CINQUANTE-SIXIÈME ANNÉE
Prix du Numéro : S 5 oentimea
JEUDI 21 JUILLET 1887
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois
Six mois..
Un an.
18 fr.
36 —
72 —
Lit abonnements parlent des itT et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en €lief
BUREAUX
PB LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois... 20 tt.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
Vabonnement d un an donne droit à la prime gratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
P1E1U1E VERON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier db la publicité
Rue Joquelet, 11
CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
La pudeur anglaise me paraît perfide, comme tout
ce qui caractérise Albion.
On sait avec quelle audacieuse hypocrisie le jésui-
tisme protestant, qui vaut l’autre, feint de stigma-
tiser à tout propos les vices français.
Mais allez à Londres et vous verrez dans les rues
grouiller la plus immonde, la plus cynique, la plus
encombrante des prostitutions.
Cela étant, on ne sait vraiment quelle mouche a
piqué dernièrement la police anglaise et l’a poussée
à copier soudain les excès de zèle qui ont trop sou-
vent illustré ici la brigade des mœurs.
Le correspondant anglais du Figaro a donné sur
cette affaire de très curieux détails.
Il s’agissait d’une gentille couturière, — comme
dit une chanson antique.
Et cette gentille couturière a failli, ni plus ni
moins, flanquer par terre le cabinet Salisbury.
Oh! bien sans le vouloir, la pauvrette!
Mlle Cass, sortant de son magasin à quatre heures
de l’après-midi, est arrêtée par un constable, empri-
sonnée et comparaît le lendemain au tribunal de po-
lice, présidé par M. Newton. Au rôle de la Cour, elle
est désignée comme prostituée, et M. Newton, en la
renvoyant sans condamnation, croit néanmoins de-
voir lui adresser une remontrance : Si vous êtes
réellement une fille honnête, dit le magistrat, vous
ne devez pas vous promener dans Regent-Street, et
si l’on vous y rencontre encore, vous serez amenée
à mon tribunal et je vous enverrai en prison. »
Or, miss Cass est, paraît-il, une fille sage, ses pa-
trons passés et présents fournissent sur elle les
meilleurs renseignements, et elle est incapable, con-
trairement à l’affirmation du policeman, d’avoir
adressé à trois messieurs des invitations à la suivre.
Il est évident que cette désignation de prostituée
sur les registres du tribunal était inexacte.
On interpella le ministre de l’intérieur.
Il répondit — les ministres sont donc les mêmes
partout? — il répondit :
— Est-ce que je sais !
La réplique ne parut pas suffisante.
Et peu s’en fallut qu’une crise ne fût ouverte.
Tout s’est calme.
Seulement, on a donné aux agents une consigne
nouvelle.
Celle d’empêcher le stationnement dans les
carrefours, et de n’appréhender une femme que
sur réquisition formelle d’un individu du sexe
male ; et encore le requérant devra-t-il accompagner
au poste la délinquante, signer l’accusation et s’en-
gager à comparaître au tribunal.
« Quelle est la personne, se demande le correspon-
dant du Figaro, qui se soumettra à ces obligations
et qui consentira à voir son nom figurer dans tous
les journaux en compagnie de celui d’une dame lé-
gère ? Si moraux que désirent paraître les Anglais,
je crois qu’il y en aura un bien petit nombre qui se
décideront à jouir d’une publicité aussi scabreuse. »
En effet! Il y aura encore de beaux soirs pour les
chasseuses d’hommes dans la chas le ville de Lon-
dres, où cette chasse commence à l’âge de dix ans.
Chain contait, à ce propos, une anecdote typique.
Il visitait la capitale de la très Grande-Bretagne.
Il est happé, le soir, par une gamine hideuse. Une
enfant qui lui fait d’immondes propositions.
Chain la rembarre. Elle iusiste.
Il l’envoie au diable. Elle s’acharne.
Lui, alors, en anglais, pour la décourager :
— D’ailleurs, je n’ai que dix sous sur moi.
Mais elle se redressant :
— Est-ce que vous croyez qu’on n’a pas de quoi
vous rendre?...
L’anecdote, très authentique, donne le la de cette
pudeur anglaise qui se signale par des précocités
abominables, faisant pendant à ces simagrées de
puritanisme qui ne trompent personne.
Une enquête a été ouverte hf-bas à propos de
miss Cass. . yL. x
On feint de mener grand bruit de tout cela.
Et après ? Après, la dépravation suivra son petit
bonhomme de chemin.
La conclusion du correspondant par nous visé était
tout à fait juste :
« Depuis des années, disait-il, on cherche le
moyen de faire supposer que Londres est la ville
vertueuse par excellence ; on n’y est pas encore par-
venu et l’on n’y parviendra jamais. On a supprimé
les bals, on n’accorde qu’avec des difficultés ridi-
cules les licences des cafés-chantants : et la popu-
lation interlope qui fréquentait ces établissements
se répand dans les rues, dont elle prend possession
et dont on ne peut la chasser. Le remède le plus effi-
cace serait précisément de faciliter la création de
ces endroits, dits de plaisir, et dans lesquels en réa-
lité ne se traitent que des transaclions assez irrégu-
lières, mais reconnues indispensables de temps im-
mémorial. »
Relisez Auguste Barbier et vous saurez à quoi
vous eu tenir sur la vertu de Londres.
