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ÉCOLE ANGLAISE.
village, n’eùt pu prévoir qu'il mourrait comblé d’honneurs, ami de sir Robert Peel, chevalier et baronnet,
peintre de George IV; qu’il serait enseveli dans les flots de la mer et que sa mort ferait .plus de bruit en
Europe que'celle d’un roi.
Né le 18 novembre 1785, il était le troisième fils d’un ministre presbytérien du comté de Fife en Écosse,
chargé du soin d’une petite paroisse et recevant une faible somme pour salaire. La famille était ancienne et de
souche rustique; l’austérité patriarcale y régnait. On dit que pendant plus de trois,siècles les mêmes terres
furent exploitées par la même race, sans diminution comme sans accroissement. La vénérable famille se
composait d’un père, d’un grand-père, d’une mère, de cinq enfants, tous marqués de la même empreinte
modeste, frugale et laborieuse ; chacun prenait à son tour la charrue, la herse, la bêche et la Bible. On était
pauvre et doux, sobre et énergique, simple et un peu ironique : on ne pardonnait guère aux vices et aux sottises
de l’humanité. Telle fut la première éducation morale de Wilkie, et elle ne s’effaça jamais : toujours on reconnut
chez le peintre populaire, chez le Hogarth de l’Écosse, l’enfant sévère et doux de la Manse presbytérienne.
Il y a deux grandes subdivisions dans l’histoire des arts plastiques; l’une comprend la beauté de couleur ou
de forme, l’autre s’attache particulièrement au caractère et à l’expression. La première est le partage de la
Grèce et de l’Italie ; elle naît du soleil même qui les dore de sa lumière éblouissante;
qui lumine vestit
Purpureo *.. .
La seconde appartient au Nord et lient moins compte de la beauté et de la volupté que de l’observation et de
la philosophie. Ces deux domaines, on doit le penser, ne sont point séparés par des limites infranchissables ;
bien des modifications et des mélanges s’opèrent entre ces deux fractions de l’art. L’italien Léonard de
Vinci s’occupe de l’expression et du caractère; Rembrandt joint la couleur à l’expression; Hogarth ne
possède que l’expression sans la couleur.
Par une complication de motifs que les philosophes essayeront d’analyser, la race issue des régions Scandinaves,
des régions sans soleil, ce grand peuple teutonique, subdivisé en mille tribus, n’a jamais pu effacer de
ses mœurs et de son âme le caractère originel d’une volonté indépendante et d’un respect profond pour
l’individualité humaine. Delà chez les maîtres septentrionaux deux tendances dominantes: — sacrifier la beauté
à l’expression; —et reproduire des individus plutôt que des types.
Pendant que les hommes des régions favorisées tiennent leurs yeux fixés sur le type suprême, sur l’idéal
du beau et rêvent la forme pure revêtue de splendeur lumineuse, l’observation du caractère humain, celle des
accidents et des caprices de la lumière , la reproduction accentuée de la réalité la plus complète et la plus exacte
constituent pour les hommes du Nord une seconde espèce d’idéal. Rembrandt, Rubens, Albert Durer, Hogarth
sont les représentants de cette seconde école. Wilkie, au commencement du dix-huitième siècle, est venu y
occuper une place importante, nouvelle, à la fois calviniste et moderne. Le sentiment profond de la pureté
morale, c’est là son caractère propre; c’est ce qui le distingue desBrauwer et des Jean Steen.
On peut étudier dans l’œuvre de sa première manière, la seule dont il faille tenir nompte, le fond sévère de
l’art septentrional, modifié par les idées chrétiennes, par le puritanisme, la sévérité écossaise et l’amour de
l’humanité. Il nous sera facile de le suivre dans cette voie. Chez Wilkie en effet rien ne dépend du hasard;
rien ne flotte au gré du caprice. Dès dix-huit ans il sait où il va et son esthétique est tracée. « Aucune peinture
« n’est bonne, écrit-il en 1805 , si elle n’est la nature même. — J’abhorre le partage des arts, dit-il à la même
« époque. Il faut faire et non dire. » Le sage qui s’exprime ainsi n’a pas vingt ans.
De là cette activité de l’artiste qui n’ayant pour guides que lui-même, la nature et l’étude, poursuivit
4 Purpureus ne signifie pas « empourpré » comme le veulent les traducteurs, mais éblouissant, étincelant. On lit dans
plusieurs poètes latins « purpureœ» nives, mots qui n’indiquent ni les neiges roses du Schreckhorn ni les glaces teintes en
rouge par la présence de milliers d’insectes, mais bien la splendeur de la neige. Ce mot curieux se compose peut-être de
Tv’jp, feu, et de <pepeiv, apporter; — étymologie probable qui assigne à purpureus son vrai sens : porte-lumière.
