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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1834 (Nr. 165-216)

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Numéro 169 (30 Janvier 1834)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26558#0033

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LA CARICATUlttâ.

O,

,#rtr

-1547-

lioivent exprimer hautement leur opinion ; et, quant à moi, je la
crierai désormais sur les toits : jamais encore la France n’avait eu à
gémir sous un ministère aussi exécrable! Je souhaite que le nom lui
en reste. (Se tournant du côté des ministres et leur jais ont le poing.')
C’est pis que le Ham qu’il faudra à ceux-là.

(La cloche sonne de plus en plus fort.)

Premier. — Certainement; et si quelque chose doit étonner, c’est
que cette barraque ait pu durer si long-temps.

Deuxieme. — Vous avez bien raison d’appeler cela une barraque!

Troisième. — Une galère!

Quatrième. — Une taverne !

Cinquième. —'Une tanière!

Sixième. — Une pétaudière !

Septième. — Une... je ne trouve pas d’expression assez forte pour
caractériser l'horreur profondeque cette... que ce., que celte bicoque
là m’inspire, ou plutôt m’inspirait. Car, en effet, j’avais l’air de sou-
tenir un peu l’ordre de Chose ; j’avais l’air de l’embrasser; mais,
comme dit Racine, c’était pour mieux l’étouffer. Je dissimulais ; voilà
trois ans que je joue la comédie ; ouf!

Toux. — Oui, oui ! et nous aussi, nous jouions la comédie.

Premier.—Et, par exemple, vous croyez peut-ctre que j’étais venu
à ce bal, je dirai même à ce bastringue, par dévouement, par amour,
par enthousiasme?... du tout...! au contraire...!c’était par haine, c’é-
tait par aversion, par indignation. Suite de la comédie. Et la preuve,
la voici : je suis venu en bottes, pas davantage ! c’est tout au plus si
je me suis lavé les mains. Certainement, quand on vient sincèrement
à un bal, quand on y apporte de l’enthousiasme véritable, quand on
veut soutenir un ordre de Chose, on se lave les mains, on se peigne,
on se fait beau, on se met en escarpins. Hé bien ! du tout ; je n’ai mis
que des boues, et, qui plus est, des hottes sales. J1 me semble qu’il est
impossible d’afficher plus clairement sa façon de penser ; les bottes
sont le miroir de lame.

Toma.—Oui,oui,etnous aussi, nousavonsmis des bottes. L’homme
consciencieux doit porter son opinion écrite sur son front.

Premier. — J’aime à croire que c’est là un antécédent dont la ré-
publique nous tiendra compte. La république!... enfin nous avons
donc la république!... celte fclrère république!... cette sainte répu-
blique!... Il y avait pourtant des gens qui eu avaient peur !... Imbé-
ciles, va!... peur du mot!

Un ex-philippotin, accourant, vers ce groupe, et en tirant quelques-
uns à part. — Dites donc, vous ne savez pas?.., La cour des Tuile-
ries est pleine de peuple armé. On les voit parfaitement des fenêtres,
à la lueur des réverbères. Voici comment on dit cpie les choses se
sontpassées. Lesdépartemens se seraient insurgés sans faire semblant
de rien, puis se seraient dirigés, chacun de leur coté, sur Paris, où
lés éternels ênnemis de... (se reprenant), les éternels amis de la
tranquillité publique les attend.dent avec impatience. C’était con-
venu. Ensuite, ils auraient passé huit jours dans les catacombes pour
mieux organiser leur plan d’attaque, et laisser arriver le moment fa-
vorable, Enfin cette nuit, Odilon-Barrot, AIauguin et Bavoux se sont
introduits ici, à la faveur d’un billet d’invitation, et sont allés eux-
mêmes sonner le tocsin, à la çloçhe du pavillon de l’Horloge, pour
donner le signal de l’ipsurreclioti, absolument comme dans la Muette.
Aussitôt les scëlé..., (se reprenant) les patriotes sont sortis des cata-
combes, ont pris toqs les postes , se sont emparés de l’Hotel-de-Vilie,
où ils ont proclamé la république, et enfin sont venus prendre les
Tuileries, où ils avaient des connivences parmi les cuisiniers mé-
eontens, et dont Bavoux leur a ouvert les portes. C’est une affaire
faite, Lafayette est maintenant dans la cour du château, à la tête de
vingt-cinq mille hommes.

Les autres. — Vivat! vivat!

Premier. — Ah ça ! connaît-on déjà les membres du gouverne-
ment provisoire ?

Le même. —- Parbleu!... C’est Lafayette, Garnier-Pagès, Cabet,
Odilon-Barrot, Mauguin, Salverte, de Ludre, Voyer-d’Argenson,
Audry dé Puyraveau, Carrelj Cavaignac et cinquante deux autres
qu’on n’a pas pu me nommer.

Premier.— Tant mieux, tant mieux! je connais beaucoup Garnier-

Pagès.

Deuxieme. — Et moi le frère de de Ludre.

Troisième. — Et moi le cousin de Voyer-d’Argenson.

Quatrième. — Et moi le tailleur d’Odilon-Barrot.

Cinquième. —Et moi l’un des amis de Salverte.

Sixième. — Et moi l’un des cliens de Mauguin.

