Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
230

MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.

résolument abordé le roi des animaux1 ; il l’a même terrassé de son glaive. Celte force,
quelque redoutable qu’elle soit, le laisse sans résistance dès qu’il se regarde comme privé
delà jeune fille qu’il venait chercher au rendez-vous nocturne; et son épée ne lui est plus
bonne que contre lui-même. N’est-ce pas la pensée du chapiteau de Yézelay {supra, h. t.,
p. 200-202), où l’homme se tue en face de la femme luxurieuse? Vappétit concupiscible,
comme parle saint Thomas d’Aquin, a enflammé Xappétit irascible; et le cœur devient victime
des feux qu’il a laissés se nourrir en lui, au point de se fermer par le suicide tout retour
vers Dieu.
N’ayant pas visité la cathédrale de Bâle, je ne saurais dire s’il y a près de là des sirènes
(comme l’affirme M. Ferd. Piper, auquel je ne me fie qu’à moitié), ou si Pyrame et Thisbé
sont dans le voisinage des chapiteaux qui proclament la chute d’Adam et la fidélité
d’Abraham {supra, h. t., p. 166, sv. ; et p. 142, sv.). S’il en était ainsi, nos bas-reliefs mon-
treraient les diverses convoitises nées du péché originel et seraient une nouvelle expression
de ce qu’enseigne l’Esprit-Saint (Sap, n, 24, sq.) : « Dieu avait créé l’homme pour une vie
sans terme...; c’est par la jalousie du diable que la mort est entrée au monde; et ceux qui
prennent son parti continuent à être homicides. »
Voyons comment le chapiteau E-H (p. 231) se raccordera aux doctrines que nous avons
cru lire dans le précédent (A-D), et cherchons avant tout quel fait on voulait d’abord
montrer aux spectateurs. La moralité {znvpv9iov) doit dépendre du récit, sans doute, et la
donnée visible a son importance pour mettre sur la Amie de ce que le sculpteur prétendait
faire entendre sous le voile d’une histoire allégorique. L’histoire est-elle véritable ou
imaginaire? Ce n’est pas précisément la question. Ce qui ne saurait demeurer douteux,
c’est que le peuple devait pouvoir y lire un thème généralement connu ; sans quoi com-
ment supposer qu’on imaginât partir de l’inconnu, pour élever l’esprit du passant
à quelque doctrine plus haute que l’exposé matériel?
Cependant, pour mettre le doigt sur l’aventure précise que le statuaire de Bâle aura
voulu rappeler, il faudrait une connaissance du moyen âge, germanique surtout, à laquelle
je ne puis prétendre. L’Allemagne a plusieurs hommes dont j’aurais à prendre avis dans
ces matières, mais dont les études ne se sont pas assez tournées vers les monuments ecclé-
siastiques ou ne sont pas arrivées à ma connaissance; car beaucoup d’argent et de loisir

» te liberet ab omni ingenio nequam fœminarum; et tu,
» specie ejus ne decipiaris, tibi provide.»
Je me sers, dans le texte, delà traduction faite plus tard
par l’auteur français du Cliastoiement, et qui pouvait se
réclamer de l’Écriture sainte elle-même. L’éditeur berlinois
delà Disciplina clericalis s’en est fort bien aperçu, quand
il cite l’Ecclésiastique (xxv, 23) ; car Ecclesiast. est sûrement
l’erreur d’un homme peu accoutumé à nos indications
catholiques de la Vulgate: « Commorari leoni et draconi
» placebit, quam habitare cum muliere nequam... Brevis
» omnis malitia super malitiam mulieris, sors peccatorum
» cadat super illam. Etc.» Cf. ibid., 17-19.
Avec la rigueur du régime asiatique pour les femmes,
l’auteur hébreu pouvait restreindre presque entièrement
ses admonitions à l’homme marié ; parce que la femme en
puissance de mari n’était pas soumise, chez le peuple juif,
à la réclusion servile du harem ; mais, pour les nations
chrétiennes, il importait beaucoup que la jeunesse fût
mise particulièrement en garde contre les périls du genre

de vie que nos mœurs occidentales laissaient avec con-
fiance aux jeunes gens des deux sexes. Car la pucelle,
même simplement imprévoyante, peut être dangereuse
sans trop le vouloir au fond.
1, Le sculpteur de Bâle a placé un globe sous le pied
de la bête (Ae face du chapiteau). Cf. Mélanges, Ire série,
t. II, p. 107, note A5. Mais il ne faut pas dissimuler non
plus que ce prétendu globe impérial pourrait bien être
un souvenir de l’effroi causé au lion par un disque roulant.
Cf. Revue archéologique, avril 1851, p. 35, note 9.
De là était venue l’idée que cet animal redoutait le cri
des essieux ou des roues (jadis en forme de simples dis-
ques pleins). Cf. Mélanges, loc. cit.,p. 109, note ht. — Phi-
lippe de Thaun, ed. AVright, p. 78.
Il faut aussi tenir compte d’une confusion très-possible
entre le lion et le tigre. Or, ce dernier passait pour être
déçu par les chasseurs au moyen d’un globe de verre.
Cf. Mélanges, loc. cit., p. \lx 0-l/i2; et supra, h. i. (Bestiaire
arménien, § 35, p. 138.)
 
Annotationen