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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
Nul doute, eu fait, qu'artistes du moyen âge et Saints Pères, tant grecs que latins, nous
montrent les idoles d'Égypte annonçant par leur chute l'entrée du Verbe incarné sur ces
terres'. Mais ce ne doit pas être, comme on le voit, la pensée de Pémailleur pas plus que
du miniateur dont nous poursuivons le parallèle.
Il y a bien quelque chose de semblable dans le tableau de Huy (p. 1S8), quoique le cata-
logue n'en dise rien; c'est l'arbre qui se conforme, lui aussi, aux civilités de la ville envers
Notre-Seigneur. Si nous consultons l'historien Sozomène, nous aurons jusqu'au moyen de
nommer la cité qui s'incline devant le Fils de Dieu.
C'est Hermopolis de l'Égypte inférieure \ Traduisons les propres expressions [de l'histo-
rien, parlant des récits qui avaient cours au v° siècle dans son pays natal : a On raconte
qu'un arbre nommé Persea (yepci;, si je suis bien renseigné) existait
près d'Hermopolis de Thébaïde^; et que son bois, sa feuille, ou quelque peu de son écorce,
étaient employés contre les maladies. L'origine en était, dit-on chez les Egyptiens, dans la
venue de Joseph qui avait visité cette ville avec le Christ et la sainte Mère de Dieu lors-
qu'ils fuyaient la persécution d'Hérode. Comme il allait y entrer, cet arbre très-élevé, planté
près de la porte d'Hermopolis, ne put résister à la vue de Jésus-Christ, et se courba jusqu'à
terre pour l'adorer. Je l'ai dit en cet endroit, pour l'avoir entendu raconter par bien des
gens. Mon avis est que ce fut vraiment un hommage rendu à la présence divine ; ou que
cet arbre, honoré par les païens à cause de son élévation et de sa beamé, trembla avec le
démon qu'on y adorait, à la venue de celui qui devait renverser les idoles. C'est ce qu'avait
ment, etc. Je pouvais, par exemple, faire mine de recon-
naître ici un arbre fruitier (cerisier, disaient nos bons aieux),
qui se sera courbé pour satisfaire une de Notre-Dame
enceinte; en quoi saint Joseph aurait eu moins de condes-
cendance que n'en a l'Espagne pour les awtojos [des dames.
11 se rencontre même plus d'une jolie miniature à ce sujet,
que j'ai sous la main en écrivant ces lignes. C'est pourtant
une jouissance dont mes lecteurs et moi nous sèvrerons au-
jourd'hui; attendu que, si l'érudition peut être méritoire ou
curieuse, le bon sens est plus pressé de beaucoup. Citer,
même surabondamment, ne vaut que sur raison acceptable;
et rien ici ne demande qu'on fasse montre de textes qui se-
raient pure parade, se glissant sous air d'explication vrai-
ment inadmissible dans l'espèce. Comme disait l'ancienne
Grèce : K H faut savoir se taire si l'on n'a pas à présenter
quelque chose de mieux que le silence. H Or le silence va
bien là où les phrases n'ont que faire, fussent-elles escortées
d'un convoi scientifique à longue queue.
i. Ne citons guère, en chose si connue, qu'un fragment de
vitrail ancien à Châlons-sur-Marne (Vitraux de Bourges,
Æfade AM, flg. B), où cela était représenté. On le voit encore
dans une verrière de l'abside de Sens (ibid., XV et
XVI). Quant aux textes, il était à peu près reçu que cela
répondait à la prophétie d'Isaïe (xix, 1) : K Ecce Dominus
ascendet super nubem levem, et ingredietur Ægyptum, et
commovebuntur simulacra Ægypti a facie ejus; etc. x Aussi
le prophète et ses paroles se reconnaissent-ils encore dans
le fragment de verrière que je viens de citer.
Sozomène et Honorius d'Autun, pour nommer des Latins et
des Grecs entre autres, répètent ce dire commun dans deux
passages que je vais avoir occasion de citer à l'instant. Cf.
Petr. Comestor., fféstor. scMasA'c. (Lugdun. 1826, fol.
cLxxxvii, v°L — Pseudo-evangel. infantiæ Servatoris, cap. x,
sq. (ap. Thilo, Cod. apocn/p7t. AL T-, p. 74-77. — Schade,
LU. de fyanMa Manæ e% C/trlsA, p. 38, sq.; et p. 2, sq.
