14
L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1SG7 ILLUSTREE.
latioQS. Les abords du Champ de Mars, à
peine affermis, étaienl transformés en véri-
tables Qeuves de boue. L'humidité de l'at-
mosphère empêchait de commencer les'pein-
turea but des plâtres empâtés. Le vent qui
précède les feuilles était glacé, et paralysai!
la truelle aux mains des maçons, comme il
paralysait le crayon aux mains des dessina-
teurs. Lïb arbres restaient sans bourgeons,
et les constructions commencées restaient
sans ornements. Tout semblait condamné à
l'inertie, la nature et le»travail. Le 1"avril
s'avançait pourtant; et la saison mauvaise lui
louait rigueur. M. Alphand et les architectes
à sa suite invoquaient le soleil, père de la
vie, comme de véritables Indiens, adorateurs
du feu. Que faire, cependant? A l'appel de la
Commission impériale, les wagons arrivaienl
bondés de colis, et les lourds camions défon-
çaient les allées boueuses. Entre temps, les
critiquesallaient leur train; et les avalanches
de reproches pleuvaient comme les givres du
ciel.
Au 1wmai1862l L'Exposition de Londres
enlr'miverte n'était prêle qu'au 1er juin. 11 en
est de même de l'Exposition du Champ de
Mars, comme il en sera de même de toutes
les expositions futures. Une exposition n'est
jamais prête lorsqu'elle ouvre : tantôt la sai-
son en est cause; tantôt ce sont les expo-
sants. Il arrive toujours des choses qu'on
n'attendait pas; les choses qu'on attendait
n'arrivent pas.
Les premiers rayons d'un soleil plus liède
ont raison de toutes ces mauvaises humeurs
du temps et des hommes. Avec les arbres
et les gazons qui verdoient, toutes les cons-
tructions du parc semblent naître àlavie; la
peinture s'étale sur les plâtres sèches; et telle
charpente, qui apparaissait la veille comme
la carcasse d'un feu d'artifice éteint, prend
chair, pour ainsi dire, le lendemain, et
rayonne dans sa parure toute neuve.
Ah! c'est que la répétition générale au
Champ de Mars n'a pas plus prêté aux illu-
sions que celle d'une pièce à grand spectacle,
où le grand machiniste est absent. Ici, le ma-
chiniste était le soleil, et il a manqué à la
répétition.
Que d'efforts surhumains, pourtant! et
quelle patience aux reproches"! Voyez ces
dix-huit cent mines qui sautent à la fois sur
les hauteurs du Trocadero! Il faut aussi que
le Trocadero soit. prêt. Cela dépend de M. Al-
phand, le puissant enchanteur, —et du soleil
plus puissant que lui. L'activité dans le
palais est prodigieuse : c'est une ruche eu
bourdonnement, une fourmilière en travail
d'édification! Les grues seules sont impassi-
sibles; elles baissent ou lèvent leurs bras
nerveux, sans se soucier du temps qui mar-
che. Si M. Morèno-Henriquès pouvait leur
communiquer sa fièvre et son ardeur!
L'Exposition de 1867 ouvre le 1" avril,
c'est convenu : ce sera au printemps tardif à
lui faire peau neuve.
Les visiteurs n'ont pas été admis à assis-
ter à la rapide transformation qui s'opère;
et leurs critiques sont en retard de qui nze jours
Bur U I"' avril.
Sans plus nous inquiéter de ce qu'un dit
à la porte, rentrons dans le Palais à la re-
cherche des installations qu'on achève. L'O-
rient nous offic les plus gracieuses : nos
architectes se sont passé là leurs fantaisies,
ou se sont heureusement inspires de celles
de leurs exposants. Les installations russes
— c'est encore l'Orient—captivaient aussi
les promeneurs. Les exposants occidentaux
ont été plus sobres d'ornements, — les An-
glais surtout—: mais leurs installations, avec
moins de couleur et d'attrait, sont en gênerai
plus riches, — sauf l'Angleterre qui a dédai-
gné tout vain apparat.
Si l'on calculait la valeur de tous les pro-
duits de choix qui sont entassés dans la plus
vaste enceinte qu'on ait jamais offerte à leur
exhibition, on arriverait à des milliards. Les
installations seules, faites par les exposants,
sans calculer la valeur de leurs produits, dé-
passent en dépense les frais de construction
du Palais et du Parc. Et pourquoi le Champ
de Mars ne servirait-il pas d'entrepôt perma-
nent aux produits du monde entier, au lieu
de leur servir d'entrepôt temporaire? Pour-
quoi Paris, après Amsterdam et Londres, ne
servirait-il pas de marché public au commerce
du continent? Les marchandises n'aiment pas
les transbordements; et Paris leur offre sur
Londres l'économie d'un tranebordement.