ÉCOLE ANGLAISE.
village, n’eùt pu prévoir qu'il mourrait comblé d’honneurs, ami de sir Robert Peel, chevalier et baronnet,
peintre de George IV; qu’il serait enseveli dans les flots de la mer et que sa mort ferait .plus de bruit en
Europe que'celle d’un roi.
Né le 18 novembre 1785, il était le troisième fils d’un ministre presbytérien du comté de Fife en Écosse,
chargé du soin d’une petite paroisse et recevant une faible somme pour salaire. La famille était ancienne et de
souche rustique; l’austérité patriarcale y régnait. On dit que pendant plus de trois,siècles les mêmes terres
furent exploitées par la même race, sans diminution comme sans accroissement. La vénérable famille se
composait d’un père, d’un grand-père, d’une mère, de cinq enfants, tous marqués de la même empreinte
modeste, frugale et laborieuse ; chacun prenait à son tour la charrue, la herse, la bêche et la Bible. On était
pauvre et doux, sobre et énergique, simple et un peu ironique : on ne pardonnait guère aux vices et aux sottises
de l’humanité. Telle fut la première éducation morale de Wilkie, et elle ne s’effaça jamais : toujours on reconnut
chez le peintre populaire, chez le Hogarth de l’Écosse, l’enfant sévère et doux de la Manse presbytérienne.
Il y a deux grandes subdivisions dans l’histoire des arts plastiques; l’une comprend la beauté de couleur ou
de forme, l’autre s’attache particulièrement au caractère et à l’expression. La première est le partage de la
Grèce et de l’Italie ; elle naît du soleil même qui les dore de sa lumière éblouissante;
qui lumine vestit
Purpureo *.. .
La seconde appartient au Nord et lient moins compte de la beauté et de la volupté que de l’observation et de
la philosophie. Ces deux domaines, on doit le penser, ne sont point séparés par des limites infranchissables ;
bien des modifications et des mélanges s’opèrent entre ces deux fractions de l’art. L’italien Léonard de
Vinci s’occupe de l’expression et du caractère; Rembrandt joint la couleur à l’expression; Hogarth ne
possède que l’expression sans la couleur.
Par une complication de motifs que les philosophes essayeront d’analyser, la race issue des régions Scandinaves,
des régions sans soleil, ce grand peuple teutonique, subdivisé en mille tribus, n’a jamais pu effacer de
ses mœurs et de son âme le caractère originel d’une volonté indépendante et d’un respect profond pour
l’individualité humaine. Delà chez les maîtres septentrionaux deux tendances dominantes: — sacrifier la beauté
à l’expression; —et reproduire des individus plutôt que des types.
Pendant que les hommes des régions favorisées tiennent leurs yeux fixés sur le type suprême, sur l’idéal
du beau et rêvent la forme pure revêtue de splendeur lumineuse, l’observation du caractère humain, celle des
accidents et des caprices de la lumière , la reproduction accentuée de la réalité la plus complète et la plus exacte
constituent pour les hommes du Nord une seconde espèce d’idéal. Rembrandt, Rubens, Albert Durer, Hogarth
sont les représentants de cette seconde école. Wilkie, au commencement du dix-huitième siècle, est venu y
occuper une place importante, nouvelle, à la fois calviniste et moderne. Le sentiment profond de la pureté
morale, c’est là son caractère propre; c’est ce qui le distingue desBrauwer et des Jean Steen.
On peut étudier dans l’œuvre de sa première manière, la seule dont il faille tenir nompte, le fond sévère de
l’art septentrional, modifié par les idées chrétiennes, par le puritanisme, la sévérité écossaise et l’amour de
l’humanité. Il nous sera facile de le suivre dans cette voie. Chez Wilkie en effet rien ne dépend du hasard;
rien ne flotte au gré du caprice. Dès dix-huit ans il sait où il va et son esthétique est tracée. « Aucune peinture
« n’est bonne, écrit-il en 1805 , si elle n’est la nature même. — J’abhorre le partage des arts, dit-il à la même
« époque. Il faut faire et non dire. » Le sage qui s’exprime ainsi n’a pas vingt ans.
De là cette activité de l’artiste qui n’ayant pour guides que lui-même, la nature et l’étude, poursuivit
4 Purpureus ne signifie pas « empourpré » comme le veulent les traducteurs, mais éblouissant, étincelant. On lit dans
plusieurs poètes latins « purpureœ» nives, mots qui n’indiquent ni les neiges roses du Schreckhorn ni les glaces teintes en
rouge par la présence de milliers d’insectes, mais bien la splendeur de la neige. Ce mot curieux se compose peut-être de
Tv’jp, feu, et de <pepeiv, apporter; — étymologie probable qui assigne à purpureus son vrai sens : porte-lumière.