Supposé que le rédacteur de cette partie du catalogue fût
un Belge, il aurait bien dû songer à Molanus, fflséor. es. fma-
pî'MMïM (éd. Paquot), IV, 19. Là, les apocryphes ont peu de
place; et ce n'en vaut pas moins.
Quel que soit, du reste, le vrai fondement historique de
ces récits, ils répondaient à un symbolisme fort ancien par-
mi les écrivains ecclésiastiques; et qu'Honorius d'Autun ré-
sumait ainsi dans son SpecalMm Æccleslæ (fol. 31, Sermo de
iw:oce?dî&Ms) :
« Christus in Ægyptum ducitur,
Quod tenebræ dicitur;
Quia de Synagoga migrât,
D'autres pourtant ont voulu y voir aussi l'annonce de cette
vie contemplative qui poussa d'abord ses racines les plus
profondes, et développa ses rameaux les plus touffus sur le
sol égyptien, par la multitude de Pères du désert qui le cou-
vrirent dès l'époque des persécutions.
2. Sozom., fiés A eccfes., libr. V, cap. 21. Nous n'avons ici
nul besoin des apocryphes, encore une fois; puisque Sozo-
mène affirme avoir appris ce fait par le souvenir populaire
encore vivant sur les lieux mêmes, et répandu dans la Terre
sainte où notre auteur était né.
3. Je n'ai pas à prendre parti entre les diverses Ilermopo-
lis égyptiennes qui se disputaient l'honneur d'avoir possédé
la sainte famille pendant son exil. Est-ce Dcmenhour ou
Aschmoun, ffermopoHs pnrua ou magna, etc.? Une châsse des
bords de la Meuse (ou du Bosphore) n'impose pas tant d'exi-
gence; et des lecteurs qui cherchent ici du moyen âge chré-
tien, pourraient me savoir mauvais gré de n'importe quelle
excursion dans l'Égypte d'Auguste ou des Ptolémées.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
Nul doute, eu fait, qu'artistes du moyen âge et Saints Pères, tant grecs que latins, nous
montrent les idoles d'Égypte annonçant par leur chute l'entrée du Verbe incarné sur ces
terres'. Mais ce ne doit pas être, comme on le voit, la pensée de Pémailleur pas plus que
du miniateur dont nous poursuivons le parallèle.
Il y a bien quelque chose de semblable dans le tableau de Huy (p. 1S8), quoique le cata-
logue n'en dise rien; c'est l'arbre qui se conforme, lui aussi, aux civilités de la ville envers
Notre-Seigneur. Si nous consultons l'historien Sozomène, nous aurons jusqu'au moyen de
nommer la cité qui s'incline devant le Fils de Dieu.
C'est Hermopolis de l'Égypte inférieure \ Traduisons les propres expressions [de l'histo-
rien, parlant des récits qui avaient cours au v° siècle dans son pays natal : a On raconte
qu'un arbre nommé Persea (yepci;, si je suis bien renseigné) existait
près d'Hermopolis de Thébaïde^; et que son bois, sa feuille, ou quelque peu de son écorce,
étaient employés contre les maladies. L'origine en était, dit-on chez les Egyptiens, dans la
venue de Joseph qui avait visité cette ville avec le Christ et la sainte Mère de Dieu lors-
qu'ils fuyaient la persécution d'Hérode. Comme il allait y entrer, cet arbre très-élevé, planté
près de la porte d'Hermopolis, ne put résister à la vue de Jésus-Christ, et se courba jusqu'à
terre pour l'adorer. Je l'ai dit en cet endroit, pour l'avoir entendu raconter par bien des
gens. Mon avis est que ce fut vraiment un hommage rendu à la présence divine ; ou que
cet arbre, honoré par les païens à cause de son élévation et de sa beamé, trembla avec le
démon qu'on y adorait, à la venue de celui qui devait renverser les idoles. C'est ce qu'avait
ment, etc. Je pouvais, par exemple, faire mine de recon-
naître ici un arbre fruitier (cerisier, disaient nos bons aieux),
qui se sera courbé pour satisfaire une de Notre-Dame
enceinte; en quoi saint Joseph aurait eu moins de condes-
cendance que n'en a l'Espagne pour les awtojos [des dames.
