LUNDI 2â MARS 184
Fabrique de c,
-—-ï!!l!^'Ji[e5odela rédaction et ae 1 administration, a Fans,
lassage JouFritnv Ho>U* hue bv croissant, 16 (hôtel coi.bekt)
-uvel établissement611 C
itaurans à prix il» d sortir <
a belle Voïmon ^^É
coquets lui w^**^
~--■---"e> n»i(;
n ■ •------L> ''"lin
Guerison mraiiliblpT" !----
Phann.fcub.
ft.. Par M. HIPp0'LVT; S,
'rocedurc civile, l Ti ,\H
wçiale, id.,7fr.! 3^!
|° du Code pena/et des '"1
'ascal bonnw, docfel,
U, a 1 Enseignement r. - n *t
science. Prix de la pen f„
Lambert Srgjfl
1 *f Palais - Royal, Odéon ' ';
édition... !jj}c
3ts contre les d'eux')'.'.'.'. 50
.Hxm: GEBVAIS rtn
Caoix:23ffiîSgJft
ee : 50 c. par cavalier.
' - , ; - . " " f paris. déi-artkve.s
Trois mois..............>.'.'. i'.' ftffr. 5» Ir.
PARIS. Dlil'ARTEJlKNS.
SEIZIÈME ANNÉE. — N° 81.
ou GRAVURES
js fr. 18 fr. 'iS&BfflkWfà&k iXÊBÊÊÊÊÊL* «* mois..................... 30 no
s*"1015......;;;;;;;;;;;;;;;; 60 ?2 'fi^^^^B^p^^^^^^^K^^^r un numéro................... » «»<••
Joan„ ko . l\TW^nr%mmmKimr\ s Iji^iSt&^r^^tÊÊ^^âi^^^^ Les abonnemens datent desl" etis de chaque mois.
[<,, numéro.........•......... >^t^*Sii5ïM%^^^^«Hf \ ^JîflS9wxSp«nB^ MffiS^HHBIlHiBimn i
i • ibonnemens datent desl<* et 16 de chaque mois. *?.jtâWSÈMSÊÊ^M ^JHBeŒ^Tat WHEHPQWMl-J I —©888®
—(§88$®— âjs|Ô '.ggffl ^Œm^ffXu l WV ^H^pflRQl^l On reçoit en paiement des abonnemens, les inan-
.'abonne : à Lyon, chez Mme Philippe-Baudier, ^ÉrX^HBBMf j|SBH^|^a^|JK IH^M^Inrl daU à vue sur le Trésor et sur la Posle, et les eOVIs
St-Dominique; à Bordeaux, chez MmoDelpech, '^^^^Ê^^^^^jKÊsBuJw^WX^^ ^^V™^^ sl"' les maisons de Banque de Paris. - Toul eu qui
à Marseille, chez M. Michelet-Pcyron et chez ^^^^W'^^^^m^^^^^mi'mMmé^^i concerne l'administration du Journal doit être adret
îte'camoin, libr.; à Rouen, chez Mme Wa
Vieux-Palais ; à Londres, chez W. Thot
therine street; dans les bureaux des Messai
les et générales, et chez tous les libraires.
Camoin, libr.; àBouen, chez Mme Watré, 31, rue <C_ y~\^^^ÊM5S^^^^^^^^^^\jf^^^^ (franco) au Directeur, rue du Croissant, 16 (ancien
f vieux-Palais ; à Londres, chez W.Thomas, 21, Ca- ^^^^^S^—£5;^S--'r" hôtel Colbert). — Les lettres non affranchies seront
du Vieux-
therine street; dans les bureaux des Messageries roya- ^B^g^|!!'S>»et'—--— —-- rigoureusement refusées.
rue Saint Denis, 97. Ba. 1C!
, dimanches, lundis et»
anches et fêles, 2 fr. ; les lundiscl
rue du Croissant, 16,
mm
vanne, notaire
on en province et à l'étranger
drette.
« porteur).
- Usines, rue Grange-aux-B*,
lebars. — adm1mstbatbm:
îns le département de l'Aisne.-
Hme-des- Victoires.
IONNAIRES.
VÉRITABLES
A QUI LE TOUR?
