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AVANT - PROPOS.
tirage des Vitraux se faisait attendre, au lieu de congédier son personnel, il traçait sur plu-
sieurs pierres des encadrements destinés à occuper ses apprentis jusqu’à la reprise du
travail principal L Ces feuilles se répandirent en grand nombre. C’était une nouveauté qui
faisait apprécier mieux l’utilité des pieuses formules accompagnées de la sorte. Sans trop
songer au texte, des amateurs les recueillaient comme curiosités d’ornementation; et tel
s’y abreuve aujourd’hui, qui ne connaît même pas l’origine du ruisseau où il se désaltère.
Ce fut alors qu’en ma présence, l’auteur aurait pu éprouver quelque sentiment d’amour-
propre, s’il eût seulement songé à autre chose qu’à sa besôgne. Celui qui faisait comme
fonction de contre - maître (M. Giniès), et qui était artiste, lui apportait l’une après
l’autre diverses pierres pour y crayonner sur ses genoux les compositions qui devaient
être ensuite reprises à la plume. Déjà une quinzaine de ces petits cadres avaient été
dessinés de tête, sans un instant de trêve; et l’auteur se prit enfin à dire: « En voilà
» bien assez pour cette fois, d’autant que je me trouve à court d’idées. » Le jeune élève
de l’École des beaux-arts partit d’un éclat de rire; et sur la demande qui lui fut faite du
sujet de son hilarité, il répondit : « Mais c’est qu’en vérité, sans aucun croquis sous les
» yeux pour diriger l’imagination, bien d’autres seraient à court d’idées en moins de temps;
» et vous me faisiez déjà l’effet de ces larges fontaines de Rome qui versent quasi une
» rivière infatigablement, en vertu d’anciens aqueducs exécutés ad hoc. » L’auteur ne
songea même pas, je pense, qu’il y eût là un témoignage rendu à sa curieuse fécondité ;
trop heureux de savoir qu’il n’était pas absolument ridicule, il prit son bréviaire pour se
promener de long en large dans son atelier, en maintenant le silence parmi son peloton
de petiLs aspirants lithographes.
Outre ces sentences et prières, parfois encadrées avec un talent peu commun, il dirigea
aussi des séries de gravures pieuses exécutées par Butavant (le plus souvent composées
par M. Gérard Séguin), et un commencement de Rosaire illustré (en lithographie, petit
in-folio) on quelques pages sont charmantes. Mais les dessins de ces compositions ne
sont point de lui A Le résultat fut sans contredit un mouvement de progrès bien
marqué dans l’imagerie religieuse, où l’influence du P. A. Martin est évidente pour
qui voudra être juste. Ce n’est pas que l’initiative en ce genre n’eût été prise déjà
(de 1825 à 1828) par le P. Delvaux, mais celui-ci n’avait agi que par conseils et encoura-
gements sur un seul artiste de Provence (M. Reinaud, d’Aix). Il restait donc beaucoup à
faire encore en 18/|0 ; et pour qui songe à ce qu’était l’imagerie de piété sous le premier
1. Si l’an de ses élèves témoignait quelque désir de
s’exercer en ce genre, le P. Artli. Martin l’y aidait; et plus
d’un s’en est.bien trouvé au bout de quelque temps.
2. Des Litanies de la sainte Vierge illustrées (comme on
dit) et expliquées par lui alors, ne doivent pas être con-
fondues avec une Vie de la sainte Vierge (petit in-folio),
où l’éditeur n’a pas été fâché de laisser croire que le
P. A. Martin avait approuvé ou même composé l’ornemen-
tation. Je sais fort bien qu’il n’en est rien du tout, et il ne
faut pas être grand connaisseur pour s’en convaincre
au premier coup d’œil. Le texte même, au moins pour la
dernière partie, a été retouché après la mort du P. Arthur,
qui s’était sans doute proposé de le remanier au dernier
moment.