Nous verrons partir, de la berge même du
Champ de Mars, les premiers bateaux à fond
plat qui iront tout d'une traite à New-York.
Nous reviendrons sur les diverses instal-
lations du Palais, curieuses à étudier au point
de vue du caractère de chaque pays exposant,
en attendant la revue des produits qu'elles
décorent. Voyons d'abord l'espace occupé par
chacune des nations exposantes.
De la porte d'honneur du Pont d'iéna, à
laquelle nous devions naturellement faire les
honneurs de notre entrée en matière, nous
avançons, à l'ombre du Vélum qui abrite et
décore toute l'allée centrale du Pare. L'ave-
nue d'iéna a 20 mètres de largeur, 5 mè-
tres de plus que le grand vestibule du Palais
qui la prolonge jusqu'au Jardin central,
le Vélum qui l'ombrage n'a que 11 mètres
de large : il est supporté de chaque côté
par des mâts avec oriflammes et banderoles
espacés de 11 m.'très. Dans les intervalles
d'un mât à l'autre, des caissons forment dé-
coration.
De chaque côté de cette chaussée mé-
diane, ombragée par le \ehm, règne un
double trottoir de 4 mètres, par lequel on
accède aux chemins du Parc. Les arbustes
en fleurs forment la haie sur notre pas-
sage. Prenons à gauche, pour faire le tour
du Palais, et laissons derrière nous, dans
notre direction tournante, les installations
anglaises que le grand axe sépare des insta'-
lationa françaises qui1 nous traversons. Voici
par ordre de parcours, les espaces oc-
cupés :
France................ 61314 mètrescarréa
Pats-Bas.............. 1897 _
tÎELGiQUn;.............. 6 881 __
Prusse................ 7 880 __
Allemagne du Sud...... 7 879 __
Autriche.............. 7 880 _
Si ISSB................. 2 691 _
Espagne............... l 66<t —
Portugal.............. 713 _
Grèce................. 713 __
Danemark............. 751
Suède et Norwége..... 1 823 _ *
Russie................. 2 853 _
Italie................. 3 249 __
Home.................. 554 __
Principautés-Unies...... 554 _
Turquie............... 1 426 _
Egypte................ 3<J6 _
Chine, Japon, Siam..... 792 _
Perse................. 7!3 __
Maroc, Tunis.......... 1 030 —
États-Unis............. 2 867 _
Brésil.................j
Républiquesaméricaines. I
Harvai................ —
Grande-Bretagne....... 21653 —
Total..... 140184 mètres carrés.
On voit, par le tableau qui précède, l'ordre
de position dans le Palais et l'importance des
surfaces occupées par chaque pays expo-
sant.
Les lieux avaient été successivement li-
vrés aux Comités d'admission français, et
aux commissaires étrangers, dès le commen-
cement de 18G7. Les exposants français se
sont entendus pour confier l'aménagement
de chaque classe à un ou plusieurs délégués,
choisis dans le sein de chaque comité ou sur
sa proposition. Ce système a permis d'assurer
la régularité des installations, ce qui donne
un peu d'uniformité à l'ensemble de la déco-
ration, malgré la variété et la richesse de
certains ornements. Mais ce qui est certain,
c'est que les délégués, en réglant eux-mêmes
les détails de l'aménagement, ont pu faire
profiler les exposants de conditions excep-
tionnelles de bon marché. Tel qui ae piaiol
d'avoir payé mille francs pour sa vitrine,
consentirait volontiers à dépenser dix mille
francs pour la même installation sur le bou-
levard, et dans de moins bonnes conditions
d'achalandage.
Us Russes, qui avaient dû expédier leurs
colis avant la saison des glaces, étaient de
beaucoup en avance sur les autres exposante.
