44
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
considérée comme une figure du Christ. Cette
interprétation a pour elle l’avantage d’être mieux
en harmonie avec la destination de l’objet destiné à
commémorer le grand drame de la Passion préfi-
guré par Isaac au moment où il va être immolé par
le Pèr.e des croyants. Pour les personnages de l’in-
térieur des volets, qu’on y voie l’image de Pierre et
de Jean, ou de Maur et de Timothée, tous ces
saints ont rendu témoignage au Christ par le mar-
tyre. Dans la partie trilobée proprement dite, se
trouvent deux anges à mi-corps, les ailes déployées.
Des feuillages d’un style conventionnel occupent
les espaces laissés libres par les figures.
Le reliquaire doit provenir d’un atelier mosan.
Il est apparenté, pour l’emploi des plaques émail-
lées et filigranées, avec un reliquaire provenant
d'une abbaye de la Meuse, qui a été vendu au fils
de feu M. le sénateur Vergauwen de Gand (i). On
peut encore le rapprocher, au point de vue du style
des figures, avec les groupes de la Châsse de Notre-
Dame, conservée à la cathédrale de Tournai et due
à Nicolas de Verdun.
Apparemment l’auteur du triptyque est beaucoup
moins habile, mais il est certain qu’il semble procé-
der de la même manière dans l’exécution des dra-
peries. Il y a, d’autre part, dans le modelé et dans
les attitudes, telle gaucherie, telle lourdeur, qui ne
permettent pas de l’attribuer à Nicolas de Verdun ;
l’œuvre procède d’un artiste appartenant à son
école.
Le grand charme de ce triptyque réside donc
oin s dans 1 perfection artistique des figures qu e
dans l’harmonie qui sè dégage de l’ensemble, et qui
fait de cet objet une œuvre hors ligne de l’art du
début du xine siècle sur les bords de la Meuse.
Jos. Destrée.
«G»
MAINS VOTIVES DU DIEU SABAZIUS.
E musée du Cinquantenaire possède deux mains
votives en bronze, dont l’interprétation a déjà,
à plusieurs reprises, mis à l’épreuve la sagacité des
archéologues (2). Elles tiennent toutes deux une
pomme de pin ; ont le pouce, l’index et le médius
étendus, tandis que l’annulaire et le petit doigt
(1) Voir Album des objets d’art religieux du Moyen Age
et de la Renaissance, exposés à Malines en 1864. Photo-
graphiés par J. Maes. Texte descriptif par M. W.-H. Ja-
mes Weale.
Ce reliquaire a quitté le pays. Il se trouve actuellement
dans la collection de M. Martin-Leroy.
(2) S. cfr. Schuermans, Bidletin des comm. d'art et
d’archéologie, 1873, p. 441, pl. V; Musée Ravestein,
n° 2297. ,
sont repliés sur la paume. L’une d’elle a, en outre,
le poignet entouré d’un serpent et est décorée de
divers symboles : tête de lion entre deux étoiles,
caducée, crotales et flûte, croissant lunaire, etc.
Ces bronzes énig-
matiques viennent
d'être rapprochés
d’une cinquantaine
d’autres analogues,
parM. Blinkenberg,
conservateur du mu-
sée de Copenha-
gue (3), et il a dé-
montré que tout ce
groupe d’ex-voto
doit être rattaché
aux mystères du Ju-
piter phrygien, Sa-
bazius. La main est
celle du dieu lui-
même et elle fait
un geste liturgique
de bénédiction et de
secours — geste qui
s’est perpétué dans
l’Église jusqu’à nos
jours. Les divers
emblèmes qui la dé-
corent s'expliquent
par les croyances et
les rites du culte
orgiaque pratiqué par les adorateurs de cette
divinité asiatique.
Or, l’une des deux mains votives de notre musée,
a été trouvée à Rumpst, sur le Rupel, en 1823, et
l’autre, qui fut acquise d’un amateur belge en 1875,
a probablement aussi été découverte dans notre
pays. D’ailleurs d’autres exemplaires proviennent
de Tournai (4), de Valenciennes et de Sedan, et
une statuette de Sabazius a été mise au jour à
Amiens. Comme M. Blinkenberg l’a fait ressortir,
cette série de trouvailles prouve, que sous l’em-
pire romain, les mystères phrygiens s’étaient lar-
gement répandus dans le nord de la Gaule. Peut-
être y avaient-ils été propagés par les troupes éta-
blies le long de la frontière du Rhin, peut-être des
esclaves orientaux, employés dans les exploitations
agricoles, leur avaient-ils servi de missionnaires.
F. C.
(3) Archeo/ogische Studien, 1904, pp. et 66 ss.
(4) Une statue d’Attis fut mise au jour en même
temps que cette main; mais une inscription mentionnant
un archigallus, qui est souvent citée d’après Orelli
(n° 3221), est falsifiée, cfr. CIL XIII, 3566.
MAIN VOTIVE DU
DIEU SABAZIUS.
