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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 2)

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Tardieu, Charles: Hippolyte Boulenger, [1]
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282 L'ART.

les éléments les moins saisissables, le souffle impalpable du vent, l'impression de la chaleur ou de
l'humidité, l'étouffement des atmosphères orageuses, la mélancolie du soir, le charme des heures
matinales.

La vie de l'artiste prête rarement à un long récit, mouvementé, dramatique, coupé d'épisodes
attrayants et variés, à plus forte raison celle du peintre qui, frappé au seuil de la maturité, succombe
ayant montré ce qu'il aurait pu faire, ayant déjà justifié les espérances qu'on avait mises en lui, mais
sans les avoir complètement réalisées, sans avoir donné à beaucoup près tout ce qu'on était en droit
d'attendre de son amour pour son art. La biographie de l'artiste se réduit le plus souvent au catalogue
de son œuvre et à rénumération de ses succès. Une enfance obscure, mais déjà enchantée par des
rêves de gloire, éclairée par l'instinct de son talent futur, dix ans d'un labeur sans relâche, d'une misère
sans merci, mais supportée avec une bonne humeur imperturbable, puis dix autres années de succès
croissant, et à trente-six ans, quand l'aisance et le bonheur intime étaient enfin venus récompenser
l'ardeur et la bravoure du jeune peintre, le coup de foudre de la mort, telle est en quelques mots
l'histoire d'Hippolyte Boulenger.

C'est en 1865 que l'attention du public artiste se porte pour la première fois sur son nom. Un
tableau qu'il avait envoyé de Tervueren à une exposition de bienfaisance, organisée au Jardin bota-
nique de Bruxelles, est acheté par un de ses confrères, un de ses aînés, le peintre de fleurs Robie, le
Saint-Jean belge. Ce premier essai, en dépit d'une certaine inexpérience, annonçait un maître. On
sentait que cette peinture, libre et franche, dégagée de toute routine académique, de tout parti pris
d'école, était bien le fruit de l'étude en plein air, animée par le sentiment personnel, et mûrie par la
réflexion. L'année suivante, au Salon de Bruxelles, en 1868, au Salon de Gand, les envois de Boulenger
étaient remarqués des connaisseurs et favorablement accueillis par la critique qui signalait l'élégance de
son dessin, la justesse de sa touche coloriste, la vérité de sa peinture, et ce don inestimable qui n'ap-
partient qu'à l'artiste vraiment digne de ce nom, cette faculté d'exprimer l'intérêt du sujet le plus insi-
gnifiant en apparence : un chemin, une lisière de bois, un champ de blé, un ruisseau. Mais la vraie
date, dans sa carrière d'exposition, la date de sa consécration définitive, fut le Salon de 1869 à Bruxelles.
Jusqu'alors on l'avait loué, encouragé; la note bienveillante dominait. Ce jour-là il eut la bonne fortune
d'être discuté, et même vertement critiqué, preuve qu'il comptait. Il faut dire que sur ces tableaux de
cette année s'étalaient des verts d'une crudité tapageuse, faits pour effaroucher les partisans du paysage
honnête et modéré. Il y avait surtout un Printemps qu'on fut sur le point de prendre pour un manifeste
révolutionnaire, pour un audacieux défi. M. Victor Cherbulie// cite ce mot de Lessing, peu sensible
aux charmes du paysage : « Je suis las d'avoir toujours vu des printemps verts; je voudrais, avant de
mourir, voir un printemps rouge. » Ce vœu bizarre eût été exaucé si l'auteur du Laocoon avait pu voir
ce Printemps tellement vert qu'il en était presque rouge ou du moins qu'il passait pour tel. Erreur
momentanée d'un peintre forestier, amoureux de la verdure naissante, et essayant de lutter d'intensité
avec les verts du vrai printemps, ou bien, ce qui est plus probable, trahison involontaire d'un marchand
de couleurs, ces verts émeutiers furent aisément atténués dans Josaphat et le Ruisseau, où d'ailleurs
ils prenaient moins de place et faisaient moins de bruit. Les dessins exécutés pour l'Art d'après ces
deux paysages très-appréciés au Salon de Bruxelles, 1869, donnent, à part la couleur lumineuse et
vibrante, une idée des qualités qui en ont fait le succès. Boulenger avait, à cette même exposition, un
Hiver, — puissante étude prise à l'entrée d'un pauvre hameau, chemin couvert de neige boueuse,
ciel clair et fin, d'un froid rosé, — qui attestait la souplesse de son talent et la variété de ses impres-
sions. Cette simple étude, qui reparut en 1871 à une exposition organisée au profit des blessés de la
guerre, suffit alors, — malgré le dangereux voisinage d'une série de chefs-d'œuvre tirés des plus pré-
cieuses collections, notamment celle de M. Van Praet, et signés des noms les plus glorieux de la pein-
ture contemporaine, — à concilier à Boulenger les sympathies et les éloges de plusieurs maîtres fran-
çais réfugiés à Bruxelles pendant le second siège, parmi lesquels un ancien et un illustre, Diaz, et
un jeune déjà célèbre, Vollon.

Charles Tardieu.

(La fin prochainement.)

1. Études de littérature et Sart3 Paris, 1873. Hachette, p. 105.
 
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