LE BRÉVIAIRE DE SIGISMOND DE LUXEMBOURG
II n’y a pas de recherche plus attrayanle pour ceux qui s’intéressent aux choses du
passé que de recueillir les vestiges des anciennes « librairies ». Reconstituer la biblio-
thèque d’un personnage historique, c’est pour ainsi dire retracer son portrait moral,
donner quelque précision aux renseignements, trop souvent vagues, qui sont lout ce qui
reste d’un nom illustre. Et ce n’est pas seulement le génie de leurs propriétaires
dont on peut se f'aire une idée par les livres qu’ils ont possédés. Mille scènes de
la vie contemporaine se déroulent dans les pages de ces manuscrits richement
enluminés et historiés. On y retrouve les physionomies, les mœurs et les costumes de
l’époque. (i’est du passé vivant. Enfin, à examiner de près ces décorations, ces images,
on y puise des renseignements précieux sur les influences intellectuelles et artistiques
qui inspiraient leurs auteurs. II ne sera donc peut-être pas sans intérêt de présenter
ici quelques documents sur les livres d’un prince, qui, eertes, semble un bien pauvre
amateur en face de ses cousins Charles V, Jean de Berry ou Philippe de Bourgogne.
PourtanL, ce sont de telles comparaisons qui donnent non seulement la juste mesure
de l’habileté des miniaturistes de la Erance, mais aussi de la supériorité de sa civili-
sation sur le reste de l’Europe.
* ¥■
Sigismond de Luxembourg, fils de Charles IV, empereur d’Allemagne ef roi d
Bohême, ful une des figures les plus curieuses de son temps. Après une jeunesse dis-
sipée, il épousa, en 1387, Marie d’Anjou, la dernière descendante des Anjou de Hon-
grie 1. Ce mariage le metlait à la fête d’un pays, qui, alors, était un des plus impor-
tants de la Chrétienté. Bientôt, sa femme mourut, etSigismond, jusque-là prince con-
sort, fut élu roi de Hongrie. Peu après, îl succéda à son frère Wenceslas dans la
dignité d’empereur d’AIlemagne el hérita également du royaume de Boheme.
Le goût du plaisir, une grande expérience de la vie, une indulgente sagesse mêlée
à beaucoup d’insouciance formaient Ie fond du caractère de c.e prince. II éfait doué
d’une vive intelligence. Pourtant, les cboses de l’esprit le préoccupaient moins que les
réalités. II avail avant tout l’amour du luxe.
En cela, d’ailleurs, il ne faisail que continuer les traditions de sa famille. Son père,
Charles IV, s’était efforcé d’attirer des maîtres français et italiens en Bohême. Son
1. On sait qu’une branche de ces cadets de lù-ance, établis à Naples, se transplanta en Ilongrie, et y régna
pendant deux générations.
II n’y a pas de recherche plus attrayanle pour ceux qui s’intéressent aux choses du
passé que de recueillir les vestiges des anciennes « librairies ». Reconstituer la biblio-
thèque d’un personnage historique, c’est pour ainsi dire retracer son portrait moral,
donner quelque précision aux renseignements, trop souvent vagues, qui sont lout ce qui
reste d’un nom illustre. Et ce n’est pas seulement le génie de leurs propriétaires
dont on peut se f'aire une idée par les livres qu’ils ont possédés. Mille scènes de
la vie contemporaine se déroulent dans les pages de ces manuscrits richement
enluminés et historiés. On y retrouve les physionomies, les mœurs et les costumes de
l’époque. (i’est du passé vivant. Enfin, à examiner de près ces décorations, ces images,
on y puise des renseignements précieux sur les influences intellectuelles et artistiques
qui inspiraient leurs auteurs. II ne sera donc peut-être pas sans intérêt de présenter
ici quelques documents sur les livres d’un prince, qui, eertes, semble un bien pauvre
amateur en face de ses cousins Charles V, Jean de Berry ou Philippe de Bourgogne.
PourtanL, ce sont de telles comparaisons qui donnent non seulement la juste mesure
de l’habileté des miniaturistes de la Erance, mais aussi de la supériorité de sa civili-
sation sur le reste de l’Europe.
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Sigismond de Luxembourg, fils de Charles IV, empereur d’Allemagne ef roi d
Bohême, ful une des figures les plus curieuses de son temps. Après une jeunesse dis-
sipée, il épousa, en 1387, Marie d’Anjou, la dernière descendante des Anjou de Hon-
grie 1. Ce mariage le metlait à la fête d’un pays, qui, alors, était un des plus impor-
tants de la Chrétienté. Bientôt, sa femme mourut, etSigismond, jusque-là prince con-
sort, fut élu roi de Hongrie. Peu après, îl succéda à son frère Wenceslas dans la
dignité d’empereur d’AIlemagne el hérita également du royaume de Boheme.
Le goût du plaisir, une grande expérience de la vie, une indulgente sagesse mêlée
à beaucoup d’insouciance formaient Ie fond du caractère de c.e prince. II éfait doué
d’une vive intelligence. Pourtant, les cboses de l’esprit le préoccupaient moins que les
réalités. II avail avant tout l’amour du luxe.
En cela, d’ailleurs, il ne faisail que continuer les traditions de sa famille. Son père,
Charles IV, s’était efforcé d’attirer des maîtres français et italiens en Bohême. Son
1. On sait qu’une branche de ces cadets de lù-ance, établis à Naples, se transplanta en Ilongrie, et y régna
pendant deux générations.