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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
mot ou même est employé parfois pour indiquer l'amict qui retombait
sur les épaules en dehors de l'aube * comme on le voit fréquemment dans les peintures et
sculptures du moyen âge. Aussi bien, ce n'est pas merveille que l'on ait employé plusieurs
noms pour un insigne qui a passé par diverses formes sans presque jamais se fixer. On
chercha peut-être d'abord à imiter tant soit peu les vêtements des prêtres de l'ancienne loi;
et, de fait, saint Thomas d'Aquin lui-même, sans se piquer habituellement des longueurs
que se permettent beaucoup de liturgistes, se croit presque obligé à comparer les ornements
du grand prêtre avec ceux de l'évêque L
Chez lui comme ailleurs, tout cela s'accompagne de symbolisme beaucoup plus que d'é-
claircissements décisifs sur la forme réelle. Plusieurs archevêques surtout crurent se devoir
une certaine conformité avec le grand-prêtre comme nous le peint Moïse h Et dans les ratio-
naux ou surhuméraux d'Eichstædt, on remarque fréquemment le désir d'imiter les clo-
chettes et les petites grenades (Exod. XXVIII, sq.; XXXIX) queportait Aaron. Les concessions
papales font allusion aussi à diverses prescriptions du Lévitique * ; mais tout cela est du
pieux symbolisme qui peut nous édifier beaucoup plus que nous éclairer sur les véritables
origines. L'oranttw ou omop/torm??? des évêques grecs lui-même a son analogue dans les
costumes civils que montrent souvent les diptyques, comme l'a fait remarquer depuis long-
temps le P. Alexandre Wiltheim à propos du diptyque de Liège et les peintures byzantines
présentent assez fréquemment, même chez les gens du peuple, quelque chose comme le
surhuméral qui nous occupe L On l'a pu remarquer à diverses reprises dans les miniatures
du Niedermünster de Ratisbonne, surtout dans la toilette des vertus qui entourent la sainte
Vierge (ci-dessus t. I, p. 23). Gomme pour les simples laïques la mode n'a pas laissé que d'y
entrer chez les évêques, et le po/Ai/Aa/ d'Eichstædt suffirait seul à montrer plusieurs varia-
tions. J'en ai donné trois principales dans les cAy W. (p. 375) ; et l'on enverra
bien d'autres encore, quoique je n'épuise pas cette galerie de miniatures historiques b
La variété à un seul fanon ^ ou pendant (par devant et par derrière) était plus favorable à
l'anachronisme ! ) que tes dames du paiais byzantin revê-
taient dans ia garde-robe impériale pour leur service à la
cour. Malgré les perles et pierreries, cela demeura aux mains
des Vénitiens jusque vers la fin du xvnF siècle; et nous au-
rions pu y trouver des renseignements utiles pour l'histoire
du SHf/wmara! comme pièce de toilette. Mais quand la reine
de l'Adriatique fut rétrocédée à l'Autriche par la France, il
ne se rencontra plus trace de ce curieux vestiaire. Nous en
sommes donc réduits à des conjectures approximatives qui
n'ont désormais pour base que certains faits détachés, dont
la liaison no s'établirait pas sans textes fort discutables.
Autant vaut, peut-être, s'abstenir de dissertations embrouil-
lées qui ne conduiraient qu'à un doute sans issue.
1. Giorgi, 1. cit.,p. 127. — Glossary ofecclesiastical orna-
ment (1868), p. 220. — Bona, ed. Sala, t. H, p. 219, sq. —
Garnier, G eff-, p. 337.
2. Cf. Summ. P. 111, q. XL, art. vu ad 6. — Isidor. în Ææod.,
cap. Lix (Opp. t. V, 405, sq.) ; et Ætyynot. libr. XIX, cap. xxt
(t. IV, p. 447).
3. Reims semble avoir eu [cette prétention, entre autres
églises. Cf. Tarbé, Trésor des églises de Reims, p. 146, sv. —
Tourneur, VttmMæ de Reims, p. 49. — Etc.
Mais ce pourrait bien n'être que la trace d'une époque où
chacun pensait pouvoir tirer à soi des distinctions plus ou
moins imitées de l'Ancien Testament, parce qu'une coutume
définitive n'avait pas encore fixé les signes de distinction
hiérarchique.
Au commencement du xm" siècle, Sicard, évêque de Cré-.
mono (Mltmle, 11, 5) parait encore douter si l'éphod et le ra-
tional hébreux correspondent à l'amict que l'aube recouvre
presque entièrement. Puis, dans le même chapitre, il revient
au rational comme ornement porté sur la chasuble ; mais
sans avoir l'air de le réserver aux prélats, ni surtout aux ar-
chevêques.
4. Cf. Chapeaville, Geste pontifenm leodMnsMtm, t. H,
p. 99, sq.
5. Cf. Gori, Pltesewr. dlptycAornm, t. 1, p. 10, sq.
6. Cf. Willemin, Afonnments français..., t. ï, pl. 14; et
texte, p. 8. — D'Agincourt, Peinture, pl. Lxxxiv, n° 3; etc.
7. Un saint Damase que j'ai déjà cité (Cf. Aug. de Bas-
tard, mémoire sur les crosses, p. 495), d'après des minia-
tures du xi" siècle, porte en manière de pallium quelque
chose qui ressemble à l'une des formes historiques du su-
perhuméral tel que nous allons le voir dans les peintures
d'Eichstædt.
8. Fanon, qui ne se dit plus guère que pour la mitre en
fait de vêtements ecclésiastiques, désignait jadis même le
manipule, alors réduit à peu près à la largeur d'un ruban.