Dans ce temps-là c’était déjà comme ça.
Continuation aujourd’hui, continuation demain et
les années suivantes.
Il y a là un mélange de cynisme et de singerie qui
écœure.
Pierre Yéron.
♦
Il y a toujours des fabricants de pavés de l’ours.
C’est l’un d’eux, sans doute, qui a attribué à
M. Rouvierce propos fâcheux :
— Il n'y a que les gouvernements faibles et dont on
se moque qu'on renverse. Moi, fai de Vènergie et
j'irai jusqu'au bout !
Au bout... de quoi?
Du fossé ?
M. Rouvicr devrait savoir que c’est là' qu’on
trouve la culbute.
Le propos n’a, d’ailleurs, aucun sens.
Les gouvernements dits à poigne ont tous été mis
à la porte.
M. de Poliguac — Rouvier du temps — s’écriait
aussi :
— J’irai jusqu’au bout.
Charles X sait où cela le mena.
X
Autre pavé.
Les journaux clérico-monarchistes ont à l’envi
reproduit cette mirlitonnade de M. de Pontmartin :
Que dire d’un vieillard, grand consommateur d’encre,
A qui la Galette offre un superbe encrier ?
N’est-ce pas le cas de crier :
Ah ! c’est vers d’autres bords que tu dois jeter l’ancre !
Quand un homme ale malheur de laisser échapper
de ces rimes-là, l’amitié le cache soigneusement
d’ordinaire.
Je voudrais bien, entre autres choses, et en dédai-
gnant le calembour burlesque qui orne ce quatrain^
je voudrais bien que M. de Pontmartin nous expli*
quât comment on peut jeter Vancre vers des ri-
vages."
Est-ce qu’il se figure, par hasard, que c’est avec
l’ancre qu’on gouverne un vaisseau?
Le petit Père Didon fabrique un nouveau roman.
Titre : Jésus.
Il s’est enfermé pour cela.
La peine précédant le crime.
Le roman du susdit doit être soumis, avant publi-
cation, à l’approbation de Léon XIII.
Consultera-t-on aussi M. Léo Taxil, le nouvel in-
time du pape ?
X
Pas mal !
Les Américains nous précèdent décidément dans
la voie du progrès.
Là-bas, il paraît que, pendant la saison des bains,
les industriels et les commerçants louent des bai-
gneurs et surtout des baigneuses aux formes les plus
élégantes, dont les costumes sont émaillés d’allé-
chantes affiches.
— Espérons, dit un journal, que bientôt cette
mode s'introduira chez nous, afin que les heureux
mortels qui se rendent sur les bords de la mer n’ou-
blient pas trop l’aspect bigarré des boulevards de-
puis quelques années.
Puisqu’on est en train de formuler des vœux, je
demande, moi, que les réclames soient localisées.
Le Lait Mamilla par devant, au nord.
Les purgatifs au sud, de l’autre côté.
Et ainsi de suite.
X
Voilà donc une profession nouvelle pour la femme,
qui se plaint toujours de ne pas avoir de débouchés.
Elle pourrait, en outre, s’annoncer elle-même.
Je savourerais volontiers la contemplation d’un
costume de bain qui dirait, sur le dos d’une damoi^
selle :
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La pudeur anglaise me paraît perfide, comme tout
ce qui caractérise Albion.
On sait avec quelle audacieuse hypocrisie le jésui-
tisme protestant, qui vaut l’autre, feint de stigma-
tiser à tout propos les vices français.
Mais allez à Londres et vous verrez dans les rues
grouiller la plus immonde, la plus cynique, la plus
encombrante des prostitutions.
Cela étant, on ne sait vraiment quelle mouche a
piqué dernièrement la police anglaise et l’a poussée
à copier soudain les excès de zèle qui ont trop sou-
vent illustré ici la brigade des mœurs.
Le correspondant anglais du Figaro a donné sur
cette affaire de très curieux détails.
Il s’agissait d’une gentille couturière, — comme
dit une chanson antique.
Et cette gentille couturière a failli, ni plus ni
moins, flanquer par terre le cabinet Salisbury.
Oh! bien sans le vouloir, la pauvrette!
Mlle Cass, sortant de son magasin à quatre heures
de l’après-midi, est arrêtée par un constable, empri-
sonnée et comparaît le lendemain au tribunal de po-
lice, présidé par M. Newton. Au rôle de la Cour, elle
est désignée comme prostituée, et M. Newton, en la
renvoyant sans condamnation, croit néanmoins de-
voir lui adresser une remontrance : Si vous êtes
réellement une fille honnête, dit le magistrat, vous
ne devez pas vous promener dans Regent-Street, et
si l’on vous y rencontre encore, vous serez amenée
à mon tribunal et je vous enverrai en prison. »
Or, miss Cass est, paraît-il, une fille sage, ses pa-
trons passés et présents fournissent sur elle les
meilleurs renseignements, et elle est incapable, con-
trairement à l’affirmation du policeman, d’avoir
adressé à trois messieurs des invitations à la suivre.