On peut dire qu'ils ont dû essuyer les plâ-
tres, tant à la douane et aux chemins de Fer
que dans le Palais et dans le Parc
Les exposants français ont été gênés, pow
donner la dernière main à leurs produits, par
certaines difficultés de salaire, surtout dans
les bronzes. Et puis, les produits de goût cl
de luxe, par lesquels surtout nos exposants se
distinguent, demandent un long temps pou''
être confectionnes; et les événements mm-
L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1SG7 ILLUSTREE.
latioQS. Les abords du Champ de Mars, à
peine affermis, étaienl transformés en véri-
tables Qeuves de boue. L'humidité de l'at-
mosphère empêchait de commencer les'pein-
turea but des plâtres empâtés. Le vent qui
précède les feuilles était glacé, et paralysai!
la truelle aux mains des maçons, comme il
paralysait le crayon aux mains des dessina-
teurs. Lïb arbres restaient sans bourgeons,
et les constructions commencées restaient
sans ornements. Tout semblait condamné à
l'inertie, la nature et le»travail. Le 1"avril
s'avançait pourtant; et la saison mauvaise lui
louait rigueur. M. Alphand et les architectes
à sa suite invoquaient le soleil, père de la
vie, comme de véritables Indiens, adorateurs
du feu. Que faire, cependant? A l'appel de la
Commission impériale, les wagons arrivaienl
bondés de colis, et les lourds camions défon-
çaient les allées boueuses. Entre temps, les
critiquesallaient leur train; et les avalanches
de reproches pleuvaient comme les givres du
ciel.
Au 1wmai1862l L'Exposition de Londres
enlr'miverte n'était prêle qu'au 1er juin. 11 en
est de même de l'Exposition du Champ de
Mars, comme il en sera de même de toutes
les expositions futures. Une exposition n'est
jamais prête lorsqu'elle ouvre : tantôt la sai-
son en est cause; tantôt ce sont les expo-
sants. Il arrive toujours des choses qu'on
n'attendait pas; les choses qu'on attendait
n'arrivent pas.
Les premiers rayons d'un soleil plus liède
ont raison de toutes ces mauvaises humeurs
du temps et des hommes. Avec les arbres
et les gazons qui verdoient, toutes les cons-
tructions du parc semblent naître àlavie; la
peinture s'étale sur les plâtres sèches; et telle
charpente, qui apparaissait la veille comme
la carcasse d'un feu d'artifice éteint, prend
chair, pour ainsi dire, le lendemain, et
rayonne dans sa parure toute neuve.
Ah! c'est que la répétition générale au
Champ de Mars n'a pas plus prêté aux illu-
sions que celle d'une pièce à grand spectacle,
où le grand machiniste est absent. Ici, le ma-
chiniste était le soleil, et il a manqué à la
répétition.
Que d'efforts surhumains, pourtant! et
quelle patience aux reproches"! Voyez ces
dix-huit cent mines qui sautent à la fois sur
les hauteurs du Trocadero! Il faut aussi que
le Trocadero soit. prêt. Cela dépend de M. Al-
phand, le puissant enchanteur, —et du soleil
plus puissant que lui. L'activité dans le
palais est prodigieuse : c'est une ruche eu
bourdonnement, une fourmilière en travail
d'édification! Les grues seules sont impassi-
sibles; elles baissent ou lèvent leurs bras
nerveux, sans se soucier du temps qui mar-
che. Si M. Morèno-Henriquès pouvait leur
communiquer sa fièvre et son ardeur!
L'Exposition de 1867 ouvre le 1" avril,
c'est convenu : ce sera au printemps tardif à
lui faire peau neuve.
Les visiteurs n'ont pas été admis à assis-
ter à la rapide transformation qui s'opère;
et leurs critiques sont en retard de qui nze jours
Bur U I"' avril.
Sans plus nous inquiéter de ce qu'un dit
à la porte, rentrons dans le Palais à la re-
cherche des installations qu'on achève. L'O-
rient nous offic les plus gracieuses : nos
architectes se sont passé là leurs fantaisies,
ou se sont heureusement inspires de celles
de leurs exposants. Les installations russes
— c'est encore l'Orient—captivaient aussi
les promeneurs. Les exposants occidentaux
ont été plus sobres d'ornements, — les An-
glais surtout—: mais leurs installations, avec
moins de couleur et d'attrait, sont en gênerai
plus riches, — sauf l'Angleterre qui a dédai-
gné tout vain apparat.
Si l'on calculait la valeur de tous les pro-
duits de choix qui sont entassés dans la plus
vaste enceinte qu'on ait jamais offerte à leur
exhibition, on arriverait à des milliards. Les
installations seules, faites par les exposants,
sans calculer la valeur de leurs produits, dé-
passent en dépense les frais de construction
du Palais et du Parc. Et pourquoi le Champ
de Mars ne servirait-il pas d'entrepôt perma-
nent aux produits du monde entier, au lieu
de leur servir d'entrepôt temporaire? Pour-
quoi Paris, après Amsterdam et Londres, ne
servirait-il pas de marché public au commerce
du continent? Les marchandises n'aiment pas
les transbordements; et Paris leur offre sur
Londres l'économie d'un tranebordement.