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
considérée comme une figure du Christ. Cette
interprétation a pour elle l’avantage d’être mieux
en harmonie avec la destination de l’objet destiné à
commémorer le grand drame de la Passion préfi-
guré par Isaac au moment où il va être immolé par
le Pèr.e des croyants. Pour les personnages de l’in-
térieur des volets, qu’on y voie l’image de Pierre et
de Jean, ou de Maur et de Timothée, tous ces
saints ont rendu témoignage au Christ par le mar-
tyre. Dans la partie trilobée proprement dite, se
trouvent deux anges à mi-corps, les ailes déployées.
Des feuillages d’un style conventionnel occupent
les espaces laissés libres par les figures.
Le reliquaire doit provenir d’un atelier mosan.
Il est apparenté, pour l’emploi des plaques émail-
lées et filigranées, avec un reliquaire provenant
d'une abbaye de la Meuse, qui a été vendu au fils
de feu M. le sénateur Vergauwen de Gand (i). On
peut encore le rapprocher, au point de vue du style
des figures, avec les groupes de la Châsse de Notre-
Dame, conservée à la cathédrale de Tournai et due
à Nicolas de Verdun.
Apparemment l’auteur du triptyque est beaucoup
moins habile, mais il est certain qu’il semble procé-
der de la même manière dans l’exécution des dra-
peries. Il y a, d’autre part, dans le modelé et dans
les attitudes, telle gaucherie, telle lourdeur, qui ne
permettent pas de l’attribuer à Nicolas de Verdun ;
l’œuvre procède d’un artiste appartenant à son
école.
Le grand charme de ce triptyque réside donc
oin s dans 1 perfection artistique des figures qu e
dans l’harmonie qui sè dégage de l’ensemble, et qui
fait de cet objet une œuvre hors ligne de l’art du
début du xine siècle sur les bords de la Meuse.
Jos. Destrée.
«G»
MAINS VOTIVES DU DIEU SABAZIUS.
E musée du Cinquantenaire possède deux mains
votives en bronze, dont l’interprétation a déjà,
à plusieurs reprises, mis à l’épreuve la sagacité des
archéologues (2). Elles tiennent toutes deux une
pomme de pin ; ont le pouce, l’index et le médius
étendus, tandis que l’annulaire et le petit doigt
(1) Voir Album des objets d’art religieux du Moyen Age
et de la Renaissance, exposés à Malines en 1864. Photo-
graphiés par J. Maes. Texte descriptif par M. W.-H. Ja-
mes Weale.
Ce reliquaire a quitté le pays. Il se trouve actuellement
dans la collection de M. Martin-Leroy.
(2) S. cfr. Schuermans, Bidletin des comm. d'art et
d’archéologie, 1873, p. 441, pl. V; Musée Ravestein,
n° 2297. ,
sont repliés sur la paume. L’une d’elle a, en outre,
le poignet entouré d’un serpent et est décorée de
divers symboles : tête de lion entre deux étoiles,
caducée, crotales et flûte, croissant lunaire, etc.
Ces bronzes énig-
matiques viennent
d'être rapprochés
d’une cinquantaine
d’autres analogues,
parM. Blinkenberg,
conservateur du mu-
sée de Copenha-
gue (3), et il a dé-
montré que tout ce
groupe d’ex-voto
doit être rattaché
aux mystères du Ju-
piter phrygien, Sa-
bazius. La main est
celle du dieu lui-
même et elle fait
un geste liturgique
de bénédiction et de
secours — geste qui
s’est perpétué dans
l’Église jusqu’à nos
jours. Les divers
emblèmes qui la dé-
corent s'expliquent
par les croyances et
les rites du culte
orgiaque pratiqué par les adorateurs de cette
divinité asiatique.
Or, l’une des deux mains votives de notre musée,
a été trouvée à Rumpst, sur le Rupel, en 1823, et
l’autre, qui fut acquise d’un amateur belge en 1875,
a probablement aussi été découverte dans notre
pays. D’ailleurs d’autres exemplaires proviennent
de Tournai (4), de Valenciennes et de Sedan, et
une statuette de Sabazius a été mise au jour à
Amiens. Comme M. Blinkenberg l’a fait ressortir,
cette série de trouvailles prouve, que sous l’em-
pire romain, les mystères phrygiens s’étaient lar-
gement répandus dans le nord de la Gaule. Peut-
être y avaient-ils été propagés par les troupes éta-
blies le long de la frontière du Rhin, peut-être des
esclaves orientaux, employés dans les exploitations
agricoles, leur avaient-ils servi de missionnaires.
F. C.
(3) Archeo/ogische Studien, 1904, pp. et 66 ss.
(4) Une statue d’Attis fut mise au jour en même
temps que cette main; mais une inscription mentionnant
un archigallus, qui est souvent citée d’après Orelli
(n° 3221), est falsifiée, cfr. CIL XIII, 3566.
MAIN VOTIVE DU
DIEU SABAZIUS.