LE SALON DE BRUXELLES.
t Puisque l'on fait des commandes à terme, rien ne s'oppose
à ce que, dès ce jour, on rédige un programme de peintures his-
toriques destinées à l'Hôtel de Ville de Paris. Cela serait mieux
peut-être que d'engager l'avenir de cette partie du budget pour
envoyer dans nos églises déjà surchargées, successivement, sans
plan d'ensemble, sans programme, des œuvres d'art que personne
ne voit,'et qui n'enseignent rien. A l'intérieur ou à l'extérieur
de ces monuments religieux, y a-t-il un piédestal ou une niche
vide et qui même n'ont jamais été complétés? On commande une
statue à un artiste qui la fait faire par son praticien, car il sait
bien (et en cela il ne se trompe pas) que personne ne songera à
jeter les yeux sur ce complément, et que, tout au plus, un jour-
nal annoncera qu'une statue de M. X... vient d'être placée sur
ce piédestal ou dans cette niche.
« Est-ce là encourager Far;? Est-ce là faire aimer les œuvres
d'art au public et l'instruire? Nous ne le pensons pas.
« Nous craindrions d'abuser des moments du conseil si nous
nous étendions davantage sur ce sujet.
« Pour conclure, votre commission est d'avis de pourvoir,
dans les budgets de 1875, r^7^ ec suivants, à l'extinction des
commandes trop nombreuses faites aux artistes pouf des objets
qui n'ont qu'un intérêt secondaire au point de vue ct2 l'art, et de
réserver une part plus forte sur ces budget?, et notamment sur
celui de 1876, pour permettre de commander .aux artistes, et
cela dans des délais prescrits, des œuvres d'art destinées à nos
mairies, à nos édifices civils et même à nos écoles ; enfin de
réserver une somme, dès 1876, à la préparation des œuvres d'art
qui devront décorer l'intérieur de l'Hôtel de Ville. «
LE SALON DE BRUXELLES
AVANT L'OUVERTURE
{Correspondance particulière de l'Art.)
Le Salon de Bruxelles ne s'ouvre que le lundi 23 août.
Les envois sont nombreux, trop nombreux, et il y a presque
autant d'élus que d'appelés. C'est assez dire qu'une exposition
des refusés serait impossible. La quantité elle-même serait insuffi-
sante, sans parler de la qualité.
Le palais de l'exposition s'élève sur la place du Petit-Sablon,
bornée à l'est par l'hôtel d'Arenberg, célèbre par sa collection de
tableaux anciens, à l'ouest par l'église Notre-Dame-des-Sablons,
ornée de sculptures de Duquesnoy, au nord par des habitations
particulières, au midi par le Conservatoire royal de musique.
Ce « palais » est une baraque en planches d'une remarquable
simplicité d'architecture. Voilà plusieurs années qu'on se flatte
à Bruxelles de pouvoir clore l'ère des baraques. Mais le palais
définitif des expositions est l'objet de promesses indéfiniment
renouvelées et d'ajournements incessants. Pour peu que cela
continue, l'ère des baraques ne sera pas close avant la fin du
siècle.
Bruxelles, 15 août 1875.
satisfaits étaient en très-petit nombre. Soit qu'elle ait ignore ces
griefs, soit qu'elle les ait jugés mal fondés, soit enfin qu'il lui ait
plu de prendre, au nom de la Belgique, une éclatante revanche
des distractions de la galanterie française, la Commission admi-
nistrative du Salon de Bruxelles a décerné à la plupart des expo-
sants français de véritables places d'honneur. Si c'est une leçon,
il est peu probable néanmoins qu'elle donne lieu à un échange de
notes diplomatiques, et il ne serait pas impossible qu'elle portât
fruit.
L'école allemande a quelques bonnes choses parmi lesquelles
on remarque principalement deux portraits de femmes de M. Gus-
tave Richter de Berlin qui ne laisseront pas que d'être discutés
par la critique, mais qui ne peuvent manquer de plaire à la ma-
jorité du public, et dont les modèles, admirables types féminins,
aideront à lancer le succès ; puis deux toiles de M. de Bochmann,
paysages animés de nombreuses figures, croquées avec esprit, et
assez grassement peintes, mais dans une lumière un peu photo-
La baraque de 1875 ne s'est pas trouvée aussi large que l'in— j graphique; une madone d'Ittenbach, un joli tableau de genre de
dulgence du jury d'admission. Il a fallu y ajouter deux annexes ; M. Jules Wagner, un beau portrait de jeune fille, par M. Sohns,
qui ne sont pas encore achevées à l'heure où j'écris ces lignes. un admirable hiver de M. de Munthe, peintre suédois, croyons-
De là le retard apporté à l'ouverture du Salon, fixée selon l'usage I nous, et des fleurs exquises d'une jeune artiste bavaroise,
au dimanche de l'Assomption. M1Ic Anna Peters, qui a une rivale en Mlle Marguerite Roosen-
Le sol de la place du Petit-Sablon offrant une assez forte j boom,
pente, la baraque a, du côté de l'église, un rez-de-chaussée inu- Notons en passant que les peintres femmes ou filles sont en
tile et un étage qui rejoint le rez-de-chaussée du côté de l'hôtel | assez grand nombre au Salon. Elles forment un groupe spécial,
d'Arenberg. reconnaissable aux caractères qu'imprime à leur art leur sexe
Il s'en faut de beaucoup que le placement des œuvres d'art j qui se rit des frontières, des races et des écoles. C'est le sexe qui
soit complètement terminé. Mais déjà l'on peut se faire une idée fait leur nationalité artistique.
