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Cahier, Charles; Martin, Arthur
Mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature (Band 3,1): Nouveaux mélanges ... sur le moyen âge : curiosités mysterieuses ; 1 — Paris, 1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.33620#0328
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29 h

MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.

les inventeurs de la métallurgie et de la musique instrumentale, on a bien pu imaginer
que Jubal s’était initié aux éléments de l’harmonie en écoutant les diverses sonorités
produites par les forgerons de son frère Tnbalcaïn. C’est aussi 'ce qu’adopte George
Eliot, dans sa légende poétique de Tubal, traduite récemment par la Revue britannique du
mois d’avril 1873. Au fond, ce souvenir biblique masque un peu trop Pythagore, qui
passe pour avoir déterminé les rapports mathématiques des intervalles musicauxl.
Il remarqua, près d’une forge, dit-on, que les sons dés marteaux donnaient la quarte,
la quinte et l’octave, et reconnut que les poids de ces marteaux étaient dans les rapports
de 3/4, 2/3 et 1/2. De là les calculs qui déterminent à priori l’harmonie des sons 2. Aussi
la légende tracée par notre] peintre porte-t-elle ce caractère scientifique d’un art qui
n’admettait pas les sens pour seuls juges :
« Invenere locum per me modulamina vocum. »
Observer consonnance et dissonance des sons simultanés (ou coexistants), les intervalles
quelconques des sons successifs dans une progression méthodique (ou gamme) acceptable,
c’est déjà quelque chose; le simple artiste y arrive. Mais chercher (trouver surtout) le
rapport des sensations de notre oreille avec des lois déterminables mathématiquement,
c’était s’élever bien plus haut, et pressentir un certain ordre de faits supérieurs,
préexistants à la nature humaine. Qui se préoccupait de pareils problèmes, se trouvait
conduit à l’idée d’un législateur; lequel, comme dit la Bible, a établi le monde matériel
sur le nombre, le poids et la mesure. Notre science moderne, qui voudrait n’être qu’expé-
rimentale et croit que ce lui serait un grand titre, trouve presque plaisants les aperçus de
Platon ou de saint Augustin, quand ces grands hommes s’efforcent de faire confiner la
musique à l’astronomie. Pythagore était aussi de ces rêveurs, et je pense qu’on peut lui
compter cela comme honneur véritable, parce qu’il cherchait la pensée divine dans les
œuvres qui ne frappent les esprits vulgaires qu’à titre de phénomènes tout bruts.
Quant aux forgerons, si l’on veut les faire intervenir en cette affaire, on a pu leur
attribuer la précision du rhythme ; et Tubalcaïn l’aurait déterminée pour ses apprentis, au
cas où l’on prétendrait lui faire une certaine part dans la musique. Cependant les batteurs
de semelle (je parle des écoliers qui se chauffent économiquement et en cadence régulière
par une coalition entre quatre, six ou huit camarades), qui sont probablement tout aussi
anciens, auraient droit de lui disputer cette invention.
A Auxerre, et dans plusieurs bas-reliefs, la Musique fait résonner un carillon. C’est

1. Cf. Revue archéologique, octobre 1857, p. A17, sv.
Nous allons ajouter quelques détails sur cette antique
observation, qui peut bien n’être pas connue de tous nos
lecteurs.
2. Cf. Boet., De musica, 1,10.
Le vieux philosophe n’a pas été oublié dans la peinture
du Vatican. On l’aperçoit frappant son enclume d’un air
pensif à droite de la scène, quoique presque tous les autres
assistants appartiennent à 'l’âge de la jeunesse. C’est qu’un
ancien a déclaré la musique peu propre à quiconque dé-
passe l’âge mûr. Pythagore est sans doute excusé comme
s’ occupant de théorie plus que de pratique. La science y
est son étude; et l’art, si tant est qu’il y songe, ne fait que
son moindre souci. Macrobe pareillement, aux temps des

Césars chrétiens, voulait grandir les origines de l’idolâ-
trie par la transcendance de son évhémérisme scientifique
et majestueux, bien que fort maigre en fait de bon sens et
d’histoire. Mais sur la musique ancienne, comme sur les
visées (héosophiques de l’idolâtrie primitive, nos rensei-
gnements ne vont pas loin. Ce ne serait que probité d’en
convenir avant tout.
Néanmoins, dans une espèce d’incunable que je vais
citer tout à l’heure pour la seconde fois, la Musique préside
ou surveille bien des joueurs d’instruments, parmi lesquels
est un moine. Mais celui-ci est au clavier de l’orgue;
et pareil emploi du talent musical n’a rien qui puisse
compromettre âge ou profession quelconque, parce qu’il
s’agit de rendre honneur à Dieu.
 
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