Nous verrons partir, de la berge même du
Champ de Mars, les premiers bateaux à fond
plat qui iront tout d'une traite à New-York.
Nous reviendrons sur les diverses instal-
lations du Palais, curieuses à étudier au point
de vue du caractère de chaque pays exposant,
en attendant la revue des produits qu'elles
décorent. Voyons d'abord l'espace occupé par
chacune des nations exposantes.
De la porte d'honneur du Pont d'iéna, à
laquelle nous devions naturellement faire les
honneurs de notre entrée en matière, nous
avançons, à l'ombre du Vélum qui abrite et
décore toute l'allée centrale du Pare. L'ave-
nue d'iéna a 20 mètres de largeur, 5 mè-
tres de plus que le grand vestibule du Palais
qui la prolonge jusqu'au Jardin central,
le Vélum qui l'ombrage n'a que 11 mètres
de large : il est supporté de chaque côté
par des mâts avec oriflammes et banderoles
espacés de 11 m.'très. Dans les intervalles
d'un mât à l'autre, des caissons forment dé-
coration.
De chaque côté de cette chaussée mé-
diane, ombragée par le \ehm, règne un
double trottoir de 4 mètres, par lequel on
accède aux chemins du Parc. Les arbustes
en fleurs forment la haie sur notre pas-
sage. Prenons à gauche, pour faire le tour
du Palais, et laissons derrière nous, dans
notre direction tournante, les installations
anglaises que le grand axe sépare des insta'-
lationa françaises qui1 nous traversons. Voici
par ordre de parcours, les espaces oc-
cupés :
France................ 61314 mètrescarréa
Pats-Bas.............. 1897 _
tÎELGiQUn;.............. 6 881 __
Prusse................ 7 880 __
Allemagne du Sud...... 7 879 __
Autriche.............. 7 880 _
Si ISSB................. 2 691 _
Espagne............... l 66<t —
Portugal.............. 713 _
Grèce................. 713 __
Danemark............. 751
Suède et Norwége..... 1 823 _ *
Russie................. 2 853 _
Italie................. 3 249 __
Home.................. 554 __
Principautés-Unies...... 554 _
Turquie............... 1 426 _
Egypte................ 3<J6 _
Chine, Japon, Siam..... 792 _
Perse................. 7!3 __
Maroc, Tunis.......... 1 030 —
États-Unis............. 2 867 _
Brésil.................j
Républiquesaméricaines. I
Harvai................ —
Grande-Bretagne....... 21653 —
Total..... 140184 mètres carrés.
On voit, par le tableau qui précède, l'ordre
de position dans le Palais et l'importance des
surfaces occupées par chaque pays expo-
sant.
Les lieux avaient été successivement li-
vrés aux Comités d'admission français, et
aux commissaires étrangers, dès le commen-
cement de 18G7. Les exposants français se
sont entendus pour confier l'aménagement
de chaque classe à un ou plusieurs délégués,
choisis dans le sein de chaque comité ou sur
sa proposition. Ce système a permis d'assurer
la régularité des installations, ce qui donne
un peu d'uniformité à l'ensemble de la déco-
ration, malgré la variété et la richesse de
certains ornements. Mais ce qui est certain,
c'est que les délégués, en réglant eux-mêmes
les détails de l'aménagement, ont pu faire
profiler les exposants de conditions excep-
tionnelles de bon marché. Tel qui ae piaiol
d'avoir payé mille francs pour sa vitrine,
consentirait volontiers à dépenser dix mille
francs pour la même installation sur le bou-
levard, et dans de moins bonnes conditions
d'achalandage.
Us Russes, qui avaient dû expédier leurs
colis avant la saison des glaces, étaient de
beaucoup en avance sur les autres exposante.
On peut dire qu'ils ont dû essuyer les plâ-
tres, tant à la douane et aux chemins de Fer
que dans le Palais et dans le Parc
Les exposants français ont été gênés, pow
donner la dernière main à leurs produits, par
certaines difficultés de salaire, surtout dans
les bronzes. Et puis, les produits de goût cl
de luxe, par lesquels surtout nos exposants se
distinguent, demandent un long temps pou''
être confectionnes; et les événements mm-