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COUP-D'OEIL HISTORIQUE
depuis deux siècles avec l'emploi des verres grossissans; et, en
effet, les études sur le germe, comme toutes celles sur l'infini-
ment petit, ne pouvaient naître qu'après l'invention du micros-
cope, comme elles n'ont pu s'étendre avec précision et certitude
que depuis ces trente dernières années par les perfectionnemens
apportés à cet admirable instrument.
L'autre aspect qui recherche l'origine du germe dans la ma-
tière et dans le temps, bien au-delà de tout premier indice visi-
ble, est par cela même purement spéculatif et sort du domaine
de l'histologie pour entrer dans celui de la métaphysique. Cette
question du germe primitif où l'esprit ne travaille que sur ses pro-
pres inspirations, a été, par cela même, la plus anciennement
agitée. Mais dans ces régions idéales où elle ne trouve qu'en elle-
même ses sources et ses limites, l'imagination a porté la hardiesse
jusqu'à se confondre elle-même. Pascal s'écriant : le ciron du
ciron ! avait effrayé son siècle. La science, encore plus osée , a
voulu saisir le germe du germe à travers l'innombrable série des
générations dans le temps. Et cependant, cette question impéné-
trable, elle n'est pas vaine. Comme elle touche aux deux pro-
blèmes les plus sérieux de la vie, l'origine et la fin dernière de
l'homme, de lui-même l'esprit s'y attache, car il sent qu'elle a un
fondement logique et que, dans leur examen, nul n'est en mesure
de dire où est le faux, où est le vrai, où l'un et l'autre commence
et finit. Si donc il est difficile de la passer sous silence, ne pouvant
l'abstraire il faut la signaler, sous toute réserve et passer outre.
Des théories qui ont régné dans la science, deux qui sont les
plus anciennes sont demeurées célèbres par des luttes qu'elles
ont excitées entre les savans depuis deux siècles. L'une suppose
que, dans l'acte de la génération , le nouvel être est formé de
toutes pièces, c'est Yépigénèse, dont, par des travaux subsé-
quens, la théorie s'est étendue au mode de formation et de déve-
loppement du produit de la conception. L'autre établit que les
germes des êtres, tout formés dans les organes de la reproduc-
tion, sont antérieurs à l'union sexuelle où ils trouvent seule-
ment la cause excitatrice de leur développement. C'est la théorie
dite de Yévolution ou de la préexistence des germes.
Pour élucider ces questions, qui embrassent l'origine et le
développement du germe visible et de l'embryon, il n'est pas
inutile de jeter un coup-d'œil rétrospectif sur l'histoire de la
science.
Les philosophes spéculatifs de l'antiquité s'iinaginant de for-
mer le nouvel être par l'agrégation des atomes, n'ont rien dit
qui ait mérité d'être retenu.
Aristote, le premier des savans, commence à être plus précis;
suivant lui la liqueur séminale est la cause efficiente de la forme
de l'animal, la femelle fournit la matière qui reçoit cette forme.
Le cœur est le premier organe bien apparent, et par sa force d'im-
pulsion il sculpte les autres organes. Hippocrate croit que les
deux sexes ont chacun leur fluide séminal. Celui qui prédomine
donne la forme et cause la ressemblance du nouvel ê're avec le
père ou la mère. Jusque-là rien que de très vague. La question
histologique de la procréation n'est pas même ébauchée, il faudra
franchir dix-neuf siècles pour entrer dans le domains des faits,
car il n'y a rien d'utile à recueillir dans les puérilités qui ont
régné dans les écoles pendant cette longue période.
Fabrice cïAquapendente (1625) (1) est le premier fondateur
(1) De formalionc cnnalorum. — Oper, anat. Padoue. 162-5.
de l'embryogénie. D'après ses observations sur les oiseaux et les
mammifères il établit que le principe de la génération est un
œuf, et il a cru reconnaître que cet œuf préexiste dans l'ovaire,
ce qui est un grand fait pour l'époque. Du reste, il croit que
l'ovaire est fécondé par une émanation spiritueuse de la liqueur
du mâle. L'ovaire produit la matière de l'être, mais suivant l'idée
empruntée d'Aristote, c'est l'esprit séminal qui est la cause effi-
ciente de la génération, doué qu'il est de forces formatrices.
Harvey (i), élève de Fabrice, continue l'œuvre de son maître.
Comme résultat de ses recherches en grand nombre sur les biches
et les daims des parcs du roi d'Angleterre Charles Ier, il ose poser
l'axiome, devenu depuis si célèbre, que tout être vivant procède
d'un œuf. A côté de cette grande vérité il proclame une erreur
lorsqu'il dit que le fluide séminal ne fécondant que par son aura,
ne pénètre même pas dans la cavité de l'utérus.
