Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 2)

DOI Artikel:
Yriarte, Charles: Exhibition of the Royal Academy of Arts, [1]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16675#0238

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
2i4 L'ART.

L'exposition actuelle est la cent sixième qui s'ouvre sous les auspices de l'Académie, elle
contient quatorze cents œuvres y compris la sculpture, les aquarelles et l'architecture ; elle est
ouverte non-seulement aux artistes anglais, mais encore à ceux de tous les pays. Il faut faire
observer toutefois qu'en dehors d'un certain nombre d'artistes connus qui sont depuis longtemps
fixés à Londres et sont presque regardés comme des nationaux, les étrangers ne prennent
qu'une très-faible part à cette exposition.

Ce qui frappe tout d'abord dans l'Ecole anglaise moderne représentée par les hommes qui
jouissent ici d'un crédit incontestable, c'est le manque d'ensemble dans l'École, la variété des
genres, la dissemblance des principes, la différence des points de vue. Le temps n'est pas
loin où, dans l'Europe entière, les Académies ou Cénacles n'approuvaient et ne brevetaient que
le genre noble, décrétant que telle ou telle tendance était inférieure à telle autre, n'admettant
que les sujets empruntés à l'histoire, à la mythologie, à l'allégorie; il fallait que de grands
courants populaires, l'admiration des masses légitimassent un talent qui se produisait en dehors
de ces règles classiques, et nous sommes assez vieux pour avoir assisté à la scandaleuse
exclusion d'œuvres françaises dont nos musées nationaux sont fiers aujourd'hui.

L'Ecole anglaise, elle, a débuté par l'audace, et les plus illustres ont été les plus violents
et les plus indisciplinés; l'Ecole tout entière a eu horreur du convenu; ce n'est point qu'on
ne constate ici, au commencement du siècle, un reflet des tendances et des idées de David,
mais il semble qu'isolés dans leur île, les Anglais découvrent une peinture à eux, une
interprétation toute personnelle, une gamme spéciale qui leur apjiartient sans conteste. C'est
pour eux qu'a été écrite la maxime de Victor Hugo « L'art n'a que faire des menottes et des
bâillons; il nous dit : Va, et nous ouvre le grand jardin de poésies où il n'y a pas de fruits
défendus. »

Cette indépendance, l'Ecole actuelle ne l'a pas perdue, mais ce dont on peut lui demander
compte et que certainement on ne retrouve plus, même chez les plus habiles et les mieux
doués, ce sont ces qualités précieuses de coloristes dans la gamme blonde qui font des
artistes de la fin du xviii6 siècle une Ecole tout à fait à part et qui assure aux Anglais une
place dans l'histoire de l'Art.

Quoi qu'il en soit, encore aujourd'hui, le gotit peut être plus ou moins élevé, les véritables
conditions de l'art méconnues, l'attention du public peut être captivée à faux, s'égarer sur des sujets
indignes d'elle, se passionner pour un faux sentimentalisme ou s'éprendre pour le maniéré ; mais le
public anglais n'a pas de ces partis pris cruels qui font qu'une œuvre lui déplaît en soi, abstraction faite
du talent avec lequel elle est traitée, des qualités qu'on y a déployées et du nom dont elle est
signée.

Parmi les artistes qui jouissent aujourd'hui de la notoriété publique, un très-petit nombre peuvent
être désignés sous le nom de classiques ; M. Frédérick Leighton lui-même, qui, à un certain degré, était
regardé comme l'Ingres des trois royaumes unis, se plaît cet année à nous désorienter avec des sujets
à la Marilhat, et c'est en vain que, dans cet ensemble de toiles, on cherchait l'inévitable Thraseas,
l'insensible femme de Pœtus, le Caton d'Utique ou le Marius à Minturne de rigueur.

L'histoire du moyen âge, les épisodes des guerres civiles, les scènes empruntées aux grands
poètes nationaux fournissent un champ assez vaste et très-exploité. Un certain sentimentalisme
maladif, spleenique pour ainsi dire, inspire aussi toute une classe d'artistes, qui savent qu'ils trouveront
un écho dans le cœur de la foule. Beaucoup pourtant se prennent corps à corps avec la vie réelle et,
comme le romancier Dickens, par l'accumulation de détails bien observés, pris sur le vif, par
l'expression d'un sentiment vrai, souvent poétique, parfois comique ou grotesque, arrivent à intéresser
la masse du public qui demande surtout à l'art de lui parler des choses qu'il coudoie chaque jour.
Ceux-ci, plus élevés, plus tendres, plus artistes au vrai sens du mot, prennent leur point de départ dans
la vie réelle et font un choix souvent heureux; tout est de leur domaine, la vie des champs, la vie de la
mer, les élégances mondaines et les misères du paupérisme anglais. Beaucoup aussi sont frappés par le
côté exceptionnel et les effets excentriques de la nature, et, je l'ai dit, ce grand public anglais qui,
dans la vie, se fait une loi inviolable de la régularité, du décorum et du cant appliqué à la vie sociale,
 
Annotationen