Le jour des funérailles de M. Martin (du Nord), la
foule réunie sur la place Vendôme, après avoir vu
défiler une bonne partie du cortège officiel, dont l'as-
pect guindé n'était pas des plus touchans, remarqua
arec surprise l'attitude profondément affligée des
conseillers de la cour de cassation. L'œil morne et
la tète baissée, ils suivaient tout en pleurs le chemin
de la Madeleine, et l'on s'étonnait de la quantité de
larmes que peut contenir l'œil d'un conseiller de la
cour suprême.
Les regrets que leur laissait le défunt ministre é-
taient sans doute pour beaucoup dans cette douleur ;
mais il existait en outre une circonstance qui ache-
vait de l'expliquer.
jsqu'au n° 6,000, — et lOfr.ljH Cette circonstance, on la connaît déjà: c'est le
s ou'au pair.— Les primes devroot > j
1 connu pour la préséance qui a éclate entre la cour
de cassation et le conseil d'État et qui par le fait a été
vidé au profit de ce dernier corps constitué.
Ce que les journaux n'ont pas raconté, c'est la po-
sition perplexe dans laquelle les prétentions récipro-
ques des deux corps ont placé M. Hébert, qui dési—
, A GÂMDî lau ménager la chèvre de la cour de cassation et le
LT A BRUXELI^. chou du conseil d'État : il s'est vu un moment dans
11 et 13, rue s^niongeta^ la situation embarrassée de don Juan, et la scène de
Molière a été ainsi reproduite.
Us conseil d'état. — Excellence, que faites-
vous là avec la cour de cassation? Est-ce que vous
lui accordez le premier rang?
m. Hébert. — Non, au contraire, c'est elle qui
me témoignait l'envie de l'obtenir, et je lui répon-
dais que j'étais engagé avec vous.
la cour de cassation. — Qu'est-ce que vous
[veutle conseil d'État?
m. hebert. — Il est jaloux de me voir vous par-
ler et voudrait la préséance, mais je lui dis que c'est
a vous que je l'accorde.
ireaus de taî»ac,w»f
mr le tstyau.
zs secrètes, f
ra^aTe et peu coute*
itement dn Docteur
LI1BBT
e médailles et récompenses
ntorgueil, 21»
ations gratuites. . f„,
correspondance- V
la cour de cassation. — Comment donc! mes-
sieurs les conseillers...
m. hébert (bas à la cour de cassation.) — C'est
en vain que vous leur parlerez, ils se sont mis cela
dans la tête.
le conseil d'état. — Quoi... la cour de cassa-
tion!...
m. hébert (bas au eonseil d'État). — Ne dites
rien, c'est une folle.
la cour de cassation. — Il faut savoir la vérité.
le conseil d'état. — Il est urgent de vider la
question... Parlez.
m. hébert.—Que voulez-vous que je dise ! est-
ce que chacun de vous ne sait pas ce qui en est
sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davan-
tage? pourquoi m'exposera des redites? (Bas à la
cour de cassation.) Laissez croire au conseil d'É-
tat tout ce qu'il voudra. (Bas au conseil d'État.)
Laissez la cour suprême se flatter dans son imagi-
nation... (Haut.) Je vouslaisse,mes devoir me forcent
à vous quitter. »
Sur cette parole, la cour de cassation et le conseil
d'État, voulant passer chacun le premier, se sont
rencontrés de front à la porte de la Madeleine ; mais
le conseil d'État ayant eu l'épaule plus forte, a gardé
le pas. C'est ce qui a fait dire à M. Vatout : « La
cour suprême voulait devancer le conseil d'État, et
elle ne peut que passer derrière; son orgueil en
rabat. »
UNE GRATIFICATION.
Je viens de rencontrer mon ami
Badouillard. Il avait l'air presque
affairé et marchait à grands pas, se
dirigeant du boulevart des Italiens
à la Madeleine.
« Où vas-tu, Badouillard, lui ai-
! je dit, le voyant dans cet état anor-
mal.
— Je gage, m'a-t-il répondu,
que tu ne le devinerais pas.
— Si tu marchais moins vite, je
croirais que tu vas faire un tour au
bois.
— Oh non ! si la fantaisie me vient d'aller aux
Champs-Elysées, je prends toujours le Palais-Royal
et la rue de Rivoli plutôt que les boulevards, quoi-
que ce soit plus long.