Septième. — Et moi le cousin de l’ami de l’oncle du neveu de la
cousine de la tante de Cavagnac.

1548---

Huitième. —Et moi, le concierge du National.

Tous. — Bravo ! bravo !

Un ex-philippiste s'approchant du premier. — Qu’est-ce qu’il y b
donc ?

Le premier. — Il y a que Lafayette est dans la cour à la tête de
quarante mille hommes, rien que cela!

L’ex-philippiste. — Ah ! ah ! (A un autre.) Lafayette est dans la
cour à la tète de cinquante mille hommes.

L es autres. — Hé ! hé ! (si un autre.) Lafayette est dans la cour à
la tète de soixante mille hommes. (Lemëme bruit va se répétant, jus-
qu'au chiff re de cinq cent mille.)

Tous. — Allons, bravo ! bravo !

Premier. — (Aux autres.) Messieurs, messieurs, attention! Voici
M. Odilon-Barrot, M. Mauguin et M. Bavoux qui passent. (Les ex-
philippotins se rangent respectueusement sur leur passage, les saluent
profondément et crient :) Bravo, Mauguin ! Bravo , Barrot ! Bravo,
Bavoux!

M. Oijilon, à ses collègues. — AU ! ça, que diable ont-ils donc à
nous saluer ainsi ? c’est un accès de politesse qui leur a pris bien su-
bitement. Il n’y a pas cincj minutes qu’ils nous tournaient le dos ; et
maintenant c’est à qui nous montrera sa figure de singe.

M. Mauguin. —Vous devriez savoir que nous sommes ici dans le
royaume des girouettes. C’est une question de vent. Le vent a changé,
voilà tout. Reste à savoir d’où il souffle maintenant, car du diable si
je comprends rien à tout ce mo .veinent.

Premier ci-devant PhilippQtin, à ses compagnons. — Laissez-moi
faire et suivez moi. Je vais haranguer comme il faut ces grands
hommes. (S’approchant d’eux avec toutes les démonstrations de res-
pect qui précèdent les harangues.) « Illustres patriotes, hum! hum!
» la France, long-temps courbée sous le joug d’un odieux despo-
u tisme, vient enfin de secouer ses fers... hum ! hum ! Vient enfin de
» secouer ses fers ! »

AI. Odilon à M. Mauguin.— Qn’est-ce qu’il vient nous clianter-
là, cet irnbécille ?

AI. Mauguin.— Est-ce que le ministère serait enfin culbuté?

Le môme ci-devant Philippotin, continuant. —- « C’est à la persévé-
» rance de votre sublime patriotisme, qu’elle devra ce nouveau bien-
» fait, qui doit mettre fin aux déplorables discordes qui déchiraient
i) son sein, hum ! hum ! »

AI. AIauguin , à part. — Allons, celui-là est aussi pour la fusion
des partis.-

Le même, continuant.—« ...Qui déchiraient son sein. Grâce à votre
» constance dans les principes qui ont fait votre renommée/grâce à
» vos lumières et à votre infatigable énergie , la France voit s’ouvrir
» pour elle une nouvelle ère de gloire, de prospérité, de liberté. »

M. Mauguin, en riant, à part. — Et de sucre candi!

Le même. — « Ce jour de délivrance, ce jour si vivement at-
» tendu, ce jour s’est levé enfin cette nuit. Permellez-nous de vous
» féliciter dé ce beau résultat, et de vous exprimer la vive allégresse
» que nous cause votre présence en ces lieux, d’où tous lès bons ci-
» toyens avaient gémi de vous voir éloigner. »

AI. Odilon-Barrot. —Croyez, messieurs, que nous en avons gémi
plus que vous.

Le môme , du ton de la conversation. —- Nous n’en doutons pas.
(Du ton de la harangue.) « Illustres patriotes, permettez-nous de
» nous féliciter aussi de notre coopération désintéressée au grand
» oeuvre de cette journée. »

Toux.— Vive AIauguin! vive Odilon-Barrot! vive Bavoux! vivent
tous les patriotes !

Le premier, s’approchant d’eux, et du ton de la conversation.—
Le gouvernement aura besoin désormais d’hommes purs et énergi-
ques. Comptez sur moi, messieurs, pour une place de conseiller-
d’état, ou de préfet, ou de directeur-général, ou de tout autre chose.
Alon patriotisme ne recalera devant aucun sacrifice.

Le deuxième, idem.—AI. Barrot..., j’aurais une petite réclamation
à vous présenter. C’est au sujet de la croix-d’bonneur. Le gouverne-
ment à jamais déchu i’a toujours refusé à mes services, et ce n’est
pas étonnant : il la prodiguait. Puis-je espérer maintenant...

L e troisième, idem. — Mon cher monsieur Bavoux, oserais-je
vous prier d’apostiller cette petite pétition, que j’avais préparée dans

la prévision. Hé bien ! vous ne me reconnaissez donc pas.... ? Je

suis M. de Ramb...... -

AI. AIauguin. — Hé! messieurs, que pouvons-nous pour vous ?

AI. Odilon. — Nous sommes sans puissance.

M. Bavoux. — Sans aucune espèce d’influence ; et la preuve, c’est
que nous allions vous demander la vôtre.
 
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