La chronique des arts et de la curiosité (1885)

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LA CHRONIQUE DES ARTS

conservateur du muse'e. M. Vernes d'Arlandes
est attaché au même musée à titre auxiliaire.

La Société centrale des architectes
vient de constituer son bureau et son conseil
pour Tannée 1885.
Ont été élus :

Président, M. Bailly, membre de l'Institut,
commandeur de la Légion d'honneur; vice-
président, M. Achille Herman; secrétaire
principal, M. Paul Wallon; secrétaire des
conférences, M. Eugène Monnier; secrétaire
rédacteur, M. Constant Bernard; archiviste,
M. Paul Sédille; trésorier, M. Lesoufaché;
censeurs, MM. Questel, membre de l'Institut;
Normand et Julien Hénard ; délégués au con-
seil, MM. Uchard, Rau'in, Lucien Etienne,
Duchâtelet, Edmond de Joly, Gaston Hénard,
Aldrophe, Rolland, Feydeau et Pascal.

Mme veuve Pépin, de Saint-Pierre-sur-
Dives, vient d'offrir au Musée de la Société
des Antiquaires, de Normandie, dont son mari
était un des membres les plus distingués, un
certain nombre d'objets qui offrent un véri-
table intérêt. Indépendamment d'un nombre
considérable de moulages de sceaux relatifs à
la Normandie, on remarque : une clef en fer,
une Vénus Anadyomène du type habituel en
terre blanche, un poignard en bronze très
orné et recouvert d'une belle patine, et un
petit vase également en bronze. Ces trois der-
niers objets proviennent des fouilles de Jort.

LES INDUSTRIES D'ART A L'ÉTRANGER

Au mois de mai dernier, M. Marius Vachon
a été chargé par M. Turquet, sous-secrétaire
d'Etat aux beaux-arts, d'une mission offi-
cielle pour étudier en Italie, en Autriche-
Hongrie et en Russie l'organisation des mu-
sées" et écoles d'art industriel et pour faire
une enquête sur la situation actuelle des in-
dustries artistiques de ces pays. A son retour,
M. Marius Vachon a adressé au ministère un
long rapport, qui va être imprimé et distri-
bué aux membres du Parlement. Nous pu-
blions un résumé de l'enquête à laquelle s'est
livré M. Vachon :

Dans tous les pays d'Europe, il se produit en
ce moment une grande et profonde agitation ar-
tistique : on crée des écoles, des musées, on dé-
veloppe renseignement du dessin et le goût pour
les œuvres d'art...

Cette renaissance nationale n'est pas circon-
scrite dans le domaine des dissertations platoni-
ques des historiens et des critiques d'art; elle est
entrée dans la période de l'application indus-
trielle et artistique. A Berlin, des rues nouvelles
entières nous en montrent la preuve, dans la
construction et la décoration des maisons, dans
les produits variés des industries d'art, notam-
ment de l'industrie du fer forgé, de la décoration
murale, de l'illustration des livres et de la pape-
terie, dont les produits inondent notre marché
et donnent lieu à un commerce d'importation

considérable. En Russie, l'architecture contem-
poraine a abandonné presque complètement les
types des arts classiques pour revenir à l'art
russe ; j'en ai cité de nombreux exemples dans
le chapitre consacré à ce pays. En Hongrie, les
patrons de plusieurs fabriques de céramique, qui
sont arrivé? à un chiffre d'affaires considérable et
qui importent annuellement en France pour plus
de 3 millions de produits artistiques, reconnais-
sent devoir cette prospérité à l'emploi des élé-
ments nationaux de formes et de décorations
dont ils tirent le plus heureux parti.

Tous les musées d'art et d'industrie donnent
dans leurs collections une grande place aux arts
industriels de l'Orient. Ils poursuivent en cela
deux buts : fournir aux artistes européens des
sources nouvelles d'inspirations et d études et
créer une industrie nationale d'exportation en
Orient. Depuis dix ans, l'Autriche a créé cette in-
dustrie, dont le musée oriental, fondé après l'Ex-
position de 1873, a été l'initiateur ; elle alimente
presque exclusivement aujourd'hui les provinces
danubiennes, la Turquie d'Europe, l'Asie occi-
dentale, où elle contre-balance et annule même
sur certains points l'exportation française, jadis si
prospère. La Russie qui, tous les jours, devient
de plus en plus une puissance asiatique, se préoc-
cupe avec activité de s'outiller industriellement
pour rendre tributaires de son commerce et de
son industrie tous ces pays nouveaux avec lesquels
elle a des affinités de traditions artistiques qui
rendent facile une rapide assimilation économique.
Elle trouve, en outre, dans l'étude de ces arts de
l'Orient d'où elle dérive si sensiblement des élé-
ments précieux pour un art national, pour la Re-
naissance qu'elle a l'ambition de produire chez
elle et de rendre éclatante. L'Allemagne ne se
désintéresse point de ce mouvement artistique de
l'Europe vers l'Orient; depuis quelques années ses
musées acquièrent aux prix même les plus élevés
toutes les collections artistiques orientales. Il
n'est point admissible, pour qui connaît l'esprit
pratique de ceux qui dirigent les musées que ces
acquisitions onéreuses aient été exclusivement
motivées par l'ambition de posséder des œuvres
d'art, à l'usage particulier des dilettantes et des
curieux. Nous possédons l'Indo-Chine, nous con-
quérons ie Tonkin, nous sommes en Annam, dans
le Cambodge, nous avons des relations constantes
avec le Japon, avec la Chine, et notre influence
commerciale, en dépit de la concurrence de l'Alle-
magne, de l'Autriche et de l'Angleterre, est encore
importante dans lAsie-Mineure et la Turquie. Nos
industriels et nos négociants ne considéreraient
point comme inutile et superflu un établissement
national où ils pourraient trouver sans frais, sans
pertes de temps, les types et les modèles des pro-
duits variés à importer avec bénéfices dans toutes
ces régions. C'est là le musée de Vienne qui rend
de si grands services à l'Autriche et qui a donné
naissance a toute une industrie nouvelle, consi-
dérable et prospère, qui enrichit ce pays.

En résumé, toutes les grandes nations du inonde
ont créé depuis dix et vingt ans des industries
nationales puissantes. Les pays qui paraissaient se
concentrer dans les évolutions politiques et socia-
les, comme l'Autriche, la Hongrie, l'Italie, la Rus-
sie, suivaient sans bruit ce mouvement immense.