11 se rencontre même plus d'une jolie miniature à ce sujet,
que j'ai sous la main en écrivant ces lignes. C'est pourtant
une jouissance dont mes lecteurs et moi nous sèvrerons au-
jourd'hui; attendu que, si l'érudition peut être méritoire ou
curieuse, le bon sens est plus pressé de beaucoup. Citer,
même surabondamment, ne vaut que sur raison acceptable;
et rien ici ne demande qu'on fasse montre de textes qui se-
raient pure parade, se glissant sous air d'explication vrai-
ment inadmissible dans l'espèce. Comme disait l'ancienne
Grèce : K H faut savoir se taire si l'on n'a pas à présenter
quelque chose de mieux que le silence. H Or le silence va
bien là où les phrases n'ont que faire, fussent-elles escortées
d'un convoi scientifique à longue queue.
i. Ne citons guère, en chose si connue, qu'un fragment de
vitrail ancien à Châlons-sur-Marne (Vitraux de Bourges,
Æfade AM, flg. B), où cela était représenté. On le voit encore
dans une verrière de l'abside de Sens (ibid., XV et
XVI). Quant aux textes, il était à peu près reçu que cela
répondait à la prophétie d'Isaïe (xix, 1) : K Ecce Dominus
ascendet super nubem levem, et ingredietur Ægyptum, et
commovebuntur simulacra Ægypti a facie ejus; etc. x Aussi
le prophète et ses paroles se reconnaissent-ils encore dans
le fragment de verrière que je viens de citer.
Sozomène et Honorius d'Autun, pour nommer des Latins et
des Grecs entre autres, répètent ce dire commun dans deux
passages que je vais avoir occasion de citer à l'instant. Cf.
Petr. Comestor., fféstor. scMasA'c. (Lugdun. 1826, fol.
cLxxxvii, v°L — Pseudo-evangel. infantiæ Servatoris, cap. x,
sq. (ap. Thilo, Cod. apocn/p7t. AL T-, p. 74-77. — Schade,
LU. de fyanMa Manæ e% C/trlsA, p. 38, sq.; et p. 2, sq.
Supposé que le rédacteur de cette partie du catalogue fût
un Belge, il aurait bien dû songer à Molanus, fflséor. es. fma-
pî'MMïM (éd. Paquot), IV, 19. Là, les apocryphes ont peu de
place; et ce n'en vaut pas moins.
Quel que soit, du reste, le vrai fondement historique de
ces récits, ils répondaient à un symbolisme fort ancien par-
mi les écrivains ecclésiastiques; et qu'Honorius d'Autun ré-
sumait ainsi dans son SpecalMm Æccleslæ (fol. 31, Sermo de
iw:oce?dî&Ms) :
« Christus in Ægyptum ducitur,
Quod tenebræ dicitur;
Quia de Synagoga migrât,
D'autres pourtant ont voulu y voir aussi l'annonce de cette
vie contemplative qui poussa d'abord ses racines les plus
profondes, et développa ses rameaux les plus touffus sur le
sol égyptien, par la multitude de Pères du désert qui le cou-
vrirent dès l'époque des persécutions.
2. Sozom., fiés A eccfes., libr. V, cap. 21. Nous n'avons ici
nul besoin des apocryphes, encore une fois; puisque Sozo-
mène affirme avoir appris ce fait par le souvenir populaire
encore vivant sur les lieux mêmes, et répandu dans la Terre
sainte où notre auteur était né.
3. Je n'ai pas à prendre parti entre les diverses Ilermopo-
lis égyptiennes qui se disputaient l'honneur d'avoir possédé
la sainte famille pendant son exil. Est-ce Dcmenhour ou
Aschmoun, ffermopoHs pnrua ou magna, etc.? Une châsse des
bords de la Meuse (ou du Bosphore) n'impose pas tant d'exi-
gence; et des lecteurs qui cherchent ici du moyen âge chré-
tien, pourraient me savoir mauvais gré de n'importe quelle
excursion dans l'Égypte d'Auguste ou des Ptolémées.