On peut s'en apercevoir ici même pour la figure B (p. 189)
où cette forme est très-sensible.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
mot ou même est employé parfois pour indiquer l'amict qui retombait
sur les épaules en dehors de l'aube * comme on le voit fréquemment dans les peintures et
sculptures du moyen âge. Aussi bien, ce n'est pas merveille que l'on ait employé plusieurs
noms pour un insigne qui a passé par diverses formes sans presque jamais se fixer. On
chercha peut-être d'abord à imiter tant soit peu les vêtements des prêtres de l'ancienne loi;
et, de fait, saint Thomas d'Aquin lui-même, sans se piquer habituellement des longueurs
que se permettent beaucoup de liturgistes, se croit presque obligé à comparer les ornements
du grand prêtre avec ceux de l'évêque L
Chez lui comme ailleurs, tout cela s'accompagne de symbolisme beaucoup plus que d'é-
claircissements décisifs sur la forme réelle. Plusieurs archevêques surtout crurent se devoir
une certaine conformité avec le grand-prêtre comme nous le peint Moïse h Et dans les ratio-
naux ou surhuméraux d'Eichstædt, on remarque fréquemment le désir d'imiter les clo-
chettes et les petites grenades (Exod. XXVIII, sq.; XXXIX) queportait Aaron. Les concessions
papales font allusion aussi à diverses prescriptions du Lévitique * ; mais tout cela est du
pieux symbolisme qui peut nous édifier beaucoup plus que nous éclairer sur les véritables
origines. L'oranttw ou omop/torm??? des évêques grecs lui-même a son analogue dans les
costumes civils que montrent souvent les diptyques, comme l'a fait remarquer depuis long-
temps le P. Alexandre Wiltheim à propos du diptyque de Liège et les peintures byzantines
présentent assez fréquemment, même chez les gens du peuple, quelque chose comme le
surhuméral qui nous occupe L On l'a pu remarquer à diverses reprises dans les miniatures
du Niedermünster de Ratisbonne, surtout dans la toilette des vertus qui entourent la sainte
Vierge (ci-dessus t. I, p. 23). Gomme pour les simples laïques la mode n'a pas laissé que d'y
entrer chez les évêques, et le po/Ai/Aa/ d'Eichstædt suffirait seul à montrer plusieurs varia-
tions. J'en ai donné trois principales dans les cAy W. (p. 375) ; et l'on enverra
bien d'autres encore, quoique je n'épuise pas cette galerie de miniatures historiques b
La variété à un seul fanon ^ ou pendant (par devant et par derrière) était plus favorable à
l'anachronisme ! ) que tes dames du paiais byzantin revê-
taient dans ia garde-robe impériale pour leur service à la
cour. Malgré les perles et pierreries, cela demeura aux mains
des Vénitiens jusque vers la fin du xvnF siècle; et nous au-
rions pu y trouver des renseignements utiles pour l'histoire
du SHf/wmara! comme pièce de toilette. Mais quand la reine
de l'Adriatique fut rétrocédée à l'Autriche par la France, il
ne se rencontra plus trace de ce curieux vestiaire. Nous en
sommes donc réduits à des conjectures approximatives qui
n'ont désormais pour base que certains faits détachés, dont
la liaison no s'établirait pas sans textes fort discutables.
Autant vaut, peut-être, s'abstenir de dissertations embrouil-
lées qui ne conduiraient qu'à un doute sans issue.
1. Giorgi, 1. cit.,p. 127. — Glossary ofecclesiastical orna-
ment (1868), p. 220. — Bona, ed. Sala, t. H, p. 219, sq. —
Garnier, G eff-, p. 337.
2. Cf. Summ. P. 111, q. XL, art. vu ad 6. — Isidor. în Ææod.,
cap. Lix (Opp. t. V, 405, sq.) ; et Ætyynot. libr. XIX, cap. xxt
(t. IV, p. 447).
3. Reims semble avoir eu [cette prétention, entre autres
églises. Cf. Tarbé, Trésor des églises de Reims, p. 146, sv. —
Tourneur, VttmMæ de Reims, p. 49. — Etc.
Mais ce pourrait bien n'être que la trace d'une époque où
chacun pensait pouvoir tirer à soi des distinctions plus ou
moins imitées de l'Ancien Testament, parce qu'une coutume
définitive n'avait pas encore fixé les signes de distinction
hiérarchique.
Au commencement du xm" siècle, Sicard, évêque de Cré-.
mono (Mltmle, 11, 5) parait encore douter si l'éphod et le ra-
tional hébreux correspondent à l'amict que l'aube recouvre
presque entièrement. Puis, dans le même chapitre, il revient
au rational comme ornement porté sur la chasuble ; mais
sans avoir l'air de le réserver aux prélats, ni surtout aux ar-
chevêques.
4. Cf. Chapeaville, Geste pontifenm leodMnsMtm, t. H,
p. 99, sq.
5. Cf. Gori, Pltesewr. dlptycAornm, t. 1, p. 10, sq.
6. Cf. Willemin, Afonnments français..., t. ï, pl. 14; et
texte, p. 8. — D'Agincourt, Peinture, pl. Lxxxiv, n° 3; etc.
7. Un saint Damase que j'ai déjà cité (Cf. Aug. de Bas-
tard, mémoire sur les crosses, p. 495), d'après des minia-
tures du xi" siècle, porte en manière de pallium quelque
chose qui ressemble à l'une des formes historiques du su-
perhuméral tel que nous allons le voir dans les peintures
d'Eichstædt.
8. Fanon, qui ne se dit plus guère que pour la mitre en
fait de vêtements ecclésiastiques, désignait jadis même le
manipule, alors réduit à peu près à la largeur d'un ruban.
On peut s'en apercevoir ici même pour la figure B (p. 189)
où cette forme est très-sensible.