Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

DOI Heft:
No. 2 (Novembre 1898)
DOI Artikel:
L' atelier de Glatigny
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0070

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L’ART DÉCORATIF

demandent les plus hautes températures pour
fondre ; et surtout, les émaux fusibles aux
températures relativement peu élevées que
supporte le grès sont aujourd’hui tous connus,
archiconnus, de sorte que pour trouver de nou-
veaux effets, il faut employer des matières nou-
velles, pour la plupart extrêmement réfractraires.
C’est ainsi qu’ayant pris l’iniative de faire
venir à grands frais des roches des pays les
plus lointains — d’Afrique et d’Océanie —
pour obtenir des émaux, inconnus, 1’«Atelier de
Glatigny» s’est vu conduit d’emblée à substituer
la porcelaine au grès pour la pâte. Entré dans
cette voie, ' 1’«Atelier», pour varier ces effets
neufs, a recouru à l’introduction, dans ses
couvertes, de substances peu connues, excessive-
ment coûteuses mais dont des quantités infinitési-
males suffisent à changer radicalement l’aspect
de chaque émail.
Par ces explications, on peut juger du carac-
tère hardiment progressif de la fabrication de
Glatigny. Dans un ordre d’idées tout différent,
1’«Atelier» se livre à des études du genre le
plus nouveau, en vue de découvrir des éléments
de décor auxquels personne n’avait encore pensé:
observations microscopiques sur les fibres et les
cellules des végétaux, examen de fleurs et de
plantes empruntées aux pays les plus récemment
découverts, etc. En un mot, tout ce que la
science d’une part, l’ingéniosité d’artistes cher-
cheurs de l’autre peuvent imaginer pour sortir
des sentiers battus est mis à contribution.
Il est clair, après ceci, qu’il ne peut être
question de supposer que si la céramique de
Glatigny ne coûte pas cher, c’est que c’est
«de la camelotte». Car, nous l’avons dit, elle
ne coûte pas cher, cette céramique; son prix
est si inférieur à celui auquel les objets analogues
se sont payés jusqu’ici, que nous voudrions
pouvoir dire de combien. Par malheur, la
barrière qui sépare l’article sincère de la réclame
nous l’interdit ; interdiction fâcheuse, par paren-
thèse, car l’argent est l’argent, et les usages du
journalisme ne peuvent faire que le prix des
objets ne soit un des facteurs les plus intéressants
à connaître pour le lecteur. Mais il faut nous
soumettre à la règle établie ; disons donc simple-
ment que par la modicité des prix, les flammés
de Glatigny représentent un très grand pas
accompli dans la voie de l’accessibilité du bel
objet au grand nombre, c’est-à-dire vers un
but que les pionniers de l’art moderne ne
devraient jamais perdre de vue.
Mais comment, va-t-on dire, expliquer qu’un
producteur qui se livre à ces recherches coû-
teuses, qui substitue dans sa fabrication des
matières plus chères à celles de ses devanciers,
qui n’hésite pas devant un chômage de quinze

jours avec les salaires d’ouvriers sur les bras
(cela s’est fait à Glatigny) pour le seul but de
poursuivre une trouvaille, peut-il être en même
temps l’auteur d’une révolution dans les prix?
Ce fait paradoxal est plus simple qu’il ne
paraît. Accepté le principe de la grande pro-
duction, de la répétition de l’objet nombre de
fois, la quote-part de chaque pièce dans les frais
de recherches devient un chiffre infinitésimal,
en même temps que le prix de la fabrication
s’abaisse. La difficulté, pour le céramiste indus-
triel qui veut établir son affaire sur cette base,
ne sera pas de produire de belles pièces à bas
prix; elle sera bien plutôt de lutter contre les
préjugés du grand public pour les faire accepter.
Nous tournons dans un cercle vicieux. Le public
ne peut acheter les belles choses, parcequ’elles
sont trop chères; .mais si on lui en offre à bon
marché, il répondra qu’elles ne sont pas belles
parcequ’elles ne sont pas rares. C’est cet absurde
préjugé qu’il faut vaincre, et ce ne sera pas le
coté le moins ardu de la tâche que 1’«Atelier
de Glatigny» s’est tracée.
L’ «Atelier de Glatigny» est simplement de
l’industrie bien entendue, c’est-à-dire avec un
haut sens de ce que l’art d’une part, les ten-
dances sociales de l’époque de l’autre, lui com-
mandent. Sans doute les admirables pièces
uniques sorties des mains des grands maîtres du
genre auront toujours leur raison d’être et leur
valeur; mais le temps vient où ces chefs-d’oeuvre
ne doivent plus être «le seul beau», mais seule-
ment «les sommets du beau». En dotant le
.grand public d’objets décoratifs moins excep-
tionnels, mais répondant pleinement aux lois
d’une saine esthétique et accessibles au grand
nombre par leur prix, 1’«Atelier de Glatigny»
prend une noble initiative, et rend à l’art un
service éclatant.
L’ «Atelier de Glatigny» a commencé de joindre
à la fabrication du bibelot décoratif celle d’objets
usuels. Ses ambitions ne s’enferment du reste
pas dans la seule céramique ; il se propose de
transporter par la suite ses principes dans d’autres
domaines de l’art, à commencer par le vitrail.
Souhaitons que ces projets se réalisent vite,
.car la partie du public dans laquelle un goût
sain a pénétré depuis quelques années devient
nombreuse ; il serait temps que ceux-là puissent
trouver dans le commerce autre chose que les
odieuses laideurs dont les grands magasins
persistent à affliger nos yeux. J.


52
 
Annotationen