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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Leroi, Paul: Les dernières fouilles en Chaldée
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0225
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LES DERNIÈRES FOUILLES EN CHALDÉE

i

Sous ce titre, le Journal des Débats a publié, dans son
édition du soir du i3 octobre, un feuilleton d'un extrême
intérêt, dû à la plume si compétente de M. Gaston Mas-
pero, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

On nous saura gré de reproduire en grande partie cette
savante étude.

L'auteur, après nous avoir appris que le peuple chal-
déen « n'obéissait pas tout entier à un seul roi », continue
ainsi :

Il se divisait en deux groupes de petites communautés, les unes
au Nord, parmi lesquelles Babylone et la cité perdue d'Agadé étaient
souveraines; les autres vers le Sud, dont Our, Erech, Ëridou, Lar-
sam, se disputèrent la suzeraineté. Les ruines sont réparties sur
deux champs qui répondent chacun à l'un de ces groupes et qui ont
été explorés à plusieurs reprises depuis une quinzaine d'années. Au
Nord, une expédition américaine, dirigée par le professeur d'hébreu
à l'Université de Pensylvanie, le Révérend John P. Petcrs, a travaillé
très activement, depuis l'été de 1888, sur le site de Nippour. Elle a
recueilli dans cet intervalle plus de dix mille tablettes et menus
objets, dont une partie est restée au Musée de Constantinople, mais
dont le plus grand nombre a été transporté en Amérique. Cette pré-
cieuse collection n'est pas arrivée à Philadelphie sans courir bien
des risques : attaques des Bédouins, batailles et pillage du camp,
naufrage près de Samos, maladies presque mortelles, les archéo-
logues américains ont passé par toutes les péripéties romanesques
auxquelles prête le voyage classique en Orient. Le butin mis en
sûreté, il a fallu le nettoyer, le classer, rapprocher les fragments,
copier les inscriptions, en déterminer le contenu et la valeur : ç'a
été l'œuvre de M. Hilprecht depuis deux ans. M. Hilprecht est l'un
des plus distingués parmi cette troupe de jeunes orientalistes alle-
mands qui ont colonisé récemment l'Université de Pensylvanie et en
ont fait un des centres le plus florissants de nos études : les monu-
ments des vieux rois chaldéens ont de bonne heure attiré son atten-
tion, et ses recherches sur la genèse et le développement des écri-
tures archaïques de la Chaldée l'avaient préparé de longue main à
publier les textes très anciens qu'il avait aidé M. Peters à recueillir.
On jugera de la somme de patience et de travail qu'il a dû dépenser
si l'on songe que ces textes ne rempliront pas moins de huit ou dix
tomes in-4". La première moitié du premier volume vient de paraître
et montre ce que l'ouvrage sera; non seulement il contiendra la
copie, le fac-similé ou la photographie des inscriptions, mais il en
donnera la traduction et le commentaire historique très détaillé 1.
M. Hilprecht a ramené d'un seul coup de filet six rois nouveaux, pas
de très grands rois, mais de beaux petits princes qui firent assez
bonne fi gurc en leur temps et qui viennent combler à propos des
lacunes regrettables dans le Canon des Chaldéens. Il a, de plus,
rendu leurs noms véritables à une demi-douzaine de souverains
puissants que l'on connaissait déjà, mais que l'on appelait mal ou
qu'on ne savait comment appeler.

Les plus curieuses peut-être des inscriptions qu'il cite sont celles
qui ont trait à un groupe de princes fort anciens qui régnèrent à
Kouta, à Babylone, dans Agadé, près de quatre mille ans avant
notre ère, Alousharshid, Shargâni-shar-ali, Naramsin. Elles ne sont
pas longues et ne renferment pour la plupart que des noms et des
titres ; mais si peu qu'elles nous apprennent d'histoire positive, c'est
quelque chose déjà que de voir se multiplier les témoignages directs
de leur grandeur et de leur activité. C'étaient des conquérants qui
soumirent la Syrie entière et poussèrent leurs courses jusqu'aux
frontières de l'Egypte. Nous sommes tellement accoutumés à consi-
dérer les peuples anciens comme des masses immobiles, étrangères
les unes aux autres et ne voulant rien connaître au delà de leurs
limites, que nous nous sentons étonnés et décidément incrédules,
lorsqu'une inscription nouvellement découverte ou une tradition
nous viennent parler d'armées franchissant les fleuves et les mon-

1. The Babylonia.11 Expédition of the University of Pennsylvania.
Se ries A : Cuneiform Texts, edited by H. V. Hilpeeciit. Vol. I.
Part I, Plates i.5o. Philadelphia, i8<j3, in-4», 54 p.

