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Le charivari — 13.1844

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Janvier (No. 1-31)
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https://doi.org/10.11588/diglit.17365#0086
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liE CMAK1VAHLI.

Par exemple, les actionnaires de la nouvelle socié-
1édes immondices parisiennes seront de singulières
gens, qui ne consulterontle baromètre que pour se dé-
soler quand l'aiguille marquera le beau fixe. Ils ne
rêveront que pluie et gâchis, s'il pouvait même, par
un phénomène de la nature, tomber une giboulée de
trognons de choux, nos gaillards seraient dans le ra-
vissement ! Tous les goûts sont excusables, mais ce-
pendant celui du trognon de chou semblerait devoir
être exclusivement réservé au lapin.

Les filles de ces mêmes actionnaires seront aussi
dans une bizarre position. Le jour où il sera ques-
tion de les marier, on dira de ces demoiselles : « Voi-
là un excellent parti ; c'est une jeune personne mo-
deste, bien élevée, et qui a pour trois cent mille francs
de boue d'espérances ! »

La société qui s'est formée dernièrement pour Y ex-
termination des rats doit être fort humiliée aujour-
d'hui par la commandite des immondices de Paris.
Qu'est-ce que le capital de cinquante mille francs du
premier établissement, auprès des deux millions cinq
cent mille francs du second?

Et encore notez que la société des immondices aura
peut-être parfaitement le droit d'exploiter les rats eux-
mêmes en les considérant comme des objets immon-
des qui obstruent le pavé de Paris. Nous sommes
peut-être à la veille de voir naître un procès palpi-
tant d'intérêt entre les gérans des deux sociétés. On
plaidera durant cinq ou six ans, et, [pendant ce
temps, les rats continueront à se promener audacieu-
sement clans tout Paris, et ils seront même capables
d'aller ronger les dossiers chez les avoués pour faire
durer les procès indéfiniment. Les avoués ne s'y op-
poseront point.

Je ne me rappelle pas le moins du monde le nom
de la rue où est situé le siège de la société des boues
de Paris ; mais pour peu que vous teniez à le savoir,
vous rencontrerez facilement cet établissement. Flâ-
nez pendant huit jours dans les rues de la capitale,et
vous finirez par vous trouver devant un hôtel sur les
murs duquel vous lirez en grosses lettres : « On est
prié de déposer des ordures le long de celle muraille.»
Ce sera là.

l'ignore aussi en combien de coupons se divise
'gji'J'"1 '1n francs; mais je me plais à croire
^a'une entreprise si éminemment populaire s'est mise
à la portée de toutes les fortunes. On doit pouvoir se
procurer des boues de Paris même pour cent sous.
Le moindre actionnaire se mettra immédiatement à
faire sa tête sur les boulevards et à éclabousser les
passans ; pendant l'été, nous verrons tous ces mes-
sieurs faire leur poussière.

LONGÉVITÉ FABULEUSE.

e Constitutionnel, qui a
déjà révélé au public
tant d'araignées ver-
tueuses , tant de gre-
nouilles musiciennes et
de lézards inouïs, le
Constitutionnel, dis-je,
encouragé par l'accueil
bienveillant qu'a fait Je
public à ses révélations
sur toutes sortes de bê-
tes invraisemblables ,
s'est enfin décidé à se
mettre en scène lui-
même; il s'est ménagé une petite loge de plaisance
au milieu de sa ménagerie de lézards et de crapauds;
il a divulgué un secret caché depuis des siècles dans
la poudre de ses bureaux.

Je dis depuis des siècles, et c'est avec] raison. 'Si
quelqu'un vous demandait : « Quel est l'âge du Cons-
titutionnel ?» (On n'adresserait pas cette question à
une jolie femme, mais le Patriarche de la rue Mont-
martre est trop au-dessus des préjugés pour trouver
la chose impertinente.) Si donc, on vous demandait
■approximativement l'âge du Patriarche, vous répon-
driez : « Il date d'une vingt-huitaine d'années, at-
tendu que le Constitutionnel a acheté son premier

bonnet de coton et ses premières bésicles vers 1815.
La chose est notoire. «

Pas si notoire qu'on le croit approximativement.
La preuve, c'est que, si vous faisiez cette réponse (et
vous la feriez pour sûr),vous commettriez une erreur
historique de dix-huit cent cinquante ans et plus. Un
fait hors de doute à présent, c'est que le Constitu-
tionnel existait déjà à Rome du temps de l'empereur
Auguste ; il a déjeuné avec Virgile. Je le soupçonne
môme d'avoir prononcé un discours sur sa tombe.

