FERRONNERIE NON-ESPAGNOLE.
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Des sociétés historiques et archéologiques ont tâché, un peu tard, de secouer la torpeur
répandue par notre système administratif sur les chefs-lieux de la France moderne (à plus
forte raison sur les sous-préfectures et villes encore moins favorisées par les subdivisions
artificielles inventées depuis quatre-ving-ts ans). Mais on avait souvent laissé se fondre, pour
ainsi dire, les grandes collections qui eussent pu prêter secours à ce réveil d'esprit patrio-
tique; et les conservateurs naturels des traditions locales étaient presque partout morts ou
dispersés, lorsque le retour aux souvenirs s'est opéré peu à peu pour protester contre la cen-
tralisation excessive qui semble vouloir supprimer les membres au profit de l'estomac.
Dans l'agglomération besoigneuse que l'état moderne nous a faite, certains hommes de loisir
peuvent absolument reconstruire l'histoire des ruines et prêter un lang-ag-e probable aux mo-
numents devenus muets; une tout autre impulsion, et permanente, serait nécessaire pour
ressusciter loin des grandes villes cette succession d'artistes qui demeuraient ou revenaient
au foyer : y trouvant honneur, joie et profit, sans se plonger dans le tumulte des cités
populeuses qui absorbent tout de nos jours. Jadis, à côté de la noblesse provinciale qui
n'allait pas se faire oublier du peuple à la cour, il y avait la notoriété bourg-eoise des di-
gnitaires ecclésiastiques ou municipaux, des syndics ou chefs élus de corporations indus-
trielles.
Tout cela concourait en divers degrés au prestige d'un nom accepté comme solide dans
le cercle des ayants-droit. Il en résultait, pour bon nombre, le besoin de ne chercher des
appréciateurs que dans les témoins habituels de toutes leurs œuvres; et cet esprit de suite
qui s'oppose au désagrégeaient continu, comme nous y courons grand train. Chacun , pou-
vant devenir notable à sa façon sans réclamer autre protection que son petit mérite ou
celui des siens, était conduit à se bien placer dans l'estime de ses pairs (juges habituels des
cas les plus fréquents). On se dépaysait donc et l'on se déclassait avec moins de hâte, pour
ne point perdre les avantages conquis par la famille; et l'ambition, permise à tout honnête
et habile citoyen, s'embellissait d'affections héréditaires qui faisaient aimer le sol natal et
négliger l'appât du gros g-ain sans endormir la capacité, dont la récompense était principa-
lement dans l'estime des compatriotes et le maintien d'une renommée appréciée à l'environ.
Cela faisait des artistes désintéressés et contents ; parce que la CM7% (assez
bonne définition de la g-loire) s'appréciait plus alors qu'une distinction honorifique décer-
née par l'entremise d'un ministre, sans que les voisins sachent trop pourquoi. On était donc
mis à l'abri de toute jalousie avouable entre g-ens qui se connaissaient foncièrement par
un contact long-temps prolong-é ; puis tout le monde était à même de jug-er un œuvre
constamment exposé sous les yeux du public. Si l'opinion acceptait la préférence donnée
à l'ouvrier, ses concitoyens en g-ardaient bon souvenir, comme de g-loire commune au
pays, et c'était un héritag-e de recommandation léguée aux enfants ou successeurs pour
ne forlig-ner pas. Si même il avait été fait remise d'une partie de la rémunération exigible,
mention de cette libéralité pouvait trouver place dans les registres ecclésiastiques et re-
mémorer long-temps le donateur pour la postérité par fondation de commémoraisons quelcon-
ques ou simple témoig-nag-e de papiers paroissiaux faisant foi de l'origine réelle au besoin.
Ces titres devaient être d'autant plus mis en estime qu'on se déplaçait moins (pour long-
terme), les fils ne song-eant pas volontiers à quitter au-delà de quelques années le lieu qui
conservait bonne trace de leurs pères. Tous étaient encourag-és de la sorte à faire souche
de braves et capables g-ens.