Needham (2) développe plus complètement que Harvey le
principe de l'analogie de l'œuf des ovipares et des vivipares. 11
décrit assez complètement toutes les parties de l'œuf, signale
dans une ligne blanche le premier linéament de l'embryon et
pose, comme loi de son développement, qu'il se forme de dedans
en dehors, par une sortie de ses propres parties. Toutes ces ob-
servations et leurs résultats, confirmés par la science moderne,
assignent à leur auteur un rang élevé parmi les embryogénistes.
De Graaf(3) s'est immortalisé par la découverte de la vésicule
ovarienne à laquelle on a donné son nom. Dans ses figures il
montre ces vésicules qu'il croit être les œufs du testicule (ovaire)
de la femme. Il pense, comme ses prédécesseurs, que les œufs
préexistent dans l'ovaire; il exprime cette opinion, remarquable
alors, que l'œuf, après la fécondation, descend dans l'utérus par
les trompes.
Malpighi (1673) dont le génie observateur se rencontre par-
tout, signala chez les femelles de mammifères, après la copula-
tion, une altération de l'ovaire, et remarqua, chez l'une d'elles,
un corps ovale, jaune, où il crut avoir aperçu un œuf d'une pe-
titesse infinie. Dans ce fait Malpighi a-t-il effectivement découvert
un ovule dans sa vésicule ovarienne ou n'a-t-il vu que le sac
déchiré de cette vésicule que l'on nomme le corps jaune? On ne
peut rien prononcera ce sujet.—Du reste, Malpighi croit que
le germe de l'embryon préexiste dans l'œuf qui lui fournit ses
enveloppes et la matière nutritive.
Jusque-là tous les embryogénistes sont unanimes. Pour eux il
n'y a qu'un germe ou un premier rudiinentde l'être vivant, l'œuf,
el c'est dans la femelle qu'il existe. Toutefois l'intervention du
mâle est indispensable, dans la procréation, car sa liqueur pro-
lifique renferme un élément excitateur sans lequel le germe uni-
que de la femelle ou l'œuf, ne pouvant se développer en un
nouvel être vivant, demeurerait infécond.
Lcewenhoeck et HartsoeAer ('677) (4), comme résultat de re-
(1) ETcrr.iUition.es de qeneratione animalinm, 1&51.
(2) De formalo foelu, 1667.
(3) De mulieris generalioni intervient ibtis, 1671 •
(4) Omnes creatnrae mobili sive vivenii anima pi ocdiloc, dépendent a primo
eorum génère, cl ut melius dieam, dépendent ab animalculis vivis, sive îno-
vt ntibus, in seniinc vii ili ab origine crealtonis confeeiis.
(Leewenhocck, Cont. Epût., p ce.)
COUP-D'OEIL HISTORIQUE
depuis deux siècles avec l'emploi des verres grossissans; et, en
effet, les études sur le germe, comme toutes celles sur l'infini-
ment petit, ne pouvaient naître qu'après l'invention du micros-
cope, comme elles n'ont pu s'étendre avec précision et certitude
que depuis ces trente dernières années par les perfectionnemens
apportés à cet admirable instrument.
L'autre aspect qui recherche l'origine du germe dans la ma-
tière et dans le temps, bien au-delà de tout premier indice visi-
ble, est par cela même purement spéculatif et sort du domaine
de l'histologie pour entrer dans celui de la métaphysique. Cette
question du germe primitif où l'esprit ne travaille que sur ses pro-
pres inspirations, a été, par cela même, la plus anciennement
agitée. Mais dans ces régions idéales où elle ne trouve qu'en elle-
même ses sources et ses limites, l'imagination a porté la hardiesse
jusqu'à se confondre elle-même. Pascal s'écriant : le ciron du
ciron ! avait effrayé son siècle. La science, encore plus osée , a
voulu saisir le germe du germe à travers l'innombrable série des
générations dans le temps. Et cependant, cette question impéné-
trable, elle n'est pas vaine. Comme elle touche aux deux pro-
blèmes les plus sérieux de la vie, l'origine et la fin dernière de
l'homme, de lui-même l'esprit s'y attache, car il sent qu'elle a un
fondement logique et que, dans leur examen, nul n'est en mesure
de dire où est le faux, où est le vrai, où l'un et l'autre commence
et finit. Si donc il est difficile de la passer sous silence, ne pouvant
l'abstraire il faut la signaler, sous toute réserve et passer outre.
Des théories qui ont régné dans la science, deux qui sont les
plus anciennes sont demeurées célèbres par des luttes qu'elles
ont excitées entre les savans depuis deux siècles. L'une suppose
que, dans l'acte de la génération , le nouvel être est formé de
toutes pièces, c'est Yépigénèse, dont, par des travaux subsé-
quens, la théorie s'est étendue au mode de formation et de déve-
loppement du produit de la conception. L'autre établit que les
germes des êtres, tout formés dans les organes de la reproduc-
tion, sont antérieurs à l'union sexuelle où ils trouvent seule-
ment la cause excitatrice de leur développement. C'est la théorie
dite de Yévolution ou de la préexistence des germes.