Ne criez pas à l'invraisemblable, à l'impossible !
Interrogez un de ces abonnés qui ont ajouté foi
sur sa parole à tant de canards superstitieux : il
vous répondra que le fait n'a rien de surprenant puis-
que le Constitutionnel insinue lui-même que sa fonda-
tion remonte aux temps les plus primitifs, et que de-
puis lors il a toujours paru sans interruption, sauf
pendant les quarantejours du déluge. Encore avait-il
cotte excuse que ses abonnés n'étant pas dans une
position très commode pour lire le journal, ne te-
naient guère à le recevoir, d'autant qu'ils pouvaient
bien avoir oublié de renouveler leur souscription.

L'existence du Constitutionnel, au temps d'Au-
guste, ressort victorieusement de cette phrase d'un
article du numéro d'hier sur le monument de Mo-
lière: «La popularité de Molière est complète; on
» vend des médailles frappées à son effigie ; tout ce
» qui cherche la vogue prend son nom et se met sous
» sa protection. Nous avonsVU les mêmes honneurs
» rendus, par la population de Mantouc, à Virgile,
» né dans ses murs, etc., etc. »

La citation est textuelle. Le Constitutionnel a vu
les Mantouans honorer la mémoire de Virgile, d'où il
suit qu'il vivait déjà à cette époque. Mais s'il existait
déjà, rien ne prouve qu'il n'existât pas auparavant ;
au contraire. « J'ai vu Virgile, » cela veut dire : « Je
paraissais du temps de Virgile;" mais non «j'ai
été fondé à la même époque. » Qui sait à quelle
date remonte sa fondation !

Je croirais volontiers qu'au commencement Dieu
créa la terre, la mer, les étoiles, Adam, Eve et l&Cons-
titutionnel. Ce passage de la Genèse : « Que la lu-
mière soit ! et la lumière fut, » pourrait bien n'être
qu'une allusion à la création du Constitutionnel.Dieu
se reposa ensuite. 11 y avait de quoi.

On comprend maintenant l'assurance du Constitu-
tionnel à débattre les plus hautes questions de poli-
tique, de philosophie et' d'histoire; il a tout vu, tout
entendu; il a assisté à tous les événemens ; il a été le
contemporain de tous les grands hommes et de toutes
les grandes choses. Quels maguifiques articles il doit
avoir publiés contre la mauvaise foi carthaginoise et
contre le jésuitisme des augures et des'prêtres d'isis!

Cette question des fortifications que les journaux
ont traitée sans connaissance de cause, il l'a étudiée
pendant le siège de Troie ; il sait bien que si îlion a
résisté dix ans, c'est qu'elle était fortifiée; quoi d'é-
tonnant après cela qu'il préconise les forts détachés
et le mur d'enceinte? lien a vu l'utilité. Je comprends
maintenant la profondeur de cette phrase d'un de ses
derniers articles : « Lès fortifications rendront Paris
inexpugnable, pourvu que défense expresse soit faite
au commandant de p]ace de laisser entrer un cheval
de bois dans les murs, sous aucun prétexte. » C'é-
tait un souvenir lugubre du vieillard, un cri prophé-
tique comme les chants de Cassandre, son ancienne
abonnée.

Il est tout simple, après cela, que le Constitution-
nel confonde quelquefois les époques et traite une
question à deux ou trois cents ans de distance. Rien
do plus naturel aussi que ses fréquens accès de mau-
vaise humeur. Il a eu l'occasion de faire des études
de longévité sur ses souscripteurs ; il a vu un temps
— bien avant celui dé Virgile— où le souscripteur,
et entre autres Mathusalems, un de ses plus vieux
abonnés avec Nestor, vivait huit ou neuf siècles. Mais
à mesure que l'espèce humaine dégénérait, le sous-
cripteur dégénérait aussi. Après avoir vécu autant
qu'un corbeau, il nedure pas plus qu'un éphémère.
Or, c'est fâcheux, car l'abonnement devient court
comme la vie.

On dit que le Constitutionnel médite de se brûler
un de ces jours, comme le phénix,pour renaître de ses
cendres. M. Jay survivrait seul pour l'aire une tra-
gédie sur ce lamentable sujet.