Je n'ai pas à détailler notre œuvre de ferronnerie noyonnaise, le P. Arth. Martin en ayant
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Des sociétés historiques et archéologiques ont tâché, un peu tard, de secouer la torpeur
répandue par notre système administratif sur les chefs-lieux de la France moderne (à plus
forte raison sur les sous-préfectures et villes encore moins favorisées par les subdivisions
artificielles inventées depuis quatre-ving-ts ans). Mais on avait souvent laissé se fondre, pour
ainsi dire, les grandes collections qui eussent pu prêter secours à ce réveil d'esprit patrio-
tique; et les conservateurs naturels des traditions locales étaient presque partout morts ou
dispersés, lorsque le retour aux souvenirs s'est opéré peu à peu pour protester contre la cen-
tralisation excessive qui semble vouloir supprimer les membres au profit de l'estomac.
Dans l'agglomération besoigneuse que l'état moderne nous a faite, certains hommes de loisir
peuvent absolument reconstruire l'histoire des ruines et prêter un lang-ag-e probable aux mo-
numents devenus muets; une tout autre impulsion, et permanente, serait nécessaire pour
ressusciter loin des grandes villes cette succession d'artistes qui demeuraient ou revenaient
au foyer : y trouvant honneur, joie et profit, sans se plonger dans le tumulte des cités
populeuses qui absorbent tout de nos jours. Jadis, à côté de la noblesse provinciale qui
n'allait pas se faire oublier du peuple à la cour, il y avait la notoriété bourg-eoise des di-
gnitaires ecclésiastiques ou municipaux, des syndics ou chefs élus de corporations indus-
trielles.
Tout cela concourait en divers degrés au prestige d'un nom accepté comme solide dans
le cercle des ayants-droit. Il en résultait, pour bon nombre, le besoin de ne chercher des
appréciateurs que dans les témoins habituels de toutes leurs œuvres; et cet esprit de suite
qui s'oppose au désagrégeaient continu, comme nous y courons grand train. Chacun , pou-
vant devenir notable à sa façon sans réclamer autre protection que son petit mérite ou
celui des siens, était conduit à se bien placer dans l'estime de ses pairs (juges habituels des
cas les plus fréquents). On se dépaysait donc et l'on se déclassait avec moins de hâte, pour
ne point perdre les avantages conquis par la famille; et l'ambition, permise à tout honnête
et habile citoyen, s'embellissait d'affections héréditaires qui faisaient aimer le sol natal et
négliger l'appât du gros g-ain sans endormir la capacité, dont la récompense était principa-
lement dans l'estime des compatriotes et le maintien d'une renommée appréciée à l'environ.
Cela faisait des artistes désintéressés et contents ; parce que la CM7% (assez
bonne définition de la g-loire) s'appréciait plus alors qu'une distinction honorifique décer-
née par l'entremise d'un ministre, sans que les voisins sachent trop pourquoi. On était donc
mis à l'abri de toute jalousie avouable entre g-ens qui se connaissaient foncièrement par
un contact long-temps prolong-é ; puis tout le monde était à même de jug-er un œuvre
constamment exposé sous les yeux du public. Si l'opinion acceptait la préférence donnée
à l'ouvrier, ses concitoyens en g-ardaient bon souvenir, comme de g-loire commune au
pays, et c'était un héritag-e de recommandation léguée aux enfants ou successeurs pour
ne forlig-ner pas. Si même il avait été fait remise d'une partie de la rémunération exigible,
mention de cette libéralité pouvait trouver place dans les registres ecclésiastiques et re-
mémorer long-temps le donateur pour la postérité par fondation de commémoraisons quelcon-
ques ou simple témoig-nag-e de papiers paroissiaux faisant foi de l'origine réelle au besoin.
Ces titres devaient être d'autant plus mis en estime qu'on se déplaçait moins (pour long-
terme), les fils ne song-eant pas volontiers à quitter au-delà de quelques années le lieu qui
conservait bonne trace de leurs pères. Tous étaient encourag-és de la sorte à faire souche
de braves et capables g-ens.
Je n'ai pas à détailler notre œuvre de ferronnerie noyonnaise, le P. Arth. Martin en ayant