SUR L'IDOLATRIE. 3i<>
Enfin pour comble d'absurdité, on adora les animaux & les reptiles ■■>
Ôc ce n'étoient pas seulement les particuliers qui leur offraient de l'encens
te des sacrifices, mais les Villes entières où leur culte fut établi. Ainii
Memphis & Héliopolis adoroient le boeuf; Sais & Thébes, les brebis; Cy-
nopolis, les chiens; Mendès, les chèvres 6c les boucs; les Assyriens, les
Colombes. Dans quelques Villes on adoroit les linges, dans d'autres les
crocodiles &: les lézars, les corbeaux, les cigognes, &c. & souvent même
ces Villes portoient le nom des animaux qui étoient l'objet de leur culte,
comme Leontopolis, Mendès, &c. Les pohTons devinrent aussi l'objet d'un
cuite superstii eux, non-seulement parmi les Syriens qui n'osoient pas même
en manger, mais ausli dans plusieurs Villes d'Egypte , de Lydie, Se dans
d'autres Pais, {a) Les uns plaçoient des anguilles sur leurs Autels, d'autres
des tortues, des brochets, &c. Il n'y eut pas jusqu'aux moindres insectes
qui devinrent l'objet de cette folle superstirion. Les ThesTaliens honoroient
les fourmis; les Arcananiens, les mouches. Enfin les pierres elles-mêmes
eurent un culte public .- comme celle que Saturne avoit avalée au lieu de
Jupiter; celles qui parmi les Phrygiens reprcsmtoient la mère des Dieux;
& le Dieu Terme, qui ctoit une eipéce de borne ou de rocher.
On pourroit opposer à ce que nous venons de rapporter des progrès
de l'Idolâtrie , que toutes les fausses Divinités des Païens n'étoient que
différens attributs du vrai Dieu; qu'ils adoroient, par exemple, sa Justice
dans Thémis, sa puilTance souveraine dans Jupiter , son éloquence dans Mer-
cure , sa sagesTe dans Pallas, &c. Mais ils n'en seroient pas pour cela plus
excusables, aiant aind distribué & partagé entre plusieurs Dieux les perfec-
tions d'un Etre, qui est un par elTence. On peutpenser la même chosedes
Poètes & des Philosophes, qui croioient que Dieu étoit l'ame de ce vaste
Univers, qui lui donnoit le mouvement & la vie.
( h ) Spiritus intus alit, totamque infufa J>er artus
Alens agitât molem, tîT magno Je corpore mifeet.
------——---------Deum narnque ire per omnes
Terrasque , traHusque maris, cAumque profunâum , &c.
C'étoit, au rapport (c) de Ciceron, le sentiment favori des Stoïcieiîs ;
& il faut avouer, que reconnoître & adorer comme une Divinité cette
ame universelle qui est une portion du monde, étendue comme le corps
qu'elle anime, c'elt peut-être une espcce d'Idolâtrie plus raffinée que celle du
peuple. Mais n'est-ce pastoujours rendre à la créature les hommages qui ne
sont dûs qu'au Créateur? N'est-ce pas un Athéïsme semblable a celui de
Strabon, de Mine , de Spinosa, & de la plupart des Lettrés Chinois ?
Après avoir prouvé que l'Idolâtrie ne parvint que par dégrés au point
d'abiurdité où l'on vient de la voir, montrons en peu de mots de quelle
manière le culte qu'on rendoit aux faux Dieux, monta jusqu'au comble de
l'abomination.
Comme dans les premiers tems la plupart des Peuples ne connoilToient
ni Villes ni maisons, qu'ils n'habitoient que dans des cabanes ou sous des
tentes portatives, & qu'ils vivoient errans dans tous les endroits qui leur
(4) Voicz Vossms. I (e) g*sss. AcAd. Lis. IV.
(b) Encid. Liv. VI.
Enfin pour comble d'absurdité, on adora les animaux & les reptiles ■■>
Ôc ce n'étoient pas seulement les particuliers qui leur offraient de l'encens
te des sacrifices, mais les Villes entières où leur culte fut établi. Ainii
Memphis & Héliopolis adoroient le boeuf; Sais & Thébes, les brebis; Cy-
nopolis, les chiens; Mendès, les chèvres 6c les boucs; les Assyriens, les
Colombes. Dans quelques Villes on adoroit les linges, dans d'autres les
crocodiles &: les lézars, les corbeaux, les cigognes, &c. & souvent même
ces Villes portoient le nom des animaux qui étoient l'objet de leur culte,
comme Leontopolis, Mendès, &c. Les pohTons devinrent aussi l'objet d'un
cuite superstii eux, non-seulement parmi les Syriens qui n'osoient pas même
en manger, mais ausli dans plusieurs Villes d'Egypte , de Lydie, Se dans
d'autres Pais, {a) Les uns plaçoient des anguilles sur leurs Autels, d'autres
des tortues, des brochets, &c. Il n'y eut pas jusqu'aux moindres insectes
qui devinrent l'objet de cette folle superstirion. Les ThesTaliens honoroient
les fourmis; les Arcananiens, les mouches. Enfin les pierres elles-mêmes
eurent un culte public .- comme celle que Saturne avoit avalée au lieu de
Jupiter; celles qui parmi les Phrygiens reprcsmtoient la mère des Dieux;
& le Dieu Terme, qui ctoit une eipéce de borne ou de rocher.
On pourroit opposer à ce que nous venons de rapporter des progrès
de l'Idolâtrie , que toutes les fausses Divinités des Païens n'étoient que
différens attributs du vrai Dieu; qu'ils adoroient, par exemple, sa Justice
dans Thémis, sa puilTance souveraine dans Jupiter , son éloquence dans Mer-
cure , sa sagesTe dans Pallas, &c. Mais ils n'en seroient pas pour cela plus
excusables, aiant aind distribué & partagé entre plusieurs Dieux les perfec-
tions d'un Etre, qui est un par elTence. On peutpenser la même chosedes
Poètes & des Philosophes, qui croioient que Dieu étoit l'ame de ce vaste
Univers, qui lui donnoit le mouvement & la vie.
( h ) Spiritus intus alit, totamque infufa J>er artus
Alens agitât molem, tîT magno Je corpore mifeet.
------——---------Deum narnque ire per omnes
Terrasque , traHusque maris, cAumque profunâum , &c.
C'étoit, au rapport (c) de Ciceron, le sentiment favori des Stoïcieiîs ;
& il faut avouer, que reconnoître & adorer comme une Divinité cette
ame universelle qui est une portion du monde, étendue comme le corps
qu'elle anime, c'elt peut-être une espcce d'Idolâtrie plus raffinée que celle du
peuple. Mais n'est-ce pastoujours rendre à la créature les hommages qui ne
sont dûs qu'au Créateur? N'est-ce pas un Athéïsme semblable a celui de
Strabon, de Mine , de Spinosa, & de la plupart des Lettrés Chinois ?
Après avoir prouvé que l'Idolâtrie ne parvint que par dégrés au point
d'abiurdité où l'on vient de la voir, montrons en peu de mots de quelle
manière le culte qu'on rendoit aux faux Dieux, monta jusqu'au comble de
l'abomination.
Comme dans les premiers tems la plupart des Peuples ne connoilToient
ni Villes ni maisons, qu'ils n'habitoient que dans des cabanes ou sous des
tentes portatives, & qu'ils vivoient errans dans tous les endroits qui leur
(4) Voicz Vossms. I (e) g*sss. AcAd. Lis. IV.
(b) Encid. Liv. VI.