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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 2)

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Claretie, Jules: M. Édouard Detaille
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https://doi.org/10.11588/diglit.16675#0062

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52 L'ART.

Ce tableau, les Vainqueurs, ne devait pas, on s'en souvient, figurer au Salon de 1872, auquel il
était destiné. On put le voir chez Goupil en même temps que les Prussiens pillant une ferme en
Alsace, de B. Ulmann. M. Détaille devait d'ailleurs être dicoré un an après, et il dut en grande partie
cette distinction à ces Vainqueurs, — un de ses meilleurs tableaux, à coup sûr.

Un Convoi prussien défilant à Triel, sur la route de Pontoise, d'une inspiration à peu près identique
aux Vainqueurs, doit figurer dans la liste de ces œuvres. Ces Prussiens sont des fantassins qui débou-
chent d'un tunnel et se présentent de face, avec leurs lourdes démarches prodigieusement bien saisies
par l'artiste l.

M. Edouard Détaille a exposé, depuis ce grand succès, En retraite (Salon de 1873) et les Cuiras-
siers de Morsbronn (Salon de 1874) \ Cette année, il expose un Régiment défilant sur le boulevard. Toutes
ces peintures sont serrées, vivantes et réelles. Le détail y est traité avec un soin égal à l'ensemble.
M. Détaille ne recherche pas le drame : il se contente de l'impression vraie ; il ne pose point ses per-
sonnages, il les saisit au passage. Sa manière, parfois un peu sèche dans ses premiers tableaux et qui
s'assouplit d'œuvre en œuvre, est sincère, exacte et rigoureuse. Souvent, pour ses tableaux, M. Détaille
commence par des études, et il ne peint jamais une scène militaire sans avoir étudié son décor sur place
(il avait fait le voyage d'Alsace pour peindre son Morsbronn) ; mais autant que possible il peint directe-
ment sur la toile, d'après nature, avec la conscience d'un élève de Rome étudiant une académie,
méthode excellente et qui donne une expression de vérité bien autrement puissante que la chose reco-
piée. Au reste, il commence beaucoup d'esquisses avant de commencer le tableau; le sujet est retourné
et remanié bien des fois, et il garde dans son atelier plusieurs variantes de ses tableaux les plus impor-
tants. Ce sont ses premiers essais, ses premières recherches.

Peu d'artistes ont au reste des cartons, un portefeuille aussi riches que lui en croquis et projets
de toutes sortes. Il a chez lui des milliers de dessins enlevés avec une verve et une dextérité infinies,
souvenirs de scènes entrevues, embryons de tableaux futurs. Durant l'été de 1874, il fit, avec M. A. de
Neuville, un voyage à Sedan, à Metz, à Forbach, à Frœschwiller, et, après avoir suivi les manœuvres du
6e corps, à Verdun, il rapporta un nombre considérable de croquis et d'études qui prendront place
dans l'œuvre du jeune peintre déjà en pleine possession d'un rare et solide talent.

En somme, on le voit, deux qualités s'imposent chez M. Edouard Détaille, de ces qualités que
j'appellerais volontiers la probité de l'artiste : c'est l'amour profond de l'exactitude et la sincérité
absolue dans l'exécution. Qu'il fasse une aquarelle comme ces Prisonniers bavarois, qui est la dernière
œuvre signée de lui — et il préférerait volontiers, pour son propre plaisir, l'aquarelle à la peinture à
l'huile, — ou qu'il compose un tableau comme le Défilé qui attire le public au Salon, à l'heure
actuelle, le soin qu'il apporte aux deux œuvres est le môme. Pour un tempérament, pour un
esprit précis et sévère à lui-même comme l'est M. Edouard Détaille, il n'y a pas d'œuvre à négliger.
Il a en quelque sorte le souci de style d'un Mérimée, avec la même netteté acérée, ou — pourquoi

1. La période de 1870-1871 comprend encore pour la production de M. Détaille : Un General (1789), aquarelle; un Éventail représen-
tant le Tour du lac au lois de Boulogne ; Cavalerie en bataille, aquarelles ; Fantassins prussiens, beaucoup de croquis et aquarelles de soldats
prussiens et bavarois; quatre grands panneaux décoratifs; militaires du premier Empire; artilleurs à cheval et à pied de la garde.

2. En 1872, M. Détaille signe encore : Dragon et Grenadier, pour le général Bertrand; Combat d'avant-postes (musée de Dun-
kerque); Portrait du prince d'Arenberg avec son équipage de chasse; Charge de cavalerie (campagne de 1870), aquarelle, sans compter les
Frères de Ve'cole chrétienne ramassant les blessés sur le champ de bataille que nous avons cités.

En 1873, avec En retraite, M. Détaille donne ses Parlementaires et plusieurs aquarelles représentant les nouveaux uniformes de
l'armée.

En 1874, Une Revue d'inspection, aquarelle; Combat d'avant-postes dans un château (1870), tableau exposé place-Vendôme et qu'on a
défini : des chasseurs à pied faisant le coup de feu dans un tableau de Granet; Hussard de Brunswick, aquarelle; Hussard français, régi-
ments de marche 1870-1871 ; une Rue de Montmartre (arrivée des troupes régulières, 1871); Portrait à cheval de M. Raimbeaux en tenue
d'écuyer ; Régiment de cuirassiers, musique en téte sortant de la caserne du quai d'Orsay. — Il faut ajouter à cette énumération des eaux-
rortes originales; un Uhlan pour l'Album de A. Cadart, VEau-forte en 1874, un Chasseur pour l'album de l'année suivante, un dessin, le
Savetier et le Financier, qui rappelle les Contes Rémois illustrés par Meissonier, pour les Fables de la Fontaine éditées par D. Jouaust. Cette
année, le tableau du Salon de 1875 a absorbé tout le temps du peintre. Les seules choses qui soient parties de son atelier sont deux études
de chasseurs à pied et une aquarelle, les Prisonniers bavarois. Ces prisonniers, conduits par des cuirassiers français, le pistolet au poing, tra-
versent les réserves pendant la bataille et, en passant près d'un régiment de lanciers, sont interrogés par un officier d'état-major. Les
figures immobiles des Allemands, les visages sévères ou curieux des cavaliers français, la pose de l'officier qui se penche sur sa selle, au
loin les figures, grandes comme l'ongle, des chasseurs à pied suivant la bataille du haut d'un mamelon, tout cela est traité d'une façon
exquise et est d'une immobilité pleine de mouvement.
 
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