AVANT - PROPOS.
tirage des Vitraux se faisait attendre, au lieu de congédier son personnel, il traçait sur plu-
sieurs pierres des encadrements destinés à occuper ses apprentis jusqu’à la reprise du
travail principal L Ces feuilles se répandirent en grand nombre. C’était une nouveauté qui
faisait apprécier mieux l’utilité des pieuses formules accompagnées de la sorte. Sans trop
songer au texte, des amateurs les recueillaient comme curiosités d’ornementation; et tel
s’y abreuve aujourd’hui, qui ne connaît même pas l’origine du ruisseau où il se désaltère.
Ce fut alors qu’en ma présence, l’auteur aurait pu éprouver quelque sentiment d’amour-
propre, s’il eût seulement songé à autre chose qu’à sa besôgne. Celui qui faisait comme
fonction de contre - maître (M. Giniès), et qui était artiste, lui apportait l’une après
l’autre diverses pierres pour y crayonner sur ses genoux les compositions qui devaient
être ensuite reprises à la plume. Déjà une quinzaine de ces petits cadres avaient été
dessinés de tête, sans un instant de trêve; et l’auteur se prit enfin à dire: « En voilà
» bien assez pour cette fois, d’autant que je me trouve à court d’idées. » Le jeune élève
de l’École des beaux-arts partit d’un éclat de rire; et sur la demande qui lui fut faite du
sujet de son hilarité, il répondit : « Mais c’est qu’en vérité, sans aucun croquis sous les
» yeux pour diriger l’imagination, bien d’autres seraient à court d’idées en moins de temps;
» et vous me faisiez déjà l’effet de ces larges fontaines de Rome qui versent quasi une
» rivière infatigablement, en vertu d’anciens aqueducs exécutés ad hoc. » L’auteur ne
songea même pas, je pense, qu’il y eût là un témoignage rendu à sa curieuse fécondité ;
trop heureux de savoir qu’il n’était pas absolument ridicule, il prit son bréviaire pour se
promener de long en large dans son atelier, en maintenant le silence parmi son peloton
de petiLs aspirants lithographes.
Outre ces sentences et prières, parfois encadrées avec un talent peu commun, il dirigea
aussi des séries de gravures pieuses exécutées par Butavant (le plus souvent composées
par M. Gérard Séguin), et un commencement de Rosaire illustré (en lithographie, petit
in-folio) on quelques pages sont charmantes. Mais les dessins de ces compositions ne
sont point de lui A Le résultat fut sans contredit un mouvement de progrès bien
marqué dans l’imagerie religieuse, où l’influence du P. A. Martin est évidente pour
qui voudra être juste. Ce n’est pas que l’initiative en ce genre n’eût été prise déjà
(de 1825 à 1828) par le P. Delvaux, mais celui-ci n’avait agi que par conseils et encoura-
gements sur un seul artiste de Provence (M. Reinaud, d’Aix). Il restait donc beaucoup à
faire encore en 18/|0 ; et pour qui songe à ce qu’était l’imagerie de piété sous le premier
1. Si l’an de ses élèves témoignait quelque désir de
s’exercer en ce genre, le P. Artli. Martin l’y aidait; et plus
d’un s’en est.bien trouvé au bout de quelque temps.
2. Des Litanies de la sainte Vierge illustrées (comme on
dit) et expliquées par lui alors, ne doivent pas être con-
fondues avec une Vie de la sainte Vierge (petit in-folio),
où l’éditeur n’a pas été fâché de laisser croire que le
P. A. Martin avait approuvé ou même composé l’ornemen-
tation. Je sais fort bien qu’il n’en est rien du tout, et il ne
faut pas être grand connaisseur pour s’en convaincre
au premier coup d’œil. Le texte même, au moins pour la
dernière partie, a été retouché après la mort du P. Arthur,
qui s’était sans doute proposé de le remanier au dernier
moment.