LITTERATURE.

Le Livre de Job, traduit en vers par M. le comte
F.-L. de Gramo\t, suivi du Livre de Buth, tra-
duit en vers par le marquis A. de Belloy.

Que n'a-t-on pas dit sur cette source intariss able de
poésie qu'on nomme la Bible? et que d'essais, tous
plus ou moins infructueux, n'a-t-on pas faits pour
importer dans notre langue les beautés de ce livre
immortel? Glorieux sera le poète qui mènera à bon-
ne .fin la tentative hardie que M. Ferdinand de Gra-
mont \icnt d'oser en entreprenant une traduction
littérale, et une traduction en vers! de ce fameux Li-
vre de Job, de ce sombr e poème de douleur, d'an-
goisses et d'épouvantement.

Cette entreprise, nous commençons par le dire, a
été couronnée par le succès. Le vers substantiel, é-
nergtque, concis, au contour vif et arrêté, sous une
teinte un peu mystique, de M. Ferdinand de Gra-
mont, se pliait merveilleusement à rendre la langue
symbolique, simple et imagée de l'Ecclésiaste. Sa tra-
duction, toujours fidèle, toujours précise et élevée,
lutte de souffle avec un texte à vaincre les plus rudes
athlètes, et atteint quelquefois, sans jamais dévier
d'une scrupuleuse exactitude, aux plus admirables'
effets, témoin le passage suivant, où Dieu, parlant à
Job, lui dépeint l'une des merveilles de sa terrestre
création :

Est-ce vous qui donnez au cheval ce courage,

Qui lui jetez au cou sa crinière sauvage,

Et l'envoyant bondir au front des bataillons,

Comme la sauterelle à travers les sillons,

A ses naseaux rougis suspendez cette flamme

Et ces hennissemens qui vous troublent dans l'àme ?

Son pied fouille la terre, et d'un rire hardi

Ao devant du guerrier tout son cœur a bondi.

La peur n'est point pour lui ; ni les feux des épées,

Ni les dards acharnés, ni, dans le sang trempées,

Les piques en éclat brisant les boucliers,

Ni les carquois sonnant aux reins des cavaliers,

Rien ne fait reculer sa vaillante poitrine ;

Il mord en écumant le frein qui le domine ;

Il se lève, il frémit et, pour prendre son voL

Provoque la trompette et repousse le sol.

Et quand sonnela charge : « Allons,» dit-il.—11 flaire

Dans les senteurs du vent l'approche de la guerre,

Les tumultes armés, les glaives dégainés

Et par les moissonneurs les champs abandonnés,

Et dans les airs frappés la voix des capitaines,

Et les pas des soidats débordant sur les plaines !

Le ÏJvre des Sonnets de M. de Gramont, qui, pu-
blié presque à huis clos et pour un petit nombre
d'amis, il y a trois ou quatre années, n'a pas laissé-
de produire dans le monde littéraire une vive
sensation, a valu à son auteur une belle place
parmi nos poètes. Sa traduction du Livre de Job ne
le fera certes pas déchoir de ce rang, comme nos
lecteurs ont pu en juger par la citation qui précède.

Après s'être enivrées des splendides horreurs du
Livre de Job, la vue et la pensée se reposent avec
charme sur le frais et gracieux tableau que présentent
dans le ÏÀvre de Rutk le dévouement et la piété de la
jeune fille moabite. M. A. de Belloy a traduit avec
beaucoup de suavité ce touchant épisode de la Bible.
De même que le Livre de lhilh participe à la fois de
l'idylle et de l'apologue, le vers limpide et élégant du
traducteur affecte alternativement la manière d'An-
dré Chénier et celle de La Fontaine. Quand nous au-
rons dit que M. de Belloy a réussi clans cette étude
des deux grands maîtres, nous n'aurons pas besoin
d'ajouter d'autres éloges.

D'après les explications si lumineuses de nos
ministres, on voit qu'ils ont perfectionné la fameu-
se maxime de Talleyrand. Ils disent, eux : « La pa-
role a été donnée à l'homme pour ne rien dire du;:
tout. »

— On remarque que, dans les longues discussions
du palais Bourbon, il n'a pas encore été dit un mol
de rembastillement. Plaise à Dieu que les Monljuieha
parisiens ne fassent pas parler d'une autre façon !
Ijg , M (La suite à la 4° page.)
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