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La chronique des arts et de la curiosité — 1885

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Nr. 39 (12 Décembre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.18474#0318
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LA CHRONIQUE DES ARTS

morié, en occupe le fond ; des tapisseries pen-
dent le long des murs, où une fenêtre à croi-
sée est percée à côté d'une imitation de l'ar-
moire de Noyon, publiée jadis par Didron
dans les Annales archéologiques.

Des poutres et un solivage apparent sou-
tiennent ce qu'il faut bien appeler le plafond.
Tout ceci est fort bien construit, par MM.
Robecchi et Amable : l'illusion de la fenêtre
ouverte par laquelle entrent des rayons de
lune, est complète; mais cette pièce est celle
d'un château du Nord et non d'un palais de
Burgos. Une cheminée àBurgosau xive siècle !
Nous aurions bien voulu en trouver une pen-
dant l'hiver de 18S3 où nous en étions réduit,
pour nous chauffer, au brasero allumé sous la
table de la salle à manger de l'hôtel, table
sous laquelle un tapis descendant jusqu'au sol
concentrait la chaleur.

Les trois tableaux du troisième acte se pas-
sent dans deux décors peints par MM. Rubé,
Chaperon et Jambon : un camp et l'intérieur
d'une tente.

Les Chrétiens, qu'un Boabdil quelconque
est venu provoquer à Burgos — car le vrai
Boabdil vivait au xve siècle—assiègent Cadix.
Ils ont fait du chemin ; mais pas assez cepen
dant pour s'avancer jusque sur les landes de
sable qui entourent la rade fermée par
l'isthme étroit qui aboutit au rocher sur
lequel la ville est bâtie, comme dans uue
île. Des pyramides de sel sont le seul relief
qui en accidente la surface. Mais fermer un
décor par un tas de sel, cela eût manqué de
pittoresque, et puis, le Trocadéro étant sur
une hauteur, à Paris, pourquoi n'en serait-il
pas de même à Cadix ? Où le duc d'Angoulême
aurait pu combattre, pourquoi le Cid n'aurait-
il pas campé ?

Enfin, le décor est fermé, à gauche, par une
éminence aux pentes escarpées sur lesquelles
deux ou trois tentes ont pu être assises, parmi
les agaves, et une pièce d'artillerie, immense
arbalète à percussion, est dressée au pied,
armée d'une grande flèche dirigée vers le fond
où bleuit durement une baude de mer. Des
tentes et des arbres ferment le décor à droite.

La tente où saint Jacques apparaît à Ro-
drigue a le grand avantage de venir et de s'en
aller à vue, et l'apparition est éclairée d'une
lumière assez discrète pour ne point acquérir
cette netteté de contours qui détiuit toute
illusion d'une apparence surhumaine.

Le quatrième acte, peint par M. J. Lavastre,
comporte deux décors.

Le premier est une chambre qu'éclaire une
grande fenêtre au fond. Les murs sont tendus
de tapisseries à personnages dont les sujets
sont empruntés aux peintures exécutées par
un artiste, chrétien probablement, mais Italien
assurément, à la fin du xive siècle, sur trois
petites coupoles des pièces qui entourent la
Cour des Lions à l'Alhambra.

Au-dessus des tapisseries règne une frise
sculptée composée de grands écus séparés
par des motifs d'architecture gothique, imi-
tation simplifiée des grands écus des rois ca-
tholiques, séparés par des figures d'anges, qui
décorent les parois du chœur de l'église de
Los Reies à Tolède; laquelle estduxvesiècle.

Le dernier tableau nous transporte dans
l'Alhambra. Rodrigue a vaincu à Cadix, et
c'est à Grenade qu'il est proclamé le Cid, et
que, doublement vainqueur, il vient à bout
des tergiversations de Chimène.

M. J. Lavastre, pour développer le cortège
obligatoire dans tout grand opéra qui se res-
pecte, a choisi la cour la plus grande qu'il ait
pu trouver dans le palais des rois maures.
Malheureusement une grande pièce d'eau en
occupe le centre 11 a pris sur lui de la dessé-
cher et de la combler ; puis il y a planté un
colossal figuier qui, cachant tout un côté de la
cour et le ciel, lui a permis : d'abord, d'ou-
vrir largement la coulisse en arrière afin d'y
masser les comparses du cortège, puis de
supprimer les bandes de ciel qui sont en gé-
néral d'un effet désagréable dans le décor. Ce
décor très brillant, étant éclairé à la lumière
électrique, le figuier porte naturellement om-
bre sur les personnages, qui passent sous ses
branches, et rompt ainsi la monotonie d'un
effet trop également lumineux.

M. J. Lavastre a d'ailleurs quelque peu mo-
difié l'architecture du Patio de la Alberca
pour emprunter à d'autres parties de l'Alham-
bra des détails nécessaires à la mise en scène
de l'action.

Si les décorateurs, à qui l'on semble avoir
imposé le xive siècle comme époque de l'ac-
tion du Cid, se sont maintenus assez exacte-
ment dans les limites imposées, le dessinateur
des costumes, M. le comte Lepic, a pris un peu
plus de libertés qu'eux. Nous ne lui reproche-
rons pas les costumes blancs ou noirs que
porte Chimène, et que Mme Fidés Devriès
pourrait porter pour aller chanter dans un
concert sans qu'elle fût différemment habillée
que les femmes qui l'écouteraient. Les femmes
de théâtre sont généralement rebelles à tout
ce qui n'est pas la mode du jour. L'Infante et
les dames des chœurs sont accoutrées à la
façon de l'Opéra, comme elles l'étaient dans
Françoise de Rimini, ou comme elles le sont
dans la Favorite.

Les hommes aussi rappellent par leurs cos-
tumes ceux de ces deux opéras, avec quelques
emprunts, pour la partie orientale, au Tribut
de Zarnora.

Mais nous voyons avec peine que l'on soit
sorti de la sobriété relative que M. Eugène
Lacoste avait su donner, du temps de Vau-
corbeil, à la tonalité générale des étoffes.
Chacun des costumes dessinés par M. Lepic
emploie toutes les couleurs de J'arc-en-ciel,
en outre d'un tas de dorures qui dessinent sur
plusieurs d'entre eux des volutes de ferron-
nerie d'un étrange effet.

Sans nous demander, comme vient de le
faire M. Francisque Sarcey , s'il ne serait
pas convenable d'habiller tous les figurants et
tous les comparses d'un même uniforme,,
comme ceux des ballets de l'Eden, afin de
former un fond neutre sur lequel se détache-
raient en valeur claire ou sombre les premier»
sujets, il nous est impossible de méconnaître
que la nouvelle direction de l'Opéra a négligé
la pratique des groupements par couleurs do-
minantes, de façon à former des masses et
des fonds présentant quelque calme.
 
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