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BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
PETITE CHASSE PROVENANT DU
TRÉSOR DE L'ÉGLISE COLLÉGIALE
D'ANDENNE. (Suite et fin.)
APRES avoir établi les relations de parenté
que présente la petite châsse avec l’art irlan-
dais, il ne sera pas hors de propos de rechercher
s’il existe des exemplaires semblables dans les Iles
Britanniques.
Au témoignage de M. Ch. Read, directeur au
British Muséum, il
n’y a pas, en Angle-
terre, de châsse ana-
logue à celle d’An-
denne. A Dublin,
M. Buckley, conser-
vateur au Musée
national, eut l’ama-
bilité de me fournir
des données très in-
téressantes, ainsi que
d’excellentes photo-
graphies dont plu-
sieurs relatives à des
châsses irlandaises
de diverses époques.
La pièce du Musée
National qui offre le
plus d’analogie avec
celle d’Andenne
provient de Lough-
Erne (fig. 8). Elle a
la forme d’une petite
maison dont les com-
bles sont en pente douce. Le faîte est décoré
d’une pièce en relief, enrichie d’entrelacs de for-
mes variées, mais cependant régulières. La même
observation s’applique aussi aux médaillons circu-
laires décorant le versant et à ceux de la partie
supérieure.
Citons ensuite la châsse trouvée dans la rivière
Schamon, en Irlande, donnée au Musée d’antiqui-
tés d’Edimbourg par M. le professeur Duns. Elle
a souffert d’un séjour prolongé dans l’eau : le faîte,
le versant d’un petit côté et une partie des pièces
de revêtements pour les angles ont disparu 1 ; mais
les entrelacs qu’on aperçoit encore sont de bon
style, et il est permis, je crois, de la rapprocher de
celle de Lough-Erne. Elle est conçue dans une
note simple que nous ne constatons plus dans la
châsse irlandaise du Musée de Copenhague. Les
i. Catalogue of the National Muséum of antiquities of
Scotland, 1892, p. 289.
médaillons rapportés sont entourés d’entrelacs d’un
dessin très délié consistant en un seul motif.
Passons ensuite à la châsse de Monymusk, appar-
tenant à Sir A. Grant, à Monymusk (Ecosse), et
dont la confection est placée vers 900 après J.-C. 2.
Elle a une ordonnance analogue à celle du Musée
de Copenhague. Seulement, aux rinceaux se sont
mêlées des représentations d’animaux fantastiques.
Les divers spécimensquenous venons d’examiner
relèvent tous d’une tradition commune : ils affec-
tent la forme d’une maison ; ils sont décorés d’en-
trelacs sur l’amortis-
sement, ou bien ces
entrelacs servent
d’encadrement. Ces
objets sont, en outre,
revêtus, sur les sur-
faces lisses ou déco-
rées au trait, de pla-
ques rectangulaires
en médaillons dis-
coïdes, contenant,
les uns et les autres,
des motifs décora-
tifs, le plus souvent
des entrelacs ; les
angles sont recou-
verts de revêtements
en forme de tore ;
enfin, l’ouverture est
disposée sur le côté.
Ces productions
n’ont donc que des
analogies d’un carac-
tère général avec la
pièce d’Andenne et celle de Coire. Aussi est-ce
à bon droit que M. Buckley reconnaît « que la
petite châsse d’Andenne ressemble, dans plu-
sieurs de ses formes, à maintes châsses d’ateliers
irlandais et que sa décoration porte de fortes in-
fluences irlandaises. Les nœuds Stafford (Staf-
ford’s Knots) dans la partie inférieure du long côté,
appartiennent à une bonne période de l’art irlan-
dais ; au bout, les compartiments triangulaires
montrent des signes de décadence. Il n’est pas aisé
de dater exactement une pièce comme celle-ci.
Mais, dit notre estimable correspondant, je vou-
drais la placer plus tard que le vne siècle 3. »
M. Buckley ne conclut pas que la châsse sorte
2. Reproduit dans l’ouvrage de Romilly Alt, en s,
Early Christian Monuments of Scotland.
3. De plusieurs côtés, on avait cru pouvoir remonter
jusqu’au vu6 siècleet je m’étaisarrêtéégalementà cetavis;
mais force m’a été de renoncer à une conclusion qui
aurait rendu la châsse contemporaine de sainte Begge.
