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Picot, Émile: Le cerf allégorique dans les tapisseries et les miniatures
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.36647#0071
LE CERF ALLÉGORIQUE
DANS LES TAPISSERIES ET LES MINIATURES
J'ai récemment consacré une notice à Jacques Le Lieur et à son livre d'heures que
les Bibliophiles normands ont fait reproduire par la pliototypie. Je me suis efforcé d'y
montrer que Le Lieur avait été un amateur éclairé ainsi qu'un opulent mécène, en rela-
tions avec les principaux poètes et les grands artistes de son temps. Il se plaisait en par-
ticulier à faire copier et enluminer des manuscrits, et j'ai pu en faire connaître quel-
ques-uns qui ont été certainement exécutés pour lui. Parmi ces manuscrits, il en est
un qu'il ne m'a pas été possible de revoir au moment où s'achevait mon travail, et dont
je n'ai parlé que dans des termes insuffisants et peu exacts : il s'agit du n° 379 du
fonds français de la Bibliothèque nationale. Ge beau volume, de très grand format,
se compose de deux parties : la première est un recueil de pièces palinodiques accom-
pagnées de miniatures ; la seconde est une suite de tableaux qui sont en réalité des
cartons de tapisseries. Ce sont ces cartons, et d'autres du même genre, que je me propose
de faire connaître dans l'étude qui va suivre.
Au commencement du xvV siècle, un poète mystique, peut-être un religieux, ima-
gina une série de sujets tirés de la chasse du cerf, qui est une allégorie de la vie humaine.
L'animal, c'est-à-dire l'homme, est poursuivi, dès son enfance et pendant toute sa vie,
par ses passions, par la maladie, par la vieillesse, jusqu'au jour où il paie son tribut à
la mort.
Cette allégorie n'a rien de commun avec la légende du cerf mystique dont parle
Hugues de Saint-Victor, du cerf qui est guéri de ses blessures s'il parvient à manger un
peu de dictame \ ni avec le cerf blanc ailé qui fut l'emblème du roi Charles VI et de
la maison de Bourbon -.
Le sujet convenait admirablement à un dignitaire ecclésiastique; aussi ne doit-on pas
être surpris de voir un abbé faire exécuter en tapisserie les allégories conçues par le
poète anonyme.
1. Voy. Migne, Pafrofoyia fafina, GLXXV1I, col. 574.
Guillaume Le Clerc parle dans son Bestiaire (éd. R. Reinsch, 1890, v. 2737 et suiv.) du cerf qui mange la
couleuvre. Le dictame, ou la couleuvre, représente la parole de Jésus-Christ qui guérit l'homme pécheur.
2. Sur le cerf blanc ailé on peut consulter un article que j'ai publié en 1911 dans le Bniietin de fa Société de
i'Aistoire Je Normandie; Noie sur une tapisserie à /iynres symbofiynes conservée an Jdnsée des ylMiiyuités de
Bonen.
Société française de reprodncfions de manuscrits à peintures, 1913.
S
DANS LES TAPISSERIES ET LES MINIATURES
J'ai récemment consacré une notice à Jacques Le Lieur et à son livre d'heures que
les Bibliophiles normands ont fait reproduire par la pliototypie. Je me suis efforcé d'y
montrer que Le Lieur avait été un amateur éclairé ainsi qu'un opulent mécène, en rela-
tions avec les principaux poètes et les grands artistes de son temps. Il se plaisait en par-
ticulier à faire copier et enluminer des manuscrits, et j'ai pu en faire connaître quel-
ques-uns qui ont été certainement exécutés pour lui. Parmi ces manuscrits, il en est
un qu'il ne m'a pas été possible de revoir au moment où s'achevait mon travail, et dont
je n'ai parlé que dans des termes insuffisants et peu exacts : il s'agit du n° 379 du
fonds français de la Bibliothèque nationale. Ge beau volume, de très grand format,
se compose de deux parties : la première est un recueil de pièces palinodiques accom-
pagnées de miniatures ; la seconde est une suite de tableaux qui sont en réalité des
cartons de tapisseries. Ce sont ces cartons, et d'autres du même genre, que je me propose
de faire connaître dans l'étude qui va suivre.
Au commencement du xvV siècle, un poète mystique, peut-être un religieux, ima-
gina une série de sujets tirés de la chasse du cerf, qui est une allégorie de la vie humaine.
L'animal, c'est-à-dire l'homme, est poursuivi, dès son enfance et pendant toute sa vie,
par ses passions, par la maladie, par la vieillesse, jusqu'au jour où il paie son tribut à
la mort.
Cette allégorie n'a rien de commun avec la légende du cerf mystique dont parle
Hugues de Saint-Victor, du cerf qui est guéri de ses blessures s'il parvient à manger un
peu de dictame \ ni avec le cerf blanc ailé qui fut l'emblème du roi Charles VI et de
la maison de Bourbon -.
Le sujet convenait admirablement à un dignitaire ecclésiastique; aussi ne doit-on pas
être surpris de voir un abbé faire exécuter en tapisserie les allégories conçues par le
poète anonyme.
1. Voy. Migne, Pafrofoyia fafina, GLXXV1I, col. 574.
Guillaume Le Clerc parle dans son Bestiaire (éd. R. Reinsch, 1890, v. 2737 et suiv.) du cerf qui mange la
couleuvre. Le dictame, ou la couleuvre, représente la parole de Jésus-Christ qui guérit l'homme pécheur.
2. Sur le cerf blanc ailé on peut consulter un article que j'ai publié en 1911 dans le Bniietin de fa Société de
i'Aistoire Je Normandie; Noie sur une tapisserie à /iynres symbofiynes conservée an Jdnsée des ylMiiyuités de
Bonen.
Société française de reprodncfions de manuscrits à peintures, 1913.
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