Exacte a<
LE CHARIVARI.
Eu l'an de grâce et d'industrie 4 846, la réclame
' p0rlrait n'a pas manqué de s'inscrire au Louvre.
tl Voici l'image d'un jeune musicien de la plus gran-
de espérance, quoiqu'il soit encore pour l'instant de
la plus petite taille.
Il est jeune et modeste et se contente jusqu'à pré-
sent d'avoir un oeil, du moins si nous en croyons son
portrait. Par exemple, cet œil unique est très bien,
poùr un bel œil ; c'est un bel œil !
En revanche, la basse est au grand complet, rien
n'y manque. Eh bien ! vous me croirez si vous vou-
lez, voilà comme j'aime la musique.... en peinture.
Nous avons au Salon une foule de nos grands ar-
tistes,—après çà quel est l'artiste qui n'est pas grand
à notre époque'?—Bientôt, ceux qui tiendront à se
mettre un peu hors ligne, seront obligés de se qua-
lifier d'immenses.
Les journaux dits sérieux, parce qu'ils ont con-
tracté l'habitude de débiter les plus grosses bourdes
du monde sans rire, n'ont pas manqué de se faire
également un petit prospectus dans la galerie du Lou-
vre.
On voit une foule de messieurs tenant à la main un
journal déployé, de façon à ce qu'on puisse bien lire
le titre du papier public en question, plus les condi-
tions de l'abonnement.
Puis le Livret vient en aide, et on lit : « Portrait
de M: ***, rédacteur de la Casquette de loutre,
journal du grand monde;
— Portrait de M. ***, abonné au Constitutionnel
depuis sa fondation. »
J'aime encore mieux le portrait de ce musicien
compositeur qui pv"t fait peindre au moment où
\ l'inspiration vient ordinairement le trouver,—à deux
'(C^l heures du matin.
11 ne rencontre d'idées fraîches que sous unbonnet
de coton bien chaud.
Que je plains les voisins de cet homme célèbre!
S'ils tiennent à dormir, ils doivent être obligés de se
ourrer du coton, que dis-je, des bonnets de coton en-
tiers dans les oreilles.
Mais cessons de rire, voici que l'émotion me ga-
gne,-une larme, deux larmes, trois larmes viennent
inondermon lorgnon. v
C'est que j'ai eu l'imprudence de m'arrêter devant
le portrait d'Ophélia, de cette intéressante jeune
folle dont la monomanie consistait à se voir transfor-
mée en marchande de violettes de Parme, et en con-
séquence elle se croyait obligée de se couronner de
giroflées et de brins de paille, coiffure presque aussi
ridicule que celle des chapeaux Pamela.
C'est M. Lehman qui nous a reproduit les traits
d'Ophélia, qui passait dans son temps pour la plus jo-
lie fille du Danemarck. —En ce cas nous devons nous
faire une bien fâcheuse idée des autres Danoises.
Les gens qui se prétendent bien renseignés et qui
seyantent d'être forts comme des Turcs surleKoran,
affirment que Mahomet a formellement défendu à ses
fidèles croyans de jamais se faire portraiturer, même
Mahomet qui en sa qualité de prophète lisait dans
les astres et même dans le marc de café, ni plus ni
moins que Mlle Lenormand, avait prévu qu'au xixme
siècle le sultan Mahmoud aurait la singulière fantaisie
d'affubler les Ottomans d'un costume quasi européen
affreusement laid, et qu'alors si les Turcs venaient à
se faire peindre de la sorte ils n'offriraient aux yeux
du public qu'un aspect peu réjouissant.
A côté d'Ophélia, voici le seigneur Hamlet, ce
parfait gentilhomme qui avait toujours un petit mot
pour rire, même quand il embrochait les gens der-
rière une tapisserie,—il les traitait de rats, larira.
Le seigneur Hamlet n'a pas l'air très jovial en ce
moment, mais son aspect n'en est pas moins fort
agréable.
so^préfexte de médaillon à offrir à leur bien-aimée.
iBjm des gens ne se rendaient pas compte de cette
|ense, ét'ne craignaient pas de traiter le prophète
fejâe^pbte, et en;.outre de crétin.
