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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

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No. 4 (Janvier 1899)
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M. Félix Aubert
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https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0190

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L’ART DÉCORATIF

peut faire que le prix des matières précieuses
tombe à rien; que ce qui demandait huit jours
de travail ne demande plus que quelques heures;
que la machine fasse ce qui est le produit non
de la main, mais de l’intelligence de l’ouvrier.
La théorie que nous réfutons ne peut conduire
qu’à la copie du bel objet en matériaux précieux
avec des matériaux vils prétendant imiter les
premiers, et par un travail grossier cherchant
à donner l’impression qui ne peut résulter que
d’un travail délicat: c’est-à-dire au camelotage.
Ce serait, comme aujourd’hui, le toc universel.
Des caricatures de formes nouvelles, en similis
de l’avenir, prendraient la place des charges
de formes anciennes en similis du présent, voilà
tout. L’art de bazar continuerait de régner en
maître; on n’aurait pas fait un pas.
Mais alors, — dira-t-on, — il devrait donc
y avoir plusieurs «beaux», un beau pour le
riche, un beau pour le bourgeois, un beau pour
l’employé? Parfaitement. Si paradoxal que cela
paraisse, nous ne craignons pas de l’écrire.
Ou du moins, s’il n’y a qu’un beau, ses formes
sont infinies. Un vase en verre de trente sous
peut être beau aussi bien qu’un vase en cristal
taillé de trente francs. Une armoire en bois
blanc, qui coûtera cinquante francs, est suscep-
tible de beauté non moins qu’une armoire
en bois rare orné du plus précieux décor.
La beauté n’est pas plus interdite à l’humble
lampe de cinq francs qu’au plus somptueux
lampadaire. Le beau peut sortir des matières
les plus humbles, des formes les plus simples,
du travail le moins coûteux, si l’art préside à
leur emploi.
Alors, quel obstacle à ce que l’artiste crée
et propose à l’industrie dès maintenant — et
non dans cinquante ans — une échelle d’objets
s’adaptant à l’échelle des fortunes? Ne serait-
ce pas une récréation digne d’un décorateur
de talent, d’inventer — comme nous verrons
plus loin que M. Aubert a commencé de le
faire — des décors d’intérieur assez peu coûteux
pour que chaque constructeur les puisse offrir
aux loyers de 1000 francs? Un architecte de
talent dérogerait-il en dessinant trois ou quatre
mobiliers à 350 francs pour salles à manger,
destinés à prendre chez le petit bourgeois la
place de la caisse d’emballage se disant Henri II,
de la table aux manches de bilboquet branlants
et des six chaises archifuselées, archifouillées,
archihistoriques, mais archimalcommodes, dont
il ne reste après même nombre de mois que
de lamentables débris? La réputation d’un sculp-
teur en renom serait-elle compromise pour avoir
modelé quelques objets bien simples, un chan-
delier, une lampe, un encrier, etc., à faire en
cuivre joliment patiné, avec très-peu de ciselure,

et qui ne se vendraient que quelques francs ? Celà
leur coûterait si peu de peine, et ferait plaisir
à tant de gens — sans compter ceux qui n’en
voudraient pas le premier jour, et ne voudraient
plus autre chose six mois après!
L’autre côté de la question. L’industrie. Qu’il
soit difficile à l’artiste de la décider à un essai
coûtant des milliers de francs, nous ne le savons
que trop. Mais s’il 11e s’agit que d’une bagatelle?
Le nom seul de l’artiste déjà connu, faisant une
proposition de ce genre à l’industriel, ne
suffirait-il pas pour le déterminer?
Ce qu’il faut avant tout, dans cet ordre d’idées,
c’est l’intervention directe de l’artiste. On pour-
rait croire que le personnel ordinaire de l’in-
dustrie suffit à concevoir et dessiner les choses
simples. Ce serait une erreur. D’abord, ce n’est
pas lui qui prendra cette initiative. Ensuite, la
conception saine et le don d’invention n’appar-
tiennent pas plus au premier venu dans le simple
que dans le complexe, au contraire. Le dessi-
nateur industriel pourra marcher dans la voie,
une fois celle-ci ouverte; mais il faut que des
esprits supérieurs la lui tracent. La belle de-
meure bourgeoise ne sera, que le jour où des
artistes de talent auront montré par le fait ce
qu’elle doit être. Jusque-là, le faux, le clinquant,
le «je veux mais ne peux» y resteront sou-
verains.
L’on ne peut donc trop applaudir, en voyant
un artiste du talent de M. Aubert ne pas trouver
indigne de lui de travailler pour l’industrie. Il
est à souhaiter que d’autres l’imitent, et dépensent
un peu de leur savoir-faire au profit immédiat
de la communauté — qui est aussi le profit
de l’art.
M. Aubert, décorateur de surfaces, s’est sur-
tout occupé de tissus. Dans ce domaine, en-
dehors de ses travaux pour l’industrie, il produit
des pièces uniques, ou exécutées seulement à
quelques exemplaires, qui sont des merveilles
d’élégance et de goût, et qu’il expose régulière-
ment rue Caumartin, au Salon des Six, dont
il est. Dans ces travaux, qui sont d’une très
grande variété, outre les qualités de composition
et de couleur de M. Aubert, son aversion pour
les lieux-communs et sa sûreté de goût, on
retrouve constamment la plus rare connaissance
des convenances et des ressources des matières
traitées, et l’ingéniosité à en tirer de nouveaux
partis.
L’activité de M. Aubert ne se borne pas aux
tissus; elle s’est portée sur beaucoup d’autres
objets : papiers peints, frises etpanneaux en faïence,
vitraux, et récemment, sur la décoration des
murs d’intérieurs. Ici, son esprit pratique a
d’emblée déterminé l'étendue du rôle de son
art dans la décoration de la maison de rapport

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