GENS DE LETTRES.
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On n’exige pas qu’un homme de lettres approfondisfe
toutes ces matières; la science universelle n’est plus
à la portée de l’homme : mais les vé ritables gens de
lettres se mettent en état de porter leurs pas dans ces
différens terrains , s’ils ne peuvent les cultiver tous.
Autrefois dans le seizième siècle, et bien avant dans
le dix-septième, les littérateurs s’occupaient beaucoup
dans la critique grammaticale des auteurs grecs et
latins ; et c’est à leurs travaux que nous devons les
dictionnaires, les éditions correctes, les commentaires
des chefs-d’œuvre de l’antiquité ; aujourd’hui cette
critique est moins nécessaire, et l’esprit philosophique
lui a succédé : c’est cet esprit philosophique qui
semble constituer le caractère des gens de lettres ; et
quand il se joint au bon goût, il forme un littérateur
accompli.
C’est un des grands avantages de notre siècle , que
ce nombre d’hommes instruits qui passent des épines
des mathématiques aux sseurs de la poésie , et qui
jugent également bien d'un livre de métaphysique et
d’une pièce de théâtre. L’esprit du siècle les a rendus
pour la plupart aussi propres pour le monde que pour
le cabinet; et c’est en quoi ils sont fort supérieurs à
ceux des siècles précédens. Ils furent écartés de la
société jusqu’au temps de Balzac et de Voiture ; ils en
ont fait depuis une partie devenue nécesfaire. Cette
raison approfondie et épurée que plusieurs ont répan-
due dans leurs conversations, a contribué beaucoup
à instruire et à polir la nation : leur critique ne s’est
plus consumée sur des mots grecs et latins ; mais
appuyée d’une saine philosophie, elle a détruit tous
les préjugés dont la société étaitinfectée : prédictions
Ff 4
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On n’exige pas qu’un homme de lettres approfondisfe
toutes ces matières; la science universelle n’est plus
à la portée de l’homme : mais les vé ritables gens de
lettres se mettent en état de porter leurs pas dans ces
différens terrains , s’ils ne peuvent les cultiver tous.
Autrefois dans le seizième siècle, et bien avant dans
le dix-septième, les littérateurs s’occupaient beaucoup
dans la critique grammaticale des auteurs grecs et
latins ; et c’est à leurs travaux que nous devons les
dictionnaires, les éditions correctes, les commentaires
des chefs-d’œuvre de l’antiquité ; aujourd’hui cette
critique est moins nécessaire, et l’esprit philosophique
lui a succédé : c’est cet esprit philosophique qui
semble constituer le caractère des gens de lettres ; et
quand il se joint au bon goût, il forme un littérateur
accompli.
C’est un des grands avantages de notre siècle , que
ce nombre d’hommes instruits qui passent des épines
des mathématiques aux sseurs de la poésie , et qui
jugent également bien d'un livre de métaphysique et
d’une pièce de théâtre. L’esprit du siècle les a rendus
pour la plupart aussi propres pour le monde que pour
le cabinet; et c’est en quoi ils sont fort supérieurs à
ceux des siècles précédens. Ils furent écartés de la
société jusqu’au temps de Balzac et de Voiture ; ils en
ont fait depuis une partie devenue nécesfaire. Cette
raison approfondie et épurée que plusieurs ont répan-
due dans leurs conversations, a contribué beaucoup
à instruire et à polir la nation : leur critique ne s’est
plus consumée sur des mots grecs et latins ; mais
appuyée d’une saine philosophie, elle a détruit tous
les préjugés dont la société étaitinfectée : prédictions
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