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repousser des honneurs et des magistratures dont
il ne pouvoit douter que ses concitoyens ne fus-
sent blessés. Ce jugement et cette modération ,
qui en d'autres circonstances avoient fait citer
Scipion comme un prodige de continence, mal-
gré son penchant pour les femmes et pour les
plaisirs (i), firent que dans ses projets ambitieux
il se maintint toujours dans les bornes que ne
devoit point franchir un citoyen qui avoit mieux
mérité de sa patrie qu'aucun de ses contempo-
rains, et qui étoit bien éloigné de vouloir la li-
vrer aux horreurs des guerres intestines. Cepen-
dant il prévoyoit sans doute que ses conquêtes
ne laisseroient pas subsister long-temps la ré-
publique dans la même forme , et qu'elle éprou-
veroit prochainement quelque grande révolution ;
il auroit peut-être désiré qu'une autorité perpé-
tuelle et légitime , remise en ses mains, eût épar-
gné à Rome les convulsions et les calamités dont
elle étoit menacée ; mais il sentoit aussi que les
tentatives qu'il pourroit faire seroieni prématu-
rées, d'autant plus qu'une suite de troubles et
de malheurs n'avoient encore pu faire perdre
de vue au peuple ces maximes d'indépendance
(i) Scipion, suivant Polybe , aimoit 1rs femmes. Cet
écrivain, l'ami intime du second Scipion, donne au pre-
mier l'épitbele de (pikoywvic,, philogj-nès ( 1. X , c. xix).
Ses mœurs etoient ge'ne'ralement regardées comme peu
se'vercs: voyez. Sparlien, dans \a. Vie de Pescennitis Niger,
c. xir.
repousser des honneurs et des magistratures dont
il ne pouvoit douter que ses concitoyens ne fus-
sent blessés. Ce jugement et cette modération ,
qui en d'autres circonstances avoient fait citer
Scipion comme un prodige de continence, mal-
gré son penchant pour les femmes et pour les
plaisirs (i), firent que dans ses projets ambitieux
il se maintint toujours dans les bornes que ne
devoit point franchir un citoyen qui avoit mieux
mérité de sa patrie qu'aucun de ses contempo-
rains, et qui étoit bien éloigné de vouloir la li-
vrer aux horreurs des guerres intestines. Cepen-
dant il prévoyoit sans doute que ses conquêtes
ne laisseroient pas subsister long-temps la ré-
publique dans la même forme , et qu'elle éprou-
veroit prochainement quelque grande révolution ;
il auroit peut-être désiré qu'une autorité perpé-
tuelle et légitime , remise en ses mains, eût épar-
gné à Rome les convulsions et les calamités dont
elle étoit menacée ; mais il sentoit aussi que les
tentatives qu'il pourroit faire seroieni prématu-
rées, d'autant plus qu'une suite de troubles et
de malheurs n'avoient encore pu faire perdre
de vue au peuple ces maximes d'indépendance
(i) Scipion, suivant Polybe , aimoit 1rs femmes. Cet
écrivain, l'ami intime du second Scipion, donne au pre-
mier l'épitbele de (pikoywvic,, philogj-nès ( 1. X , c. xix).
Ses mœurs etoient ge'ne'ralement regardées comme peu
se'vercs: voyez. Sparlien, dans \a. Vie de Pescennitis Niger,
c. xir.