générale de l'exposition. Israels, Rœlofs, Gabriel, De Haas, le mariniste Mesdag,
La France est représentée par quelques-unes des œuvres les j M. Storms van Gravesande (natures mortes) se font remarquer
plus remarquées au dernier Salon de Paris. Citons en courant, la
Danse antique de Corot, les Lutteurs de Falguière, la grande
toile de Georges Becker Respha protégeant les cadavres de ses
ûls, deux Carolus Duran, un Isabey, un Ziem, des tableaux de
Luminais, Albert Maignan, Bertrand, Emile Breton, Claude,
Janet Lange, le Régiment qui passe de Détaille, la grand figure
de Goupil En 179$; et sans doute bien d'autres encore, mais il
est assez difficile d'être exact et complet quand on examine le
Salon pour la première fois et en quelque sorte par le trou de la
serrure.
Tous ces envois français sont très-bien placés. A tort ou à
raison, la plupart des artistes belges se sont plaints des sévérités,
des rigueurs, voire même des injustices du dernier Salon de Paris
parmi les Hollandais; Rotta et Bianchi parmi les Italiens. Les
Anglais sont rares, mais il en est un, M. Henkes, dont le tableau,
n° 402, est un petit chef-d'œuvre de couleur fine et d'observation
spirituelle ; c'est une petite scène de genre, quatre fillettes étu-
diant leur leçon, non sans distractions, sous ia surveillance d'une
vieille gouvernante, digne de Dickens, qui épie leurs moindres
gestes.
L'école belge est naturellement en force, et bien que le Salon
de 1875, — si l'on peut risquer un jugement d'ensemble après
une visite hâtive et sommaire, —ne paraisse pas à la hauteur de la
précédente exposition triennale de 1872, il faut reconnnaître que
l'exposition est très-intéressante, et qu'elle se recommande à
l'attention du public et de la critique non-seulement par quelques
à leur égard. Les uns avaient été refusés contre toute attente, les j œuvres d'une belle qualité, mais encore par plusieurs tentatives
autres méconnus, sacrifiés et surtout médiocrement casés. Les dont la hardiesse donne de sérieuses espérances.
t Puisque l'on fait des commandes à terme, rien ne s'oppose
à ce que, dès ce jour, on rédige un programme de peintures his-
toriques destinées à l'Hôtel de Ville de Paris. Cela serait mieux
peut-être que d'engager l'avenir de cette partie du budget pour
envoyer dans nos églises déjà surchargées, successivement, sans
plan d'ensemble, sans programme, des œuvres d'art que personne
ne voit,'et qui n'enseignent rien. A l'intérieur ou à l'extérieur
de ces monuments religieux, y a-t-il un piédestal ou une niche
vide et qui même n'ont jamais été complétés? On commande une
statue à un artiste qui la fait faire par son praticien, car il sait
bien (et en cela il ne se trompe pas) que personne ne songera à
jeter les yeux sur ce complément, et que, tout au plus, un jour-
nal annoncera qu'une statue de M. X... vient d'être placée sur
ce piédestal ou dans cette niche.
« Est-ce là encourager Far;? Est-ce là faire aimer les œuvres
d'art au public et l'instruire? Nous ne le pensons pas.
« Nous craindrions d'abuser des moments du conseil si nous
nous étendions davantage sur ce sujet.
« Pour conclure, votre commission est d'avis de pourvoir,
dans les budgets de 1875, r^7^ ec suivants, à l'extinction des
commandes trop nombreuses faites aux artistes pouf des objets
qui n'ont qu'un intérêt secondaire au point de vue ct2 l'art, et de
réserver une part plus forte sur ces budget?, et notamment sur
celui de 1876, pour permettre de commander .aux artistes, et
cela dans des délais prescrits, des œuvres d'art destinées à nos
mairies, à nos édifices civils et même à nos écoles ; enfin de
réserver une somme, dès 1876, à la préparation des œuvres d'art
qui devront décorer l'intérieur de l'Hôtel de Ville. «
LE SALON DE BRUXELLES
AVANT L'OUVERTURE
{Correspondance particulière de l'Art.)
Le Salon de Bruxelles ne s'ouvre que le lundi 23 août.
Les envois sont nombreux, trop nombreux, et il y a presque
autant d'élus que d'appelés. C'est assez dire qu'une exposition
des refusés serait impossible. La quantité elle-même serait insuffi-
sante, sans parler de la qualité.
Le palais de l'exposition s'élève sur la place du Petit-Sablon,
bornée à l'est par l'hôtel d'Arenberg, célèbre par sa collection de
tableaux anciens, à l'ouest par l'église Notre-Dame-des-Sablons,
ornée de sculptures de Duquesnoy, au nord par des habitations
particulières, au midi par le Conservatoire royal de musique.
