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Cahier, Charles; Martin, Arthur
Mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature (Band 3,1): Nouveaux mélanges ... sur le moyen âge : curiosités mysterieuses ; 1 — Paris, 1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.33620#0261
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BAS-RELIEFS MYSTERIEUX : BALE.

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on exécutait en Italie des coffrets d’ivoire représentant le récit d’Ovide1, entre autres.
Mais déjà la Renaissance avait assez mis en crédit les auteurs latins pour qu’on
n’altérât pas la narration du poète. A Bâle, on se gêne moins (chapiteau A-D); et le
jouvenceau devient une espèce de guerrier qui ne recule devant aucun péril de
chasse. Sauf ce détail, l’historiette suit à peu près la marche primitive. Thisbé, qui
s’est rendue dans un bosquet pour attendre son ami, voit venir une bête farouche,
et s’élance sur les branches d’un arbre pour éviter le péril. Le lion, faute de mieux,
saisit le voile (l’écharpe, si l’on veut; la guimpe, comme parlent les trouvères) tombé
sur le sol. Quand le jeune homme vient au rendez-vous, il reconnaît entre les
dents de l’animal cette partie d’une toilette qui ne lui est que trop connue. Le glaive
au poing, il veut d’abord venger la perte de s'amie; et semble en venir à bout, si
nous en jugeons par le lion qui trébuche sur la seconde face du chapiteau.
Cela ne lui rendait pas Thisbé, en somme. Après avoir donc assouvi sa vengeance, il
ne lui reste plus qu’à satisfaire son désespoir. Il se précipite alors sur son épée (fig. C).
La jeune fille, à son tour, arrive aussi trop tard; et ne voit rien de mieux à faire
que d’imiter l’exemple qu’elle a sous les yeux. Aussi, à la quatrième face du chapi-
teau (fig. D), nous la voyons qui s’enferre sur le corps même de Pyrame.
Il nous faudrait trouver quelque moralité à cette galanterie, pour comprendre ce
qu’on y pouvait voir de leçon chrétienne sur un monument ecclésiastique. Dans les
Romans du Renard, le héros adresse une lettre de déclaration à Hersent la louve ;
et pour l’émouvoir, il lui rappelle Tristan et Yseult, Pyrame et Thisbé2. Le même
renard, qui est personnage de ressource, prêche ailleurs un vilain disposé à se pendre,
et le dissuade de son projet de suicide3. Il lui fait Aroir que tout malheur n’est pas
sans remède, et que l’enfer attend ceux qui se donnent la mort. Aussi lui-même,
réduit à de tristes extrémités, est-il conduit au repentir par la peur et la raison qui
lui conseillent de calmer sa conscience en allant se confesser.
Je crois donc que l’on a voulu nous donner un exemple des funestes conséquences
ou peuvent aboutir les passions, qui semblent si douces tout d’abord4. La jeunesse
aveugle s’y laisse éblouir, pour n’avoir pas pris conseil ; car Ovide même nous
fait bien entendre que leur liaison s’est formée en cachette des parents de l’un et
de l’autre. Ainsi nous avons, pour le regard, la leçon adressée à l’esprit et au cœur
par un contemporain5.
« Beax fils, sui lion et dragon,
Ors, liepart et escorpion;
La male famé ne sui mie
Por lesange que l’en te die. »
Voici un jeune homme — je parle avec le statuaire et non plus avec Ovide — qui a

1. Cf. Trésor de glyptique: Ornements, IIe P., p. 17, sv.;
et pl. XXXIII-XXXV.
2. A. Rothe, les Romans du Renard, p. 401, sv.
3. Id., ibidp. 497-499.
4. M. Ferd. Piper, dans son livre intitulé Mythologie und
Symbolik der christlichenKunst (t. I, 1er Theil, p. 407, sv.),
n’arrive pas à des conclusions bien précises en voulant
expliquer ce chapiteau. 11 cite, sur le lion, des mémoires

allemands qui ne sont pas à ma disposition, et dont je ne
puis ni profiter, ni dire mon avis ; mais ce que j’ai vu en
ce genre n’était pas fait pour beaucoup encourager des
recherches ultérieures.
5. Petr. Alfonsi Disciplina clericalis (ed. Wilh. Val.
Schmidt, p. 47 et 122), cap. x : « Dixit quidam philoso-
» phus filio suo : Sequere scorpionem, leonem, draconem ;
» sed malarn fœminam ne sequaris. Alius : Ora Deum ut
 
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