— Et pourquoi ce détour ?
— Si je passais par le boulevard, on pourrait croi-
re que je vais à mon ministère. »
Il faut vous dire, en effet, que Badouillard est em-
ployé au ministère des affaires étrangères, où l'in-
fluence de quelque gros bonnet, deM.Molé, je crois,
l'a casé et le maintient contre vents et marées. Le
vent, c'est l'indifférence de M. Guizot qui se soucie
fort peu de Badouillard, peut-être parce que ce n'est
pas sa créature ; la marée, c'est la propre indiffé-
rence de Badouillart, dont l'unique préoccupation est
de fuir son bureau depuis qu'il doit y aller. Hors les
jours d'émargement, il est rare qu'on l'y voie. Aussi
ses camarades l'appellent-ils un employé bisextile,
parce qu'il vient tous les six ans.
Badouillard reprit : « Je suis furieux, mon cher.
— Et pour quelle cause ?
—Nous sommes déjà presque à la fin de mars et
je n'ai encore reçu du ministère aucune gratification
de fin d'année.
— Peut-être n'en distribuera-t-on pas ou n'est-
elle pas encore distribuée. Si les employés que cela
regarde sont laborieux comme toi, la besogne ne doit
pas marcher bien vite.
— Elle est distribuée, mon bon ; les autres l'ont
reçue, et l'on a fait pour moi une blessante texcep-
tion.
— Oh ! oh ! blessante...Permets-moi de te dire que
je la trouve naturelle.
— Comment donc !
— Tu vas à ton bureau?...
— Le plus rarement possible.
— Et tu y restes?...
— Le moins longtemps possible.
— Et tu veux qu'on te gratifie?
— C'est précisément pour cela qu'on le doit.
— Je ne comprends pas.
— Écoute bien. La gratification est donnée pour
travaux extraordinaires. Or, comme d'ordinaire je ne
fais rien, il est clair que le peu que je fais est un tra-
vail extraordinaire.
— Ah oui!
— Je soutiens même que je devrais être le seul
à être gratifié. Les autres , qui viennent tous les ma-
tins à la même heure et s'en vont tous les soirs à la
même demi-heure, faisant tous les jours la même
besogne, ne se livrent jamais à des travaux extraor-
dinaires; tout est pour eux travail ordinaire. Il n'y a
que moi qui fasse des travaux extraordinaires, parce
que je ne puis pas travailler sans que ce soit extra-
ordinairement.
Fabrique de c,
-—-ï!!l!^'Ji[e5odela rédaction et ae 1 administration, a Fans,
lassage JouFritnv Ho>U* hue bv croissant, 16 (hôtel coi.bekt)
-uvel établissement611 C
itaurans à prix il» d sortir <
a belle Voïmon ^^É
coquets lui w^**^
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'rocedurc civile, l Ti ,\H
wçiale, id.,7fr.! 3^!
|° du Code pena/et des '"1
'ascal bonnw, docfel,
U, a 1 Enseignement r. - n *t
science. Prix de la pen f„
Lambert Srgjfl
1 *f Palais - Royal, Odéon ' ';
édition... !jj}c
3ts contre les d'eux')'.'.'.'. 50
.Hxm: GEBVAIS rtn
Caoix:23ffiîSgJft
ee : 50 c. par cavalier.
' - , ; - . " " f paris. déi-artkve.s
Trois mois..............>.'.'. i'.' ftffr. 5» Ir.
PARIS. Dlil'ARTEJlKNS.
SEIZIÈME ANNÉE. — N° 81.
ou GRAVURES
js fr. 18 fr. 'iS&BfflkWfà&k iXÊBÊÊÊÊÊL* «* mois..................... 30 no
s*"1015......;;;;;;;;;;;;;;;; 60 ?2 'fi^^^^B^p^^^^^^^K^^^r un numéro................... » «»<••
Joan„ ko . l\TW^nr%mmmKimr\ s Iji^iSt&^r^^tÊÊ^^âi^^^^ Les abonnemens datent desl" etis de chaque mois.