Ce « palais » est une baraque en planches d'une remarquable
simplicité d'architecture. Voilà plusieurs années qu'on se flatte
à Bruxelles de pouvoir clore l'ère des baraques. Mais le palais
définitif des expositions est l'objet de promesses indéfiniment
renouvelées et d'ajournements incessants. Pour peu que cela
continue, l'ère des baraques ne sera pas close avant la fin du
siècle.
Bruxelles, 15 août 1875.
satisfaits étaient en très-petit nombre. Soit qu'elle ait ignore ces
griefs, soit qu'elle les ait jugés mal fondés, soit enfin qu'il lui ait
plu de prendre, au nom de la Belgique, une éclatante revanche
des distractions de la galanterie française, la Commission admi-
nistrative du Salon de Bruxelles a décerné à la plupart des expo-
sants français de véritables places d'honneur. Si c'est une leçon,
il est peu probable néanmoins qu'elle donne lieu à un échange de
notes diplomatiques, et il ne serait pas impossible qu'elle portât
fruit.
L'école allemande a quelques bonnes choses parmi lesquelles
on remarque principalement deux portraits de femmes de M. Gus-
tave Richter de Berlin qui ne laisseront pas que d'être discutés
par la critique, mais qui ne peuvent manquer de plaire à la ma-
jorité du public, et dont les modèles, admirables types féminins,
aideront à lancer le succès ; puis deux toiles de M. de Bochmann,
paysages animés de nombreuses figures, croquées avec esprit, et
assez grassement peintes, mais dans une lumière un peu photo-
La baraque de 1875 ne s'est pas trouvée aussi large que l'in— j graphique; une madone d'Ittenbach, un joli tableau de genre de
dulgence du jury d'admission. Il a fallu y ajouter deux annexes ; M. Jules Wagner, un beau portrait de jeune fille, par M. Sohns,
qui ne sont pas encore achevées à l'heure où j'écris ces lignes. un admirable hiver de M. de Munthe, peintre suédois, croyons-
De là le retard apporté à l'ouverture du Salon, fixée selon l'usage I nous, et des fleurs exquises d'une jeune artiste bavaroise,
au dimanche de l'Assomption. M1Ic Anna Peters, qui a une rivale en Mlle Marguerite Roosen-
Le sol de la place du Petit-Sablon offrant une assez forte j boom,
pente, la baraque a, du côté de l'église, un rez-de-chaussée inu- Notons en passant que les peintres femmes ou filles sont en
tile et un étage qui rejoint le rez-de-chaussée du côté de l'hôtel | assez grand nombre au Salon. Elles forment un groupe spécial,
d'Arenberg. reconnaissable aux caractères qu'imprime à leur art leur sexe
Il s'en faut de beaucoup que le placement des œuvres d'art j qui se rit des frontières, des races et des écoles. C'est le sexe qui
soit complètement terminé. Mais déjà l'on peut se faire une idée fait leur nationalité artistique.
générale de l'exposition. Israels, Rœlofs, Gabriel, De Haas, le mariniste Mesdag,
La France est représentée par quelques-unes des œuvres les j M. Storms van Gravesande (natures mortes) se font remarquer
plus remarquées au dernier Salon de Paris. Citons en courant, la
Danse antique de Corot, les Lutteurs de Falguière, la grande
toile de Georges Becker Respha protégeant les cadavres de ses
ûls, deux Carolus Duran, un Isabey, un Ziem, des tableaux de
Luminais, Albert Maignan, Bertrand, Emile Breton, Claude,
Janet Lange, le Régiment qui passe de Détaille, la grand figure
de Goupil En 179$; et sans doute bien d'autres encore, mais il
est assez difficile d'être exact et complet quand on examine le
Salon pour la première fois et en quelque sorte par le trou de la
serrure.
Tous ces envois français sont très-bien placés. A tort ou à
raison, la plupart des artistes belges se sont plaints des sévérités,
des rigueurs, voire même des injustices du dernier Salon de Paris
parmi les Hollandais; Rotta et Bianchi parmi les Italiens. Les
Anglais sont rares, mais il en est un, M. Henkes, dont le tableau,
n° 402, est un petit chef-d'œuvre de couleur fine et d'observation
spirituelle ; c'est une petite scène de genre, quatre fillettes étu-
diant leur leçon, non sans distractions, sous ia surveillance d'une
vieille gouvernante, digne de Dickens, qui épie leurs moindres
gestes.
L'école belge est naturellement en force, et bien que le Salon
de 1875, — si l'on peut risquer un jugement d'ensemble après
une visite hâtive et sommaire, —ne paraisse pas à la hauteur de la
précédente exposition triennale de 1872, il faut reconnnaître que
l'exposition est très-intéressante, et qu'elle se recommande à
l'attention du public et de la critique non-seulement par quelques
à leur égard. Les uns avaient été refusés contre toute attente, les j œuvres d'une belle qualité, mais encore par plusieurs tentatives
autres méconnus, sacrifiés et surtout médiocrement casés. Les dont la hardiesse donne de sérieuses espérances.