SALON DE 1875
XIV.
au hasard de mes notee.
(suite1.)
onsieur Philippe Rousseau. — Un vaillant; — il ne date pas
d'hier et chaque année le montre plus jeune et progressant sans
cesse; il se permet jusqu'à des erreurs de jeunesse, — témoin ce
n° 1753 : Ie Loup et l'Agneau, — pour mieux démontrer sans doute
combien il lui est aisé de prendre immédiatement une triomphante
revanche. Ni Chardin, ni personne n'a jamais rien peint de mieux
que les Fromages (n° 1754); c'est une véritable leçon, il n'en existe
pas de plus complète ; les plus prodigieux virtuoses de Nature morte
n'ont absolument qu'à s'incliner; si M. Philippe Rousseau n'est pas
leur maître à tous, il marche l'égal des plus forts ; ce prestigieux
morceau d'un ragoût si savoureux ne redoute la comparaison avec aucun des chefs-d'œuvre du genre.
M. Antoine Vollon. — Avoir tant de talent et en abuser en prodigue insouciant de sa renommée,
c'est impardonnable et il me faut gronder M. Vollon fort et ferme. Je l'aime trop pour ne pas lui
donner bonne mesure.
Dans Armures (n° 1975), à côté de finesses de tons adorables, d'une symphonie argentine en gris
mineurs et majeurs à ravir les plus difficiles, on enrage de voir s'étaler de violentes aberrations de
dessin et de perspective greffées sur le plus absolu sans-gène de composition. Le Cochon (n° 1974)
éventré est un régal de notes sanguinolentes, je n'en disconviens pas, mais lorsqu'on s'attaque à pareil
sujet si souverainement traité par Rembrandt, on ne se contente pas de n'en tirer qu'une brillante
pochade.
Mme Euphémie Muraton. — Un Souvenir (n° 1530), que M. Léon Gaucherel a gravé pour l'Art de
sa pointe la plus vibrante, est un élégant prétexte à un bouquet de colorations charmantes. La facture
est d'une virilité qui étonne chez une main féminine et que doit envier plus d'un artiste du sexe fort.
M'ne Muraton a peint un des meilleurs tableaux du Salon et naturellement son nom ne figure pas dans
la répartition des médailles. C'est d'autant plus juste que la critique a à peine prise sur cette œuvre;
je ne vois à lui reprocher qu'une lumière superflue sur l'épée.
M. Alexis Kreyder. — Ce Bouquet de roses (n° 1164) dans un vase de Chine est la plus remar-
quable peinture de fleurs de cette année.
M. Charles Monginot. — Les Amis de la maison ne sont autre chose, malgré les animaux qui
l'animent, qu'une immense nature morte bien brossée, d'une coloration tapageuse et formant en réalité
deux tableaux bien distincts tant la composition est exactement coupée en deux.
Dans les Apprêts du dîner (n° 1965), nous retrouvons l'habileté ordinaire de M. Villain.
M. Aristide Bourel. — De la peinture décentralisatrice. C'est de Dunkerque qu'arrive l'Ecor
cheuse de raies (n° 277). Poissons et accessoires bien traités; exécution vibrante et large, un peu à la
Frans Hais. Le point faible, c'est la marchande ; elle manque de ressort; les bras et les mains d'une
lourdeur extrême paraissent être en bois.
Les départements du Nord possèdent une très-remarquable pléiade artistique fidèle à la terre
natale. M. Jules Breton, qui réside à Courrières ainsi que son frère, se montre supérieur à lui-même
1. Voir tome II, pages 7, 35, j6, 77, 102, 137, 150, 178, 204 et 222.
XIV.
au hasard de mes notee.
(suite1.)
onsieur Philippe Rousseau. — Un vaillant; — il ne date pas
d'hier et chaque année le montre plus jeune et progressant sans
cesse; il se permet jusqu'à des erreurs de jeunesse, — témoin ce
n° 1753 : Ie Loup et l'Agneau, — pour mieux démontrer sans doute
combien il lui est aisé de prendre immédiatement une triomphante
revanche. Ni Chardin, ni personne n'a jamais rien peint de mieux
que les Fromages (n° 1754); c'est une véritable leçon, il n'en existe
pas de plus complète ; les plus prodigieux virtuoses de Nature morte
n'ont absolument qu'à s'incliner; si M. Philippe Rousseau n'est pas
leur maître à tous, il marche l'égal des plus forts ; ce prestigieux
morceau d'un ragoût si savoureux ne redoute la comparaison avec aucun des chefs-d'œuvre du genre.
M. Antoine Vollon. — Avoir tant de talent et en abuser en prodigue insouciant de sa renommée,
c'est impardonnable et il me faut gronder M. Vollon fort et ferme. Je l'aime trop pour ne pas lui
donner bonne mesure.
Dans Armures (n° 1975), à côté de finesses de tons adorables, d'une symphonie argentine en gris
mineurs et majeurs à ravir les plus difficiles, on enrage de voir s'étaler de violentes aberrations de
dessin et de perspective greffées sur le plus absolu sans-gène de composition. Le Cochon (n° 1974)
éventré est un régal de notes sanguinolentes, je n'en disconviens pas, mais lorsqu'on s'attaque à pareil
sujet si souverainement traité par Rembrandt, on ne se contente pas de n'en tirer qu'une brillante
pochade.
Mme Euphémie Muraton. — Un Souvenir (n° 1530), que M. Léon Gaucherel a gravé pour l'Art de
sa pointe la plus vibrante, est un élégant prétexte à un bouquet de colorations charmantes. La facture
est d'une virilité qui étonne chez une main féminine et que doit envier plus d'un artiste du sexe fort.
M'ne Muraton a peint un des meilleurs tableaux du Salon et naturellement son nom ne figure pas dans
la répartition des médailles. C'est d'autant plus juste que la critique a à peine prise sur cette œuvre;
je ne vois à lui reprocher qu'une lumière superflue sur l'épée.
M. Alexis Kreyder. — Ce Bouquet de roses (n° 1164) dans un vase de Chine est la plus remar-
quable peinture de fleurs de cette année.
M. Charles Monginot. — Les Amis de la maison ne sont autre chose, malgré les animaux qui
l'animent, qu'une immense nature morte bien brossée, d'une coloration tapageuse et formant en réalité
deux tableaux bien distincts tant la composition est exactement coupée en deux.
Dans les Apprêts du dîner (n° 1965), nous retrouvons l'habileté ordinaire de M. Villain.
M. Aristide Bourel. — De la peinture décentralisatrice. C'est de Dunkerque qu'arrive l'Ecor
cheuse de raies (n° 277). Poissons et accessoires bien traités; exécution vibrante et large, un peu à la
Frans Hais. Le point faible, c'est la marchande ; elle manque de ressort; les bras et les mains d'une
lourdeur extrême paraissent être en bois.
Les départements du Nord possèdent une très-remarquable pléiade artistique fidèle à la terre
natale. M. Jules Breton, qui réside à Courrières ainsi que son frère, se montre supérieur à lui-même
1. Voir tome II, pages 7, 35, j6, 77, 102, 137, 150, 178, 204 et 222.