NOVEMBRE mon
H y a quelque quinze ans,
au sortir d'un concours de dessin,
organisé par la Ville de Paris,
un vieux professeur interrogea son élève de
prédilection.
- Es-tu content ?
Si l'on retient celui qui a le plus
exactement copié le modèle, le prix ne me
sera pas décerné, répondit le jeune homme ;
mais si l'on récompense celui qui l'a inter-
prété, qui en a exprimé le caractère, je suis
certain de l'obtenir.
Et il l'obtint en effet.
M. Lévy-Dhurmer ne démentira pas sa
réponse qui était alors la sûre connaissance
d'Espagne et du Maroc sont là pour attester
cette unique et constante préoccupation. On
dirait que pour nous surprendre et nous
charmer plus profondément, il a choisi des
contrées qui s'opposent non seulement dans
leur structure, mais encore par leur génie
particulier. Il semble que sa Ngwmc h hi
Æ/à/e garde l'entrée du pays religieux qu'est
la Hollande. Par la carrure du torse, la
disposition de la coiffe, ornée de pendeloques,
et le geste fermé des bras, le peintre a donné
une sorte d'architecture lourde, rigide, au
tète orgueilleuse et cruelle au-dessus des
brasiers qu'elle allume dans Troie.
Enfin, dans son triptyque H;; RuruhN,
M. Lévv-Dhurmer a donné l'entière mesure de
son talent: largeur du dessin, richesse du
coloris, habileté de composition. Une splen-
deur à la fois humaine et sacrée baigne la
nudité d'Eve, et nous assistons à l'aurore
du monde. Il n'y a qu'une sym-
phonie de Beethoven capable de
rendre l'ivresse mortelle du Pa-
radis. Les fleurs s'enlacent, les
animaux s'étreignent, le soleil
baise ardemment la terre et
parmi cette folie, éperdue et ravie,
Eve cède aux appels d'Adam. La
fuite de l'épousée, toute sanglo-
tante d'amour, dans la détresse
du crépuscule est aussi d'une
inexprimable douceur. Combien
d'autres œuvres seraient à citer,
car la production du peintre est
déjà considérable. Nous y re-
marquerions qu'en chacune d'elles
if a répandu sans compter les
trésors d'une vive imagination
et d'un métier sûr. En chacune
aussi il s'est appuyé sur la réa-
lité, la vision fidèle de la vie.
D'abord voilée et subordonnée
par endroits au rêve, celle-ci
s'en dégage peu à peu et main-
tenant nous allons la voir, dans
une nouvelle moisson, passer au
premier plan et s'épanouir comme
une Heur glorieuse et riche de
force sous le soleil.
de ses forces et comme la préface de toute
son œuvre. Résumer le caractère d'un mo-
dèle, le prendre non seulement dans le pré-
sent, mais remonter avec lui dans le passé,
dépasser son origine, fixer d'un trait ses
attaches avec un pays et une race, telle fut
la continuelle ambition de M. Lévy-Dhurmer.
Les études qu'il a rapportées de Hollande,
3^
H y a quelque quinze ans,
au sortir d'un concours de dessin,
organisé par la Ville de Paris,
un vieux professeur interrogea son élève de
prédilection.
- Es-tu content ?
Si l'on retient celui qui a le plus
exactement copié le modèle, le prix ne me
sera pas décerné, répondit le jeune homme ;
mais si l'on récompense celui qui l'a inter-
prété, qui en a exprimé le caractère, je suis
certain de l'obtenir.
Et il l'obtint en effet.
M. Lévy-Dhurmer ne démentira pas sa
réponse qui était alors la sûre connaissance
d'Espagne et du Maroc sont là pour attester
cette unique et constante préoccupation. On
dirait que pour nous surprendre et nous
charmer plus profondément, il a choisi des
contrées qui s'opposent non seulement dans
leur structure, mais encore par leur génie
particulier. Il semble que sa Ngwmc h hi
Æ/à/e garde l'entrée du pays religieux qu'est
la Hollande. Par la carrure du torse, la
disposition de la coiffe, ornée de pendeloques,
et le geste fermé des bras, le peintre a donné
une sorte d'architecture lourde, rigide, au
tète orgueilleuse et cruelle au-dessus des
brasiers qu'elle allume dans Troie.
Enfin, dans son triptyque H;; RuruhN,
M. Lévv-Dhurmer a donné l'entière mesure de
son talent: largeur du dessin, richesse du
coloris, habileté de composition. Une splen-
deur à la fois humaine et sacrée baigne la
nudité d'Eve, et nous assistons à l'aurore
du monde. Il n'y a qu'une sym-
phonie de Beethoven capable de
rendre l'ivresse mortelle du Pa-
radis. Les fleurs s'enlacent, les
animaux s'étreignent, le soleil
baise ardemment la terre et
parmi cette folie, éperdue et ravie,
Eve cède aux appels d'Adam. La
fuite de l'épousée, toute sanglo-
tante d'amour, dans la détresse
du crépuscule est aussi d'une
inexprimable douceur. Combien
d'autres œuvres seraient à citer,
car la production du peintre est
déjà considérable. Nous y re-
marquerions qu'en chacune d'elles
if a répandu sans compter les
trésors d'une vive imagination
et d'un métier sûr. En chacune
aussi il s'est appuyé sur la réa-
lité, la vision fidèle de la vie.
D'abord voilée et subordonnée
par endroits au rêve, celle-ci
s'en dégage peu à peu et main-
tenant nous allons la voir, dans
une nouvelle moisson, passer au
premier plan et s'épanouir comme
une Heur glorieuse et riche de
force sous le soleil.
de ses forces et comme la préface de toute
son œuvre. Résumer le caractère d'un mo-
dèle, le prendre non seulement dans le pré-
sent, mais remonter avec lui dans le passé,
dépasser son origine, fixer d'un trait ses
attaches avec un pays et une race, telle fut
la continuelle ambition de M. Lévy-Dhurmer.
Les études qu'il a rapportées de Hollande,
3^