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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 2)

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Lenormant, François: Le céramique des anciens et ses caractères généraux au point de vue technique
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https://doi.org/10.11588/diglit.19459#0039
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24 L'ART.

11 est vrai que toutes les fois que l'usage du vase n'était que temporaire, et non permanent,
l'inconvénient de la perméabilité de la pâte ne se faisait pas trop vivement sentir. On peut constater
par l'expérience que, pour la plupart des poteries mates antiques, l'absorption du liquide renfermé
dans un vase au travers de ses parois et le suintement qui en résulte ne s'établissent qu'au bout
de huit, de douze et même quelquefois de vingt-quatre heures. Ceci donnait le temps d'employer
ces vases, si ce n'est pour contenir constamment des liquides, au moins pour les transporter.
Mais quand il s'agissait de conserver à demeure du vin ou de l'huile dans les amphores et les
pithoi de terre non vernissée, il fallait recourir à des moyens qui annulassent, en partie au moins,
le grave inconvénient de la porosité.

Les potiers du Pérou ont encore la pratique de tremper leurs poteries mates dans du suif
bouillant, de manière à en imprégner la pâte de cette graisse et à leur communiquer ainsi une
imperméabilité qu'elles n'auraient pas naturellement. Les Espagnols frottent de cire l'intérieur et
l'extérieur des parois des grandes jarres de terre cuite qui leur servent à garder l'huile et le vin.
Des textes positifs attestent que les Grecs et les Romains avaient la même pratique pour leurs
amphores et pour leurs pithoi ou dolia, qu'ils enduisaient de cire ou de résine.

Brongniart a fait de curieuses expériences sur l'aptitude des poteries communes et mates
des anciens aux usages culinaires, sur la façon dont elles se comportaient au contact des graisses
chaudes et des jus.

« J'ai voulu, dit-il, essayer un plat à manche qui ressemblait à nos petits plats à cuire des
œufs avec du beurre. D'abord son odeur, quoique bien lavé à l'eau bouillante, était des plus
repoussantes, ce qui tenait probablement à son long séjour dans des tombes. J'y ai fait néanmoins
cuire des œufs dans du beurre, et j'ai été étonné de voir que le beurre fondu non seulement
n'avait pas traversé le plat, mais n'avait même été absorbé qu'en petite quantité. Comme on
pouvait attribuer cet effet à une imprégnation d'humidité ou de quelque matière qui avait bouché
les pores de la .terre, je l'ai fait passer au dégourdi des fours de porcelaines; il est alors devenu
plus sonore et plus absorbant, mais on voit qu'il avait fallu peu de chose pour lui enlever en
partie ce défaut. J'ai tenu allumée pendant quelques jours une lampe antique; je m'attendais à
voir l'huile que j'y avais mise suinter de toutes parts. Elle a été, en effet, assez promptement
absorbée et a traversé l'épaisseur de la lampe; mais elle s'est arrêtée à la surface extérieure et
n'a pas été au delà. 11 est probable que ces poteries, une fois imbibées de la matière graisseuse
qu'on y mettait, ne la perdaient pas par suintement continu, et pouvaient conserver celle qui
restait, n'ayant d'autre inconvénient (inconvénient qui pourrait être très désagréable pour beaucoup
d'entre nous) que de communiquer aux matières semblables qu'on y mettait de nouveau ce que
nous appelons un goût de graillon. »

Ce défaut grave d'un vieux relent, s'attachant aux vases dès qu'on avait commencé à en faire
usage et ne pouvant plus en être enlevé, était, du reste, incontestablement commun à toutes les
poteries antiques, même vernissées, et constituait leur plus fâcheux défaut, un défaut qu'il était
impossible d'éviter avec les procédés qu'employaient les céramistes. Les Romains seuls, dans la
fabrication de leurs poteries rouges corallincs et aussi des quelques poteries à vernis plombique
qu'ils ont confectionnées, ont connu et mis en pratique le vernissage des pièces par immersion
dans un bain. Les Grecs ont toujours appliqué au pinceau leur glaçure vitritiable. 11 en résulte
que pour tous les vases à orifice étroit, qui sont précisément les plus aptes à conserver et à
transporter les liquides, l'extérieur seul était vernissé.

Ceci suffisait pour les rendre absolument imperméables, pour empêcher qu'ils ne perdissent
le liquide, sauf, comme je l'ai dit tout à l'heure, par les points qu'on négligeait de vernir. Mais
tandis que l'extérieur du vase était hermétiquement fermé par la couverte vitrifiée, à l'intérieur
la paroi restait mate et poreuse. Elle absorbait donc nécessairement une portion du liquide qu'on
y introduisait, s'en pénétrait, la retenait et en conservait le goût pour ne plus le perdre, même
après un lavage à l'eau bouillante. Il fallait donc éviter de se servir du même vase pour y mettre
successivement deux liquides différents; car le second aurait été imprégné du parfum resté du
premier, ce qui aurait produit des combinaisons souvent repoussantes. Et même quand il s'agissait
 
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