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La chronique des arts et de la curiosité — 1910

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Nr. 32 (8 Octobre)
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LA CHRONIQUE DES ARTS

sarro; ainsi, les essais, d’une rare fraîcheur de
tons, par quoi M. Gaudissard entreprend de res-
taurer chez nous la technique de la fresque...
Autant de travaux dont la portée fût clairement
apparue si elle avait été soulignée par un place-
ment moins arbitraire. — A l’intention de la
Sorbonne, MUo Dufau a brossé deux panneaux;
ils ont charge de représenter la Géologie, la
Zoologie; comme dans les précédents ouvrages
de l'auteur, des nus clairs transparaissent parmi
les pâles effluves d’une atmosphère ambrée ;
selon l’habitude aussi, on aime l’harmonie des
nuances, le souple mouvement des figures, le
rapport judicieux de leur volume avec le pay-
sage de fond. La délicatesse n’exclut pas la
force dans ces peintures, et tout s'y trouve si bien
conçu en vue de leur incorporation à l’architec-
ture ambiante qu’elles semblent arrachées du cadre
qui les attend et qui les fera pleinement valoir.

Emile Gebhart a rapporté, d’après le prologue
du Décaméron, le « règlement » de la société ga-
lante qui s’en vint, oublier et fuir, dans le silence
des villas, sur les collines de Florence, les hor-
reurs de la peste de 1348. « Après le repas du
matin on chantait, on dansait, on errait dans les
prairies ; puis, à l’heure brûlante de midi, on
se quittait pour la sieste; vers trois heures on se
réunissait de nouveau sur un tapis d’herbes fleu-
ries et là, assis en cercle, au chant lointain des
cigales, pendant dix soirs d’été, les céxrobites de
cette douce Thélème racontèrent des histoires (1). »
Point de thème qui s’ajus’e mieux à la poé-
tique de M. Maurice Denis. L’heureuse for-
tune d’évoquer, sous le ciel d’Italie, les grâces
de la danse, le plaisir du chant et de la réci-
tation, les libres ébats des corps nus aux alen-
tours des pièces d’eau ! Ce sont, parmi les riants
décors de la campagne toscane, à l'ombre des
treilles, sous la voûte des feuillage», en regard
des colonnades de verdure, dans l’éclaircie des par-
terres, d’arcadiennes apparitions, vraisemblables
comme la vie, vagues comme le songe... Entre
ces scènes animées, où le geste léger se rythme
avec la cadence du flot, quatre paysages ont pris
place : la cime des montagnes échancre la nue ; des
pins se dressent et se massent ; les cyprès effilent
sur l’azur leur quenouille sombre ; le feuillage
argenté des oliviers tremble et bruit au souffle de
la bise. Telle est l’intensité du sentiment qu’il
saisit, enveloppe et conquiert, avant même que
la raison ait donné son consentement à la joie ; la
science se fait oublier à force de simplicité, de
naturel, d’aisance ; sans arrière-pensée et sans
réserve, l’âme s’abandonne et subit la troublante
emprise du charme ingénu et subtil.

Dès 1892, bien avant la représentation de* ballets
russes et la fondation du Théâtre des artistes de
Munich, on avait indiqué ce dont les arts
appliqués étaient déjà redevables aux « Symbo-
listes » et ce que le théâtre en pouvait attendre au
point de vue de la régénération de la mise en
scène, du costume et du décor. Le principe mémo
de leur esthétique les prédispose à réussir dans les
entreprises ornementales. Il aura fallu vingt ans
presque pour imposer l’évidence de ces constata-
tions. Et cependant voyez : non loin de M. Maurice
Denis, un artiste cultivé, doué du sens de l’unité,
M. J.-M. Sert s’est dépensé à peindre le péristyle

(1) Les Conteurs florentins, p. 78.

d'une salle de bal; les programmes étaient diffé-
rents, et il ne saurait, tant s’en faut, être question
d’échec ; combien cependant l’abondance d’invention
emprunte, pour se traduire, des voies moins person-
nelles et moins touchantes! La Fête de printemps de
M. Jaulmes va nous reporter aux recherches d’ar-
rangement aimées et bénéficier de leur sérénité ;.
la grandeur n’est pas exempte non plus des visions
d’automne de M. Peccatte. Un autre fondateur du
symbolisme, M. Pierre Bonnard, s’est tiré admira-
blement d’une tâche entre mille ingrate et difficile..
Requis d’illustrer les murs d’un salon meublé à
l’ancienne, il a fait courir des tentures où se
retrouve, pour notre plaisir, sous la fable des
allégories, une interprétation toute païenne du
nu, riche de volupté vive et d’esprit ; ces pan-
neaux procurent l’illusion de tapisseries ; mo-
dernes de conception, de facture, ils s’accor-
dent, par la vertu de la technique et le choix
des gammes voilées et discrètes, avec les objets
de vieux style au voisinage de quoi ils se trou-
vent obligés.

Il ne nous souvient pas que, en dehors de M.
Albert Marque, on ait invité les sculpteurs à cher-
cher la solution élégante de pareils problèmes ; leur
concours s’est trouvé peu sollicité par les ensem-
bliers. Deux statues de grande signification, la
Pomone de M. Maillol et le Carpeaux de M. Bour-
delle, sont des œuvres de musée ; l’originalité d’une
plastique s'y résume ; au surplus l’ascendant,
exercé par M. Maillol ne cesse pas de s’affirmer et
de grandir. — Malgré la participation essentielle
de Naudin, de Maxime Dethomas, des quatre Gazin,
deMmesOry-RobinetMaillaud, de MM. Pierre Roche,
René Kiefièr, Bastard, Hamm, Methey et Massoul,
les sections de la gravure, des dessins, des ohjets
d’art, du livre même (1) ne laissent pas de paraître
sacrifiées ; les ouvrages sont disposés de manière
à interdire toute vue d’ensemble ou n’intervien-
nent que comme accessoires. Tout s’accorde à
présager qu’un autre objet a distrait l’attention et
absorbé, à son profit, les énergies majeures.

Confronter les efforts réalisés chez nous et au
dehors en vue du progrès de l’art social, c’est —
nous l’avons indiqué naguère (2) — se mettre en
mesure de susciter les initiatives et de réveiller de
leur léthargie nos facultés engourdies. L’amour-
propre est si vif en France que le concours ne ces-
sera pas avant longtemps de demeurer un stimu-
lant infaillible. Sachons gré au Salon d’automne
d’avoir expérimenté, selon ses moyens, par un essai
en miniature, la valeur d’un projet de grande
conséquence. S’il a suffi de la participation d’une
ville et d’une poignée d’artistes étrangers pour 1 2

(1) Sauvons de l’oubli : les sculptures de MM.
Bouchard, Halou, Quillivic, Navellier, Bugatti,
Hœtger et de Mme F. Raphaël; les bois de MM.
Jacques Beltrand, Vibert, Laboureur, Francillon,
Dufy, Kandinsky, Hennie Rath ; les eaux-fortes
de MM. Paul Colin, Jacques Villon, Herscher,
Beaufrère, Simon, White, Dresa; les lithographies
de Mm* Gabain ; les dessins de MM. Jules Chéret,
Pascin, Fauconnet, Bernier, delà Fresnaye; les-
émaux de Mmo de Bodinat et MM. Jouliaud, Bian-
chet ; les céramiques de MM. Decœur, Lenoble,
Simmen Kordès et Durio.

(2) De l’art social et de la nécessité d’en assurer
le progrès par une exposition, les Idées mo-
dernes, janvier 1909, p. 46 et suiv.
 
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