Pour élucider ces questions, qui embrassent l'origine et le
développement du germe visible et de l'embryon, il n'est pas
inutile de jeter un coup-d'œil rétrospectif sur l'histoire de la
science.
Les philosophes spéculatifs de l'antiquité s'iinaginant de for-
mer le nouvel être par l'agrégation des atomes, n'ont rien dit
qui ait mérité d'être retenu.
Aristote, le premier des savans, commence à être plus précis;
suivant lui la liqueur séminale est la cause efficiente de la forme
de l'animal, la femelle fournit la matière qui reçoit cette forme.
Le cœur est le premier organe bien apparent, et par sa force d'im-
pulsion il sculpte les autres organes. Hippocrate croit que les
deux sexes ont chacun leur fluide séminal. Celui qui prédomine
donne la forme et cause la ressemblance du nouvel ê're avec le
père ou la mère. Jusque-là rien que de très vague. La question
histologique de la procréation n'est pas même ébauchée, il faudra
franchir dix-neuf siècles pour entrer dans le domains des faits,
car il n'y a rien d'utile à recueillir dans les puérilités qui ont
régné dans les écoles pendant cette longue période.
Fabrice cïAquapendente (1625) (1) est le premier fondateur
(1) De formalionc cnnalorum. — Oper, anat. Padoue. 162-5.
de l'embryogénie. D'après ses observations sur les oiseaux et les
mammifères il établit que le principe de la génération est un
œuf, et il a cru reconnaître que cet œuf préexiste dans l'ovaire,
ce qui est un grand fait pour l'époque. Du reste, il croit que
l'ovaire est fécondé par une émanation spiritueuse de la liqueur
du mâle. L'ovaire produit la matière de l'être, mais suivant l'idée
empruntée d'Aristote, c'est l'esprit séminal qui est la cause effi-
ciente de la génération, doué qu'il est de forces formatrices.
Harvey (i), élève de Fabrice, continue l'œuvre de son maître.
Comme résultat de ses recherches en grand nombre sur les biches
et les daims des parcs du roi d'Angleterre Charles Ier, il ose poser
l'axiome, devenu depuis si célèbre, que tout être vivant procède
d'un œuf. A côté de cette grande vérité il proclame une erreur
lorsqu'il dit que le fluide séminal ne fécondant que par son aura,
ne pénètre même pas dans la cavité de l'utérus.
Needham (2) développe plus complètement que Harvey le
principe de l'analogie de l'œuf des ovipares et des vivipares. 11
décrit assez complètement toutes les parties de l'œuf, signale
dans une ligne blanche le premier linéament de l'embryon et
pose, comme loi de son développement, qu'il se forme de dedans
en dehors, par une sortie de ses propres parties. Toutes ces ob-
servations et leurs résultats, confirmés par la science moderne,
assignent à leur auteur un rang élevé parmi les embryogénistes.
De Graaf(3) s'est immortalisé par la découverte de la vésicule
ovarienne à laquelle on a donné son nom. Dans ses figures il
montre ces vésicules qu'il croit être les œufs du testicule (ovaire)
de la femme. Il pense, comme ses prédécesseurs, que les œufs
préexistent dans l'ovaire; il exprime cette opinion, remarquable
alors, que l'œuf, après la fécondation, descend dans l'utérus par
les trompes.
Malpighi (1673) dont le génie observateur se rencontre par-
tout, signala chez les femelles de mammifères, après la copula-
tion, une altération de l'ovaire, et remarqua, chez l'une d'elles,
un corps ovale, jaune, où il crut avoir aperçu un œuf d'une pe-
titesse infinie. Dans ce fait Malpighi a-t-il effectivement découvert
un ovule dans sa vésicule ovarienne ou n'a-t-il vu que le sac
déchiré de cette vésicule que l'on nomme le corps jaune? On ne
peut rien prononcera ce sujet.—Du reste, Malpighi croit que
le germe de l'embryon préexiste dans l'œuf qui lui fournit ses
enveloppes et la matière nutritive.
Jusque-là tous les embryogénistes sont unanimes. Pour eux il
n'y a qu'un germe ou un premier rudiinentde l'être vivant, l'œuf,
el c'est dans la femelle qu'il existe. Toutefois l'intervention du
mâle est indispensable, dans la procréation, car sa liqueur pro-
lifique renferme un élément excitateur sans lequel le germe uni-
que de la femelle ou l'œuf, ne pouvant se développer en un
nouvel être vivant, demeurerait infécond.
Lcewenhoeck et HartsoeAer ('677) (4), comme résultat de re-
(1) ETcrr.iUition.es de qeneratione animalinm, 1&51.
(2) De formalo foelu, 1667.
(3) De mulieris generalioni intervient ibtis, 1671 •
(4) Omnes creatnrae mobili sive vivenii anima pi ocdiloc, dépendent a primo
eorum génère, cl ut melius dieam, dépendent ab animalculis vivis, sive îno-
vt ntibus, in seniinc vii ili ab origine crealtonis confeeiis.
(Leewenhocck, Cont. Epût., p ce.)