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
PETITE CHASSE PROVENANT DU
TRÉSOR DE L'ÉGLISE COLLÉGIALE
D'ANDENNE. (Suite et fin.)
APRES avoir établi les relations de parenté
que présente la petite châsse avec l’art irlan-
dais, il ne sera pas hors de propos de rechercher
s’il existe des exemplaires semblables dans les Iles
Britanniques.
Au témoignage de M. Ch. Read, directeur au
British Muséum, il
n’y a pas, en Angle-
terre, de châsse ana-
logue à celle d’An-
denne. A Dublin,
M. Buckley, conser-
vateur au Musée
national, eut l’ama-
bilité de me fournir
des données très in-
téressantes, ainsi que
d’excellentes photo-
graphies dont plu-
sieurs relatives à des
châsses irlandaises
de diverses époques.
La pièce du Musée
National qui offre le
plus d’analogie avec
celle d’Andenne
provient de Lough-
Erne (fig. 8). Elle a
la forme d’une petite
maison dont les com-
bles sont en pente douce. Le faîte est décoré
d’une pièce en relief, enrichie d’entrelacs de for-
mes variées, mais cependant régulières. La même
observation s’applique aussi aux médaillons circu-
laires décorant le versant et à ceux de la partie
supérieure.
Citons ensuite la châsse trouvée dans la rivière
Schamon, en Irlande, donnée au Musée d’antiqui-
tés d’Edimbourg par M. le professeur Duns. Elle
a souffert d’un séjour prolongé dans l’eau : le faîte,
le versant d’un petit côté et une partie des pièces
de revêtements pour les angles ont disparu 1 ; mais
les entrelacs qu’on aperçoit encore sont de bon
style, et il est permis, je crois, de la rapprocher de
celle de Lough-Erne. Elle est conçue dans une
note simple que nous ne constatons plus dans la
châsse irlandaise du Musée de Copenhague. Les
i. Catalogue of the National Muséum of antiquities of
Scotland, 1892, p. 289.
médaillons rapportés sont entourés d’entrelacs d’un
dessin très délié consistant en un seul motif.
Passons ensuite à la châsse de Monymusk, appar-
tenant à Sir A. Grant, à Monymusk (Ecosse), et
dont la confection est placée vers 900 après J.-C. 2.
Elle a une ordonnance analogue à celle du Musée
de Copenhague. Seulement, aux rinceaux se sont
mêlées des représentations d’animaux fantastiques.
Les divers spécimensquenous venons d’examiner
relèvent tous d’une tradition commune : ils affec-
tent la forme d’une maison ; ils sont décorés d’en-
trelacs sur l’amortis-
sement, ou bien ces
entrelacs servent
d’encadrement. Ces
objets sont, en outre,
revêtus, sur les sur-
faces lisses ou déco-
rées au trait, de pla-
ques rectangulaires
en médaillons dis-
coïdes, contenant,
les uns et les autres,
des motifs décora-
tifs, le plus souvent
des entrelacs ; les
angles sont recou-
verts de revêtements
en forme de tore ;
enfin, l’ouverture est
disposée sur le côté.
Ces productions
n’ont donc que des
analogies d’un carac-
tère général avec la
pièce d’Andenne et celle de Coire. Aussi est-ce
à bon droit que M. Buckley reconnaît « que la
petite châsse d’Andenne ressemble, dans plu-
sieurs de ses formes, à maintes châsses d’ateliers
irlandais et que sa décoration porte de fortes in-
fluences irlandaises. Les nœuds Stafford (Staf-
ford’s Knots) dans la partie inférieure du long côté,
appartiennent à une bonne période de l’art irlan-
dais ; au bout, les compartiments triangulaires
montrent des signes de décadence. Il n’est pas aisé
de dater exactement une pièce comme celle-ci.
Mais, dit notre estimable correspondant, je vou-
drais la placer plus tard que le vne siècle 3. »
M. Buckley ne conclut pas que la châsse sorte
2. Reproduit dans l’ouvrage de Romilly Alt, en s,
Early Christian Monuments of Scotland.
3. De plusieurs côtés, on avait cru pouvoir remonter
jusqu’au vu6 siècleet je m’étaisarrêtéégalementà cetavis;
mais force m’a été de renoncer à une conclusion qui
aurait rendu la châsse contemporaine de sainte Begge.