Que dis-je, je me trompe, trop réjouissant !
Malgré les sages prévisions de Mahomet et malgré
ses défenses non moins sensées, les Ottomans de no-
tre époque, ayant poussé l'oubli du Coran jusqu'à
boire de la bière, du vin mousseux et du bischoff, n'ont
pas tardé à éprouver la fantaisie également européenne
de poser au Salon du Louvre !
On voit cette année une multitude de portraits
turcs qui désormais nous feront trouver jolis comme
des Amours les Bédouins de la Courtille un jour de
mardi-gras.
Pour mon compte, je regrette énormément le tur-
ban, la veste rouge et le pantalon blanc : — magnifi-
cence que ne se permettent plus que les marchands
de dattes d'Alger qui débitent sur le boulevard Saint-
Denis des pruneaux de Tours. ^
Parmi les Turcs du Salon nous en avons admiré un
tenant à la main un foulard ; j'ignore s'il a eu l'inten-
tion de se faire représenter en amoureux qui s'apprête
à jetter le mouchoir ou simplement en homme enrhu-
mé du cerveau.
Ces deux suppositions sont également admissibles,
—cependant si cet Oriental s'est fait peindre à Paris,
sous notre ciel humide et brumeux, je penche en fa-
veur de l'interprétation du rhume de cerveau.
Pour en finir avec les portraits, nous devons men-
tionner celui d'un artiste, qui n'ayant pas sous la
main le moindre bourgeois à représenter, fût-ce même
un bourgeois turc, a eu l'idée, pour utiliser ses loisirs
et ses couleurs, de se représenter lui-même de la
sorte.
Nous nous plaisons à croire que ce portrait est très
ressemblant.
L'année prochaine, le même artiste, tenant de plus
en plus à bien graver ses traits dans la mémoire de
ses contemporains, se peindra vu de dos.
Occupons-nous maintenant des compositions drama-
tiques qui ont le privilège d'attirer les regards de la
foule.
A todtbseigneur tout honneur. Voici d'abord trois
tableaux de M. Eugène Delacroix, qui méritent les
LE CHARIVARI.
Eu l'an de grâce et d'industrie 4 846, la réclame
' p0rlrait n'a pas manqué de s'inscrire au Louvre.
tl Voici l'image d'un jeune musicien de la plus gran-
de espérance, quoiqu'il soit encore pour l'instant de
la plus petite taille.
Il est jeune et modeste et se contente jusqu'à pré-
sent d'avoir un oeil, du moins si nous en croyons son
portrait. Par exemple, cet œil unique est très bien,
poùr un bel œil ; c'est un bel œil !
En revanche, la basse est au grand complet, rien
n'y manque. Eh bien ! vous me croirez si vous vou-
lez, voilà comme j'aime la musique.... en peinture.
Nous avons au Salon une foule de nos grands ar-
tistes,—après çà quel est l'artiste qui n'est pas grand
à notre époque'?—Bientôt, ceux qui tiendront à se
mettre un peu hors ligne, seront obligés de se qua-
lifier d'immenses.
Les journaux dits sérieux, parce qu'ils ont con-
tracté l'habitude de débiter les plus grosses bourdes
du monde sans rire, n'ont pas manqué de se faire
également un petit prospectus dans la galerie du Lou-
vre.
On voit une foule de messieurs tenant à la main un
journal déployé, de façon à ce qu'on puisse bien lire
le titre du papier public en question, plus les condi-
tions de l'abonnement.
Puis le Livret vient en aide, et on lit : « Portrait
de M: ***, rédacteur de la Casquette de loutre,
journal du grand monde;
— Portrait de M. ***, abonné au Constitutionnel
depuis sa fondation. »
J'aime encore mieux le portrait de ce musicien
compositeur qui pv"t fait peindre au moment où
\ l'inspiration vient ordinairement le trouver,—à deux
'(C^l heures du matin.
11 ne rencontre d'idées fraîches que sous unbonnet
de coton bien chaud.
Que je plains les voisins de cet homme célèbre!
S'ils tiennent à dormir, ils doivent être obligés de se
ourrer du coton, que dis-je, des bonnets de coton en-
tiers dans les oreilles.
