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Cahier, Charles; Martin, Arthur
Mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature (Band 3,2): Nouveaux mélanges ... sur l'moyen âge : ivoires, miniature, émaux — Paris, 1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.33621#0276
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COFFRET HISTORIE.

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d'une femme qui disloque les mâchoires d'un lion. De part et d'autre aussi, nous avons
l'homme luttant contre des animaux terribles; et venant about de cette tâche malaisée au
moyen de la Prudence qui combine les mesures utiles pour son but, si difficile qu'il soit à
atteindre.
Ici donc la femme qui maintient deux drageons par leur barbe, semble dire (sachons bien
que force et bonté patiente sont de même parenté) :

a Plus fait douceur que violence. B
Si ce coffret était un cadeau de mariage, par hasard, il y avait là un avis utile pour con-
server la paix entre époux : force et douceur sont deux grands guides dans la vie ; prudence
n'y gâte rien non plus, et cette dernière vertu pourrait bien être indiquée par les ressources
que trouve le chasseur dans les engins ou auxiliaires dont il s'aide pour atteindre les ani-
maux qui lui échapperaient assurément sans les moyens fournis par l'expérience ou la
raison. La douceur affectueuse peut être encore exprimée par ce couple d'oiseaux tran-
quilles (gravure C, p. 247) qui becquettent à leur aise un fruit, sans se disputer leur portion.
Colère ou résistance aveugle n'aboutissent au contraire qu'à des luttes furieuses où l'on
s'entre-déchire, comme dans cette bataille entre l'aigle et le dragon (flg. B, p. 247).
Mais que peut vouloir dire cette sorte d'âne ' qui touche la harpe avec un air d'artiste
content de lui-même? Le moyen âge avait un dicton qui annonçait l'âne musicien comme
une absurdité entre toutes. Philippe de Thaun entame son Lùrc cr&ùtray par un article
intitulé (dans la rubrique) (ed. Th. Wright, p. 22) où se trouvent par
exemple les axiomes suivants :

K La pire rcvellette (roue pfeme, roMfette)
Criet de la charette;
Mult est la pume dure
Qui unques ne maure ;
La verge est à preiser.
Qui se laisse pleier.

Se li envius [cMMr.s?]
Est tant de putes murs
Que il ne F veille o'ir,
Alt sei de luinz gésir;
Si i pot esculter
Cum li asnes à liarper. B Etc., etc.

On voit donc que le baudet amateur, et surtout artiste, était alors considéré comme l'une
des suppositions les plus inadmissibles De fait son goût pour les beaux arts ne se montre
en rien, que je sache, et sa musique est particulièrement grossière en attendant un maître
qui vienne à bout de le faire fig'urer dans une symphonie. Marie de France au xm° siècle ^ ne

1. Ce qui me ferait douter qu'on ait voulu représenter un
âne, c'est l'appendice qui lui sort de la bouche, et qui nous
donnerait le droit de prendre notre bête pour un éléphant.
On peut voir dans le Bestiaire picard do l'Arsenal (Métawges
d'arcMoiogt'e, B" série, t. IV, p. 83; etc.) que peinture et des-
cription s'y accordaient parfois à considérer la trompe comme
un èoyau sortant à volonté des lèvres du plus grand pachy-
derme de notre époque. Cf. s%p?'u, 1.1, p. 148. Malgré cela,
il ne semble guère douteux que l'àne soit ce que prétendait
montrer notre artiste. Mais nous y reviendrons dans le cou-
rant de la notice, sans prétendre arriver à la certitude.
2. M. le comte Aug. deBastard, dans son mémoire sur les
crosses (p. 609), a publié une miniature de Copenhague où
l'on voit un âne pinçant de la harpe avec un regard presque

béat qu'il élève vers le ciel. C'est dans un psautier du
xn" siècle; et le miniaturiste a prétendu traduire ainsi les
paroles de David (Ps. Lxxn, 23) : « Ut jumentum factus sum
apud te, et ego semper tecum. B Supposait-on par hasard
que le saint roi faisait acte d'humilité, en considérant ces
psaumes comme trop indignes de la majesté divine? Je ne
serais pas hostile à cette hypothèse, si bizarre qu'elle soit.
3. Fable LXVH (éd. Roquefort, t. 11, p. 290, svv.) : Dow
t'Aswe et dou Dû)?:.
Je n'ignore pas que ce même sujet remonte beaucoup
plus haut dans l'histoire littéraire, mais il s'agit de montrer
que le souvenir s'en conservait chez nos pères avant l'époque
de La Fontaine. C'est tout ce qui nous importe pour le mo-
ment actuel.

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