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La chronique des arts et de la curiosité — 1910

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Nr. 14 (2 Avril)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19767#0118
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108

LA CHRONIQUE DES ARTS

CORRESPONDANCE DE ROME

LA « PASSE GIAT A ARCHEOLOGICA »

Du Palatin aux Thermes de Caracalla s’étend un
désert de gravats : on nivelle la Passegiata ar-
clieologica. Les journaux protestent, et voici pour-
quoi: Le 17janvier 1887, M. Guido Baccelliproposait
au Conseil municipal de PiOme d’unir « les monu-
ments antiques qui se trouvent dans la zone mé-
ridionale de la cité au moyen de jardins publics
et de gi-andes voies plantées d’arbres ». Ce projet
devint la loi du 14 juillet 1887, réduite, mais non
modifiée, par une autre loi de 1898. Il s’agissait
de tracer sur l’antique Via Triumphalis (via de
San Gregorio) une large avenue qui eût abouti à
un ensemble de jardins s’étendant du Cirque
Maxime aux murs de Rome, entre la porte Me-
trovia et la porte San Sébastian. Si l’on s’était
contenté d’empierrer ces routes que les pluies de
l’hiver changent en rivières de boue et d’où les sé-
cheresses de l’été soulèvent des nuées de pous-
sière, tout eût été pour le mieux ; mais l’idéal de
M. Baccelli était de doter Rome, pour la fatale
année 1911, d’une promenade « au moins deux fois
aussi grande que le Prater de Vienne » ; aussi,
pour faire de la place, on abattit le petit édifice
du quattrocento appelé « la Vignola », les cons-
tructions médiévales qui se dressaient aux envi-
rons de la porte Gapène, les deux portails de Gré-
goire XVI place San Gregorio, etc., puis on jeta
bas tous les arbres, lauriers et oliviers. On s’aper-
çut alors des bosses du terrain et on décida de le
niveler. Les journaux s’émurent. M. AngeloConti,
dans le Marzocco, appela la Passegiata « la plus
grande honte de la troisième Italie, le plus grand
méfait accompli depuis Alaric », et M. Diego An-
geli approuva l’intervention du Times contre une
« administration ignorante ». On se demande au-
jourd’hui si M. Baccelli épargnera la villa de
Bessarion et la petite place de San Giovanni in
Oleo. M. Boni, qui représentait à la Commission
le ministère de l'Instruction publique, a donné
bi’uyamment sa démission. 11 prétendait profiter
des travaux pour fouiller autour de l’arc de Cons-
tantin, pour rechercher le monument de Septime
Sévère, la porte Capène, le tombeau des Horaces,
l’hôtel d’Honos et Virtus, etc. La Commission, se
déclarant autonome, refusa d’écouter le délégué du
ministre. Le ministre s’adressa au Conseil d’Etat,
qui répondit : « Le ministre peut contrôler la
Commission, mais sans oublier que la loi de 1887
ne parle pas de fouilles, mais seulement de jar-
dins », et le Conseil souhaita la fin des travaux
pour l’année 1911. Comme M. Baccelli, il sacrifiait
l’art et la science aux trains de plaisir futurs.
Heureusement à M. Boni succède M. Lanciani,
qui reprendra ses projets. Mais que pourra-t-il
contre la Commission? Ce qui nous donne l’espoir
de jours meilleurs, c’est que les fonds manquent.
C'est aussi que, de notoriété publique, la fameuse
Exposition de 1911 ne sera pas prête en 1911. C’est
enfin que l’usine à gaz, pour obtenir de la ville
une somme plus forte, ne se presse pas de quitter
le Cirque Maxime. Tout cela ne.rendra pas la
« Vignola » ; c’est un paysage romain qui disparaît
après tant d’autres.

L. IL

CHRONIQUE MUSICALE

Concerts Lamoureux : Deux chœurs pour voix

d’enfants, paroles et musique de M. Roger-Du-

casse.

Naïveté.et raffinement tout ensemble se retrou-
vent ici, comme dans la Suite française. La sim-
plicité de l’idée musicale jointe à la complexité,
parfois très grande, de la réalisation matérielle :
ce mélange, décidément, est bien nécessité par la
nature même de M. Roger-Ducasse. Dans le pre-
mier chœur (Aux premières clartés de l'aube),
le résultat n’est peut-être pas tout à fait homo-
gène : des harmonies précieuses et rares, presque
trop imprévues, se détachent sur un fond uni et
tranquille; et les voix des jeunes garçons, au tim-
bre mordant, évoquant si bien le plein air et la
fraîcheur rustique, semblent un peu déconcertées
par les accords délicats et raffinés qui les accom-
pagnent. Mais sans doute le musicien a-t-il gardé,
devant ce tableau campagnard, sa sensibilité de
citadin; et,à tout prendre, mieux valait l’exprimer
sincèrement, comme il l’a fait, que de se composer
une âme artificiellement paysanne. Second chœur :
des petites filles jouent au « Joli jeu de furet » .
Tout de suite, nous sommes dans une atmosphère
de gaîté, de jeunesse insouciante, libre et mali-
cieuse. Par maintes trouvailles — harmonies,
rythmes, modulations — dont chacune est à sa
place, la scène exacte nous est évoquée, avec, en
outre, tout ce que la musique ajoute à la vue :
les mille nuances du sentiment, de la vie même.
Y arriver, comme l’a fait M. Roger-Ducasse, avec
cette aisance, ce naturel, cette vérité, cela est d’un
remarquable artiste, et d’un remarquable musi-
cien. Peut-être, à l’orchestre, l’attention est-elleun
peu distraite par un trop grand nombre de détails;
c'est un défaut qu’ont souvent les « jeunes ». Mais,
dans leur ensemble, ces œuvres sont de la plus
pure lignée française; c'est l’art de l’Ile de-France,
net, mesuré, concis, aisé et souple, avec l’élégance
de ne pas insister, et sachant user de moyens
choisis, précieux et raffinés, comme firent les
poètes de la Pléiade.

Ce n’est pas le lieu de parler en détail de la
technique de M. Roger-Ducasse. Mais on ne peut
omettre quelques mots sur cette écriture à la fois
harmonique — en ce que l’auteur sait apprécier
les accords pour leur propre sonorité — et con-
trapunctique, en ce que chaque partie d’instrument
est écrite très librement, suivant les principes do
Bach, sans placage, sans remplissage aucun :
comme une gravure où nul trait ne serait insigni-
fiant. Remarquons-le, pour défendre le Conserva-
toire que parfois on attaque à tort, M. Roger-Du-
casse, de qui le style musical est si sûr et si ex-
cellent, sort du vénérable établissement de la rue-
Bergère. Et avec lui en sortirent presque tous les-
meilleurs de nos jeunes musiciens, depuis MM.
Dukas, Magnard, Debussy, Gédalge, jusqu’à MM.
Rabaud, Enesco, Schmitt, Ravel... Le Conserva-
toire peut s'enorgueillir d’une riche moisson. Sans
doute on y enseigne la haïssable cantate, mais les
élèves ne sont pas obligés d’en écrire, on y peut
étudier toute autre sorte de composition. D’ailleurs,
répétons-le, il est à souhaiter que la cantate dis-
paraisse bientôt tout à fait; il faut qu’elle dispa-
 
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