type du revers n'a pu être frappé que dans leur ville. La tête du roi est •XLI-
par conséquent celle d'un roi de Sparte , comme Eckhel l'a pensé. Cet
antiquaire n'a cependant pas essayé de déterminer auquel de ces rois le
portrait appartient. L'absence du nom nous laisse à la vérité dans l'incer-
titude; mais il est plus probable qu'on a décerné cet honneur à Cléomene
qu'à tout autre des trois princes ou tyrans qui lui succédèrent1. Je ne parle
pas des princes qui régnèrent avant lui : Sparte , avant Cléomene, n'étoit
point une véritable monarchie ; les éphores n'auroient pas souffert que le
portrait d'un seul des deux rois de Sparte fût gravé sur la monnoie de l'état,
honneur que les rois de MaGédoine eux-mêmes paroissoient craindre de
s'arroger'. Mais sous Cléomene il n'y avoit plus d'éphores; Sparte se ressou-
venoit de son ancienne puissance ; elle affectoit une seconde fois l'empire
de la Grèce3 ; elle pouvoit encore montrer avec orgueil les trophées de ses
victoires sur Athènes. Le type du revers convient à toutes ces circonstances.
Au contraire, après la mort de Cléomene, les affaires de Lacédémone em-
pirèrent chaque jour: le pouvoir de Macbanidas ne fut qu'éphémère; Ly-
curgue et Nabis ne purent jamais avoir la prétention de faire graver leur
tête sur la monnoie. Le règne du premier de ces tyrans fut court et mal
assuré : le second n'avoit pu rivaliser avec Philippe ; et après la chute de
celui-ci, inquiété par la ligue achéenne , il trembloit sous la verge des
Romains.
C'est donc, suivant toutes les probabilités, le portrait de Cléomene qu'on
voit empreint sur la médaille de Sparte : sa tête est ceinte du diadème ,
marque de la royauté dont il avoit su revendiquer tous les droits. La mé-
daille à la vérité ne porte point son nom; mais c'est encore, selon moi,
une raison de plus pour la lui attribuer; ce prince ayant toujours gardé
dans sa conduite une certaine modération qui, sans affoiblir réellement sa
puissance, en dissimuloit l'orgueil et la rendoit populaire4.
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(1) Lycurgue, Machanidas, et Nabis.
(2) Ou connoit une médaille d'Aréus III, fils d'A-
crotatus , roi de Sparte ( Froélicli, Ad reg. vet. ac-
cess.} p. i ) : elle porte le nom de ce roi, mais sa tète
n'y est pas gravée. A l'imitation des té tr a drachmes
d'Alexandre -le- Grand , elle nous présente la tête
d'Hercule, souche des deux familles royales de Lacé-
démone. On n'y Ut pas le nom des Lacédémoniens ;
et il est à présumer que cette monnoie a été frappée
dans file de Crète, où Aréus faisoit la guerre.
(3) Pausanias, liv. II, c. g.
(4) Plutarque nous assure que Cléomene ne fit
point usage de la pourpre : mais il est à remarquer
qu'il ne parle point du diadème : peut-être ses prédé-
cesseurs avoient-ils pris avant lui cette marque de la
royauté, Acrotatus et Aréus, rois de Sparte, s'étant
déjà beaucoup éloignés des anciennes institutions de
leur pays ^Plutarque, Inst. Lacon, pag. 239 et 40 ;
Athénée, liv. IV, pag. 192, B).