[<,, numéro.........•......... >^t^*Sii5ïM%^^^^«Hf \ ^JîflS9wxSp«nB^ MffiS^HHBIlHiBimn i
i • ibonnemens datent desl<* et 16 de chaque mois. *?.jtâWSÈMSÊÊ^M ^JHBeŒ^Tat WHEHPQWMl-J I —©888®
—(§88$®— âjs|Ô '.ggffl ^Œm^ffXu l WV ^H^pflRQl^l On reçoit en paiement des abonnemens, les inan-
.'abonne : à Lyon, chez Mme Philippe-Baudier, ^ÉrX^HBBMf j|SBH^|^a^|JK IH^M^Inrl daU à vue sur le Trésor et sur la Posle, et les eOVIs
St-Dominique; à Bordeaux, chez MmoDelpech, '^^^^Ê^^^^^jKÊsBuJw^WX^^ ^^V™^^ sl"' les maisons de Banque de Paris. - Toul eu qui
à Marseille, chez M. Michelet-Pcyron et chez ^^^^W'^^^^m^^^^^mi'mMmé^^i concerne l'administration du Journal doit être adret
îte'camoin, libr.; à Rouen, chez Mme Wa
Vieux-Palais ; à Londres, chez W. Thot
therine street; dans les bureaux des Messai
les et générales, et chez tous les libraires.
Camoin, libr.; àBouen, chez Mme Watré, 31, rue <C_ y~\^^^ÊM5S^^^^^^^^^^\jf^^^^ (franco) au Directeur, rue du Croissant, 16 (ancien
f vieux-Palais ; à Londres, chez W.Thomas, 21, Ca- ^^^^^S^—£5;^S--'r" hôtel Colbert). — Les lettres non affranchies seront
du Vieux-
therine street; dans les bureaux des Messageries roya- ^B^g^|!!'S>»et'—--— —-- rigoureusement refusées.
rue Saint Denis, 97. Ba. 1C!
, dimanches, lundis et»
anches et fêles, 2 fr. ; les lundiscl
rue du Croissant, 16,
mm
vanne, notaire
on en province et à l'étranger
drette.
« porteur).
- Usines, rue Grange-aux-B*,
lebars. — adm1mstbatbm:
îns le département de l'Aisne.-
Hme-des- Victoires.
IONNAIRES.
VÉRITABLES
A QUI LE TOUR?
Le jour des funérailles de M. Martin (du Nord), la
foule réunie sur la place Vendôme, après avoir vu
défiler une bonne partie du cortège officiel, dont l'as-
pect guindé n'était pas des plus touchans, remarqua
arec surprise l'attitude profondément affligée des
conseillers de la cour de cassation. L'œil morne et
la tète baissée, ils suivaient tout en pleurs le chemin
de la Madeleine, et l'on s'étonnait de la quantité de
larmes que peut contenir l'œil d'un conseiller de la
cour suprême.
Les regrets que leur laissait le défunt ministre é-
taient sans doute pour beaucoup dans cette douleur ;
mais il existait en outre une circonstance qui ache-
vait de l'expliquer.
jsqu'au n° 6,000, — et lOfr.ljH Cette circonstance, on la connaît déjà: c'est le
s ou'au pair.— Les primes devroot > j
1 connu pour la préséance qui a éclate entre la cour
de cassation et le conseil d'État et qui par le fait a été
vidé au profit de ce dernier corps constitué.
Ce que les journaux n'ont pas raconté, c'est la po-
sition perplexe dans laquelle les prétentions récipro-
ques des deux corps ont placé M. Hébert, qui dési—
, A GÂMDî lau ménager la chèvre de la cour de cassation et le
LT A BRUXELI^. chou du conseil d'État : il s'est vu un moment dans
11 et 13, rue s^niongeta^ la situation embarrassée de don Juan, et la scène de
Molière a été ainsi reproduite.
Us conseil d'état. — Excellence, que faites-
vous là avec la cour de cassation? Est-ce que vous
lui accordez le premier rang?
m. Hébert. — Non, au contraire, c'est elle qui
me témoignait l'envie de l'obtenir, et je lui répon-
dais que j'étais engagé avec vous.
la cour de cassation. — Qu'est-ce que vous
[veutle conseil d'État?
m. hebert. — Il est jaloux de me voir vous par-
ler et voudrait la préséance, mais je lui dis que c'est
a vous que je l'accorde.
