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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

DOI issue:
No. 1 (Octobre 1898)
DOI article:
Henry van de Velde
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https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0015

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HENRY VAN DE VELDE

soit si rare qu'un d'eux se sente pris du
désir de s'édifier une demeure bien à lui, un
milieu où chaque chose soit faite pour lui,
conforme à ses habitudes et ses goûts, de
même qu'il fait faire ses vêtements à sa
taille? Ainsi fait Van de Velcle pour ses clients,
avec les soins d'un bon médecin pour ses
patients. N’insistons pas sur une différence
si brutale que celle entre l'intérieur d'un mé-
decin de campagne (p. 24) et le salon de
la page 26. Que l'on compare des intérieurs
identiques — semblerait-il — par leur de-
stination; par exemple, la salle à manger du
comte K. (p. 34, 35, et 41) avec celle du
baron B., (p. 42) ou bien encore avec celle
de la villa de l'artiste; on reconnaîtra nette-
ment dans chacune l'individualité du maître
de la maison.
Le fumoir de M. B. .. . banquier à Bruxelles,
représenté en partie (p. 26), donne l'idée —
encore modeste pourtant — de ce que peut
être une installation luxueuse dans l'art de
Van de Velde. Ici encore, les asssoiffés d'orne-
ments en surcharge chercheraient en vain de
quoi satisfaire leur goût. Comme toujours,
le charme nait de la construction, d’une
dignité expressive, et du décor des surfaces,
sur lequel seul il y aurait tout un livre à
écrire.



Le décor des surfaces, tel que le conçoit
Van de Velde dans ses papiers peints, ses tissus,
ses mosaïques, ses vitraux, ses affiches, ses
reliures et ses autres travaux du livre est
celle des manifestations de son talent que
les profanes croient la plus caractéristique et
la plus personnelle. A tort ; elle n’est qu’une
de ses ressources entre beaucoup ; pas de
mince importance, il est vrai. Ici encore,
l’intelligence, la réflexion font contrepoids à
la fantaisie de l’artiste; l’esprit constructif y
préside aussi, pourrait- on dire. Bien n’est
laissé aux hasards de l’inspiration ; un motif
défini exige un autre motif défini pour com-
pléter un ensemble avec lai.
On a souvent reproché au décor de Van de
Velde l’absence de rapports avec le monde
externe. On regrette qu’il ne se serve pas,
comme les Anglais, de la flore et de la faune
pour en déduire son style. On déplore, en
un mot, de ne pouvoir rêver devant ce décor
d'un objet défini. Querelle inutile où nous

n'entrerons pas, nous contentant de nous de-
mander s'il n’est point possible d'éveiller ou
de favoriser plus ou moins des sentiments
d'orclre général rien qu’avec des lignes n’évo-
quant aucune image précise de choses ou
d’êtres. Or, il semble que Van de Velde y
réussisse.
M. Ch. Henry, professeur à la Sorbonne,
prétend (Quelques Aperçus sur l'Esthétique
des Formes, Paris 1895) que l'on peut calculer
la beauté d’une ligne dans un objet usuel
ou un ornement. Il n’a pas réussi à faire
la démonstration pratique de cet adage, et
l’on peut douter qu’il y parvienne. Mais
sûrement, ces dogmes de la forme, qui
nous paraissent encore aujourd'hui constituer
l’esthétique, sont les premiers errements de
ce qui sera quelque jour une science. En
peinture, les recherches de ClIEVREUL et
d'autres nous ont donné un code de lois im-
muables pour l'assemblage des couleurs; dans
un tableau, la résultante de ces lois nous
apparait comme l’œuvre de l’artiste. On ne
pourrait faire un bon tableau avec leur seul
secours, mais elles font éviter de mal associer
les couleurs. De même, la lumière se fera
quelque jour sur les lois que la ligne de Van de
Velde suit inconsciemment. Et dans la suite,
elle jaillira peut-être sur un autre ordre de
lois: ! expression de la ligne.
SeüRAT pressentait l’existence de ces lois.
Dans «le Chahut», son plus beau tableau,
qui orne le bureau de rédaction de notre
revue à Paris (p. 25) les lignes des figures
et des objets, toutes montantes de parti pris,
poussent l'expression de gaité bien au-dela
de celle propre au sujet. Mais SEURAT reste
dans la nature. Van de Velde, le premier,
a fait de ce moyen cl’eppression un emploi
conscient et régulier, et compris que c'est sur-
tout en dehors de la nature qu’il peut être
efficace. Il faut suivre dans ses premières œuvres
les développement de celte idée. Dans le bois
pour la couverture du livre «Dominical», les
lignes montantes comme oppressées par le noir
qui les interrompt introduisent le lecteur dans
l’esprit du livre, empreint d’une joie mélan-
colique. Dans cette composition schématique,
mer, rivages, images se devinent encore. Plus
tard, dans le petit bois pour «Van Nu en
Straks», que nous reproduisons page 9,
l’objet reste tout ci fait subordonné; l’origine
du dessin est une voile gonflée par le vent,
mais il n’en est resté que la direction ex-
pressive des lignes, le mouvement de poussée
en avant, qui symbolise à merveille le ca-
ractère hardiment progressif du vaillant petit
journal.

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