Mais cessons de rire, voici que l'émotion me ga-
gne,-une larme, deux larmes, trois larmes viennent
inondermon lorgnon. v
C'est que j'ai eu l'imprudence de m'arrêter devant
le portrait d'Ophélia, de cette intéressante jeune
folle dont la monomanie consistait à se voir transfor-
mée en marchande de violettes de Parme, et en con-
séquence elle se croyait obligée de se couronner de
giroflées et de brins de paille, coiffure presque aussi
ridicule que celle des chapeaux Pamela.
C'est M. Lehman qui nous a reproduit les traits
d'Ophélia, qui passait dans son temps pour la plus jo-
lie fille du Danemarck. —En ce cas nous devons nous
faire une bien fâcheuse idée des autres Danoises.
Les gens qui se prétendent bien renseignés et qui
seyantent d'être forts comme des Turcs surleKoran,
affirment que Mahomet a formellement défendu à ses
fidèles croyans de jamais se faire portraiturer, même
Mahomet qui en sa qualité de prophète lisait dans
les astres et même dans le marc de café, ni plus ni
moins que Mlle Lenormand, avait prévu qu'au xixme
siècle le sultan Mahmoud aurait la singulière fantaisie
d'affubler les Ottomans d'un costume quasi européen
affreusement laid, et qu'alors si les Turcs venaient à
se faire peindre de la sorte ils n'offriraient aux yeux
du public qu'un aspect peu réjouissant.
A côté d'Ophélia, voici le seigneur Hamlet, ce
parfait gentilhomme qui avait toujours un petit mot
pour rire, même quand il embrochait les gens der-
rière une tapisserie,—il les traitait de rats, larira.
Le seigneur Hamlet n'a pas l'air très jovial en ce
moment, mais son aspect n'en est pas moins fort
agréable.
so^préfexte de médaillon à offrir à leur bien-aimée.
iBjm des gens ne se rendaient pas compte de cette
|ense, ét'ne craignaient pas de traiter le prophète
fejâe^pbte, et en;.outre de crétin.
Que dis-je, je me trompe, trop réjouissant !
Malgré les sages prévisions de Mahomet et malgré
ses défenses non moins sensées, les Ottomans de no-
tre époque, ayant poussé l'oubli du Coran jusqu'à
boire de la bière, du vin mousseux et du bischoff, n'ont
pas tardé à éprouver la fantaisie également européenne
de poser au Salon du Louvre !
On voit cette année une multitude de portraits
turcs qui désormais nous feront trouver jolis comme
des Amours les Bédouins de la Courtille un jour de
mardi-gras.
Pour mon compte, je regrette énormément le tur-
ban, la veste rouge et le pantalon blanc : — magnifi-
cence que ne se permettent plus que les marchands
de dattes d'Alger qui débitent sur le boulevard Saint-
Denis des pruneaux de Tours. ^
Parmi les Turcs du Salon nous en avons admiré un
tenant à la main un foulard ; j'ignore s'il a eu l'inten-
tion de se faire représenter en amoureux qui s'apprête
à jetter le mouchoir ou simplement en homme enrhu-
mé du cerveau.
Ces deux suppositions sont également admissibles,
—cependant si cet Oriental s'est fait peindre à Paris,
sous notre ciel humide et brumeux, je penche en fa-
veur de l'interprétation du rhume de cerveau.
Pour en finir avec les portraits, nous devons men-
tionner celui d'un artiste, qui n'ayant pas sous la
main le moindre bourgeois à représenter, fût-ce même
un bourgeois turc, a eu l'idée, pour utiliser ses loisirs
et ses couleurs, de se représenter lui-même de la
sorte.
Nous nous plaisons à croire que ce portrait est très
ressemblant.
L'année prochaine, le même artiste, tenant de plus
en plus à bien graver ses traits dans la mémoire de
ses contemporains, se peindra vu de dos.
Occupons-nous maintenant des compositions drama-
tiques qui ont le privilège d'attirer les regards de la
foule.
A todtbseigneur tout honneur. Voici d'abord trois
tableaux de M. Eugène Delacroix, qui méritent les