tagnes, de rois quittant leurs capitales et s'en allant guerroyer au
loin dans une haute antiquité; ce qui nous semble naturel et
presque nécessaire cent ans avant ou cent ans après J -C, nous
choque 3,800 ans plus tôt et nous fait crier à l'invraisemblance. Il
faudra pourtant en prendre notre parti, ce vieux monde, que nous
nous figurons si calme et si casanier, se remuait autant que le
nôtre ; on y voyageait et on y bataillait à perte de vue et les dis-
tances n'effrayaient ni les princes, ni les armées. Shargâni s'embar-
qua pour Chypre, dit-on ; Naramsin ne s'arrêta qu'au Sinaï et
d'autres que nous ignorons encore suivirent sans doute Shargâni et
Naramsin dans la voie qu'ils avaient tracée. Le souvenir précis de
leurs exploits s'effaça au cours des siècles et les Babyloniens d'As-
sourbanipal ou de Cyrus ne se représentaient pas très nettement ce
qu'ils avaient fait ni ce qu'ils avaient été; ils les entrevoyaient pour-
tant derrière les noms qui subsistaient seuls, et, ne sachant que
dire d'eux, ils leur inventèrent une histoire. Shargâni-shar-ali,
devenu par abréviation Shargâni, puis Sargon d'Agadé, avait eu sa
statue quelque part à Babylone, et l'on prétendait avoir lu sur le
piédestal l'inscription où il racontait lui-même sa propre vie. Sa
mère était princesse, et il n'avait pas connu son père. A peine né,
on l'avait exposé sur l'Euphrate dans une corbeille de joncs enduite
de bitume et les eaux l'avaient emporté à l'endroit où Akki, le jar-
dinier, tirait la shadouf pour arroser ses terres. Akki, le jardinier,
l'avait recueilli, élevé, nourri jusqu'au jour où la faveur de la déesse
Ishtar l'avait placé sur le trône. Les copies que nous possédons de
l'inscription sont mutilées à partir du passage où il mentionne son
avènement; on voit seulement qu'il exposait assez verbeusement le
progrès de ses conquêtes. Il y a là plus de légendes que de faits; le
récit n'en renferme pas moins un fond de vérité dans certaines de
ses' parties et les monuments nouveaux nous permettent parfois de
le redresser. Ce père de Shargâni que l'on ne connaissait plus,
M. Hilprecht l'a retrouvé; il s'appelait Ittibel, et l'absence de titre
nous invite à croire qu'il n'était pas roi. Shargâni aurait été l'arti-
san de sa propre fortune, et le conte d'Akki, le jardinier, aurait été
inventé pour dissimuler sous des dehors romanesques l'origine
obscure d'un des grands conquérants chaldéens.

C'est un avant-goût de la légende de Moïse exposé sur
les eaux. Rien de nouveau sous le soleil.

II

M. Maspero arrive ensuite aux fouilles qui ont enrichi
et continuent à enrichir le Louvre :

Dans la Chaldée méridionale, les fouilles ont été dirigées par un
Français, à ses propres frais d'abord, puis à ceux de notre gouver-
nement, et les Parisiens en peuvent admirer le produit dans les
galeries assyriennes, tel jour de la semaine qu'il leur plaît. Elles se
prolongent depuis plus de dix ans, et l'on sait comment M. de Sar-
zec, consul à Bassora puis à Bagdad, utilisa les loisirs fréquents que
sa charge lui laissait pour collectionner chez les marchands indi-
gènes, puis pour rechercher lui-même les antiquités du pays où il
se trouvait. Un de ses fournisseurs lui ayant signalé le site de Tel-
loh, il en reconnut aussitôt l'importance et commença d'y pratiquer
des tranchées; ses premières trouvailles, qui comprenaient les belles
statues de Goudia, furent acquises pour le compte de la France par
M. Heuzey, et, grâce à la libéralité du Sultan, la plupart des objets
recueillis par la suite au même endroit, qui devaient, selon les
firmans, être déposés au Musée de Constantinople, sont venus se
ranger dans les salles et dans les vitrines du Louvre. Cette année
encore, grâce à un subside de 3o,ooo francs que le ministère de
l'Instruction publique accorda sans hésiter, malgré sa pauvreté,
grâce à l'appui de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
M. de Sarzec a pu quitter Batavia, où les évolutions de sa carrière
consulaire l'avaient exilé, pour se rendre à Telloh et pour y conti-
nuer son œuvre. En attendant qu'elle soit achevée, la publication
des résultats déjà acquis s'en poursuit sous la direction de M. Heu-
zey dans le très bel ouvrage intitulé : Découvertes en Chaldée. L'un
des collaborateurs, Amiaud, celui qui transcrivait et traduisait les
inscriptions, est mort tristement, il y a quelques années, et sa perte
n'a pu être réparée encore. Nous ne sommes plus en présence de
 
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