Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 14.1888 (Teil 2)

DOI Artikel:
Audebrand, Philibert: Ce que deviennent les statues
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.25873#0206

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L’ART.

176

disait le doux et savant archéologue. Le fait est que si l’on
se mettait à écrire très consciencieusement l’histoire de
ces monuments du passé, on se trouverait en face d’une
longue suite de martyres. Ces dieux de bronze et de
marbre ont dû pleurer plus d’une fois, allez !

Ce que deviennent les statues ?

ur la place Navone, à Rome, il y 0 deux
pierres, deux bornes fort ébréchées par les
années. Jadis, à ce qu'il paraît, c’étaient
deux consuls d’on ne sait plus au juste
quelle époque. Le peuple romain moderne
en a fait ses deux amis, Pasquin et Mar-
forio, auxquels on fait sans cesse impro-
viser, à l’aide d’un crayon ou d’un morceau
de charbon, des distiques ou des épi-
grammes sur les choses et les hommes du
jour.

Ce que deviennent les statues ?

Parcourez les îles de l’Archipel grec, vous trouverez à
Ithaque un abreuvoir à porcs qui, dit-on, a été autrefois
un Ulysse triomphant, l’Ulysse après le retour.

Ce que deviennent les statues ?

Un jour, en 1840, à l’époque où Prosper Mérimée
était inspecteur général des monuments historiques, il
parcourait le centre de la France afin de visiter deux ou
trois provinces. Il venait de s’arrêter dans une petite ville
du Berri. Aux environs de cette localité se voit un long

espace de terrain inculte qu’on appelle le Camp de César.
En ce moment-là, on y faisait des fouilles.

r, un matin, les ouvriers
venaient de déterrer. de-

vinez quoi ? — Un dieu ! un
superbe Bacchus en étain !
—- Prosper Mérimée fut vite
appelé et, à l’aspect de la dé-
couverte, il ne se sentait pas
de joie. Une grande trou-
vaille, assez importante pour
faire époque ! « — Mes amis,
dit-il aux ouvriers, gardez
bien ça : je m’en vais quérir une voiture qui m’aide à
emporter ce bloc d’étain à la ville. » Et il partit. Sur ces
entrefaites, vint à passer un marchois nomade, un de ces
industriels qui ont pour métier de faire fondre les cuillères
et les fourchettes. « — Venez donc voir ça », lui dirent les
ouvriers. Il vint et fit un boniment. Il vint et fit du feu.
Il fit du feu et il travailla de son métier. En sorte que,
trois heures après, quand l’inspecteur des beaux-arts
revint avec sa voiture, il était trop tard ; Prosper Mérimée
trouvait le Bacchus fondu et prêt à être converti en cuil-
lères. — Voilà ce que deviennent les statues. Est-ce donc
la peine d'en tant faire ?

Philibert Audebrand.
 
Annotationen