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ra^aTe et peu coute*
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en vain que vous leur parlerez, ils se sont mis cela
dans la tête.
le conseil d'état. — Quoi... la cour de cassa-
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m. hébert (bas au eonseil d'État). — Ne dites
rien, c'est une folle.
la cour de cassation. — Il faut savoir la vérité.
le conseil d'état. — Il est urgent de vider la
question... Parlez.
m. hébert.—Que voulez-vous que je dise ! est-
ce que chacun de vous ne sait pas ce qui en est
sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davan-
tage? pourquoi m'exposera des redites? (Bas à la
cour de cassation.) Laissez croire au conseil d'É-
tat tout ce qu'il voudra. (Bas au conseil d'État.)
Laissez la cour suprême se flatter dans son imagi-
nation... (Haut.) Je vouslaisse,mes devoir me forcent
à vous quitter. »
Sur cette parole, la cour de cassation et le conseil
d'État, voulant passer chacun le premier, se sont
rencontrés de front à la porte de la Madeleine ; mais
le conseil d'État ayant eu l'épaule plus forte, a gardé
le pas. C'est ce qui a fait dire à M. Vatout : « La
cour suprême voulait devancer le conseil d'État, et
elle ne peut que passer derrière; son orgueil en
rabat. »
UNE GRATIFICATION.
Je viens de rencontrer mon ami
Badouillard. Il avait l'air presque
affairé et marchait à grands pas, se
dirigeant du boulevart des Italiens
à la Madeleine.
« Où vas-tu, Badouillard, lui ai-
! je dit, le voyant dans cet état anor-
mal.
— Je gage, m'a-t-il répondu,
que tu ne le devinerais pas.
— Si tu marchais moins vite, je
croirais que tu vas faire un tour au
bois.
— Oh non ! si la fantaisie me vient d'aller aux
Champs-Elysées, je prends toujours le Palais-Royal
et la rue de Rivoli plutôt que les boulevards, quoi-
que ce soit plus long.
— Et pourquoi ce détour ?
— Si je passais par le boulevard, on pourrait croi-
re que je vais à mon ministère. »
Il faut vous dire, en effet, que Badouillard est em-
ployé au ministère des affaires étrangères, où l'in-
fluence de quelque gros bonnet, deM.Molé, je crois,
l'a casé et le maintient contre vents et marées. Le
vent, c'est l'indifférence de M. Guizot qui se soucie
fort peu de Badouillard, peut-être parce que ce n'est
pas sa créature ; la marée, c'est la propre indiffé-
rence de Badouillart, dont l'unique préoccupation est
de fuir son bureau depuis qu'il doit y aller. Hors les
jours d'émargement, il est rare qu'on l'y voie. Aussi
ses camarades l'appellent-ils un employé bisextile,
parce qu'il vient tous les six ans.
Badouillard reprit : « Je suis furieux, mon cher.
— Et pour quelle cause ?
—Nous sommes déjà presque à la fin de mars et
je n'ai encore reçu du ministère aucune gratification
de fin d'année.
— Peut-être n'en distribuera-t-on pas ou n'est-
elle pas encore distribuée. Si les employés que cela
regarde sont laborieux comme toi, la besogne ne doit
pas marcher bien vite.
— Elle est distribuée, mon bon ; les autres l'ont
reçue, et l'on a fait pour moi une blessante texcep-
tion.
— Oh ! oh ! blessante...Permets-moi de te dire que
je la trouve naturelle.
— Comment donc !
— Tu vas à ton bureau?...
— Le plus rarement possible.
— Et tu y restes?...
— Le moins longtemps possible.
— Et tu veux qu'on te gratifie?
— C'est précisément pour cela qu'on le doit.
— Je ne comprends pas.
— Écoute bien. La gratification est donnée pour
travaux extraordinaires. Or, comme d'ordinaire je ne
fais rien, il est clair que le peu que je fais est un tra-
vail extraordinaire.
— Ah oui!
— Je soutiens même que je devrais être le seul
à être gratifié. Les autres , qui viennent tous les ma-
tins à la même heure et s'en vont tous les soirs à la
même demi-heure, faisant tous les jours la même
besogne, ne se livrent jamais à des travaux extraor-
dinaires; tout est pour eux travail ordinaire. Il n'y a
que moi qui fasse des travaux extraordinaires, parce
que je ne puis pas travailler sans que ce soit extra-
ordinairement.