Il est évident que cette désignation de prostituée
sur les registres du tribunal était inexacte.
On interpella le ministre de l’intérieur.
Il répondit — les ministres sont donc les mêmes
partout? — il répondit :
— Est-ce que je sais !
La réplique ne parut pas suffisante.
Et peu s’en fallut qu’une crise ne fût ouverte.
Tout s’est calme.
Seulement, on a donné aux agents une consigne
nouvelle.
Celle d’empêcher le stationnement dans les
carrefours, et de n’appréhender une femme que
sur réquisition formelle d’un individu du sexe
male ; et encore le requérant devra-t-il accompagner
au poste la délinquante, signer l’accusation et s’en-
gager à comparaître au tribunal.
« Quelle est la personne, se demande le correspon-
dant du Figaro, qui se soumettra à ces obligations
et qui consentira à voir son nom figurer dans tous
les journaux en compagnie de celui d’une dame lé-
gère ? Si moraux que désirent paraître les Anglais,
je crois qu’il y en aura un bien petit nombre qui se
décideront à jouir d’une publicité aussi scabreuse. »
En effet! Il y aura encore de beaux soirs pour les
chasseuses d’hommes dans la chas le ville de Lon-
dres, où cette chasse commence à l’âge de dix ans.
Chain contait, à ce propos, une anecdote typique.
Il visitait la capitale de la très Grande-Bretagne.
Il est happé, le soir, par une gamine hideuse. Une
enfant qui lui fait d’immondes propositions.
Chain la rembarre. Elle iusiste.
Il l’envoie au diable. Elle s’acharne.
Lui, alors, en anglais, pour la décourager :
— D’ailleurs, je n’ai que dix sous sur moi.
Mais elle se redressant :
— Est-ce que vous croyez qu’on n’a pas de quoi
vous rendre?...
L’anecdote, très authentique, donne le la de cette
pudeur anglaise qui se signale par des précocités
abominables, faisant pendant à ces simagrées de
puritanisme qui ne trompent personne.
Une enquête a été ouverte hf-bas à propos de
miss Cass. . yL. x
On feint de mener grand bruit de tout cela.
Et après ? Après, la dépravation suivra son petit
bonhomme de chemin.
La conclusion du correspondant par nous visé était
tout à fait juste :
« Depuis des années, disait-il, on cherche le
moyen de faire supposer que Londres est la ville
vertueuse par excellence ; on n’y est pas encore par-
venu et l’on n’y parviendra jamais. On a supprimé
les bals, on n’accorde qu’avec des difficultés ridi-
cules les licences des cafés-chantants : et la popu-
lation interlope qui fréquentait ces établissements
se répand dans les rues, dont elle prend possession
et dont on ne peut la chasser. Le remède le plus effi-
cace serait précisément de faciliter la création de
ces endroits, dits de plaisir, et dans lesquels en réa-
lité ne se traitent que des transaclions assez irrégu-
lières, mais reconnues indispensables de temps im-
mémorial. »
Relisez Auguste Barbier et vous saurez à quoi
vous eu tenir sur la vertu de Londres.
Dans ce temps-là c’était déjà comme ça.
Continuation aujourd’hui, continuation demain et
les années suivantes.
Il y a là un mélange de cynisme et de singerie qui
écœure.
Pierre Yéron.
♦
Il y a toujours des fabricants de pavés de l’ours.
C’est l’un d’eux, sans doute, qui a attribué à
M. Rouvierce propos fâcheux :
— Il n'y a que les gouvernements faibles et dont on
se moque qu'on renverse. Moi, fai de Vènergie et
j'irai jusqu'au bout !
Au bout... de quoi?
Du fossé ?
M. Rouvicr devrait savoir que c’est là' qu’on
trouve la culbute.
Le propos n’a, d’ailleurs, aucun sens.
Les gouvernements dits à poigne ont tous été mis
à la porte.
M. de Poliguac — Rouvier du temps — s’écriait
aussi :
— J’irai jusqu’au bout.
Charles X sait où cela le mena.
X
Autre pavé.
Les journaux clérico-monarchistes ont à l’envi
reproduit cette mirlitonnade de M. de Pontmartin :
Que dire d’un vieillard, grand consommateur d’encre,
A qui la Galette offre un superbe encrier ?
N’est-ce pas le cas de crier :
Ah ! c’est vers d’autres bords que tu dois jeter l’ancre !
Quand un homme ale malheur de laisser échapper
de ces rimes-là, l’amitié le cache soigneusement
d’ordinaire.
Je voudrais bien, entre autres choses, et en dédai-
gnant le calembour burlesque qui orne ce quatrain^
je voudrais bien que M. de Pontmartin nous expli*
quât comment on peut jeter Vancre vers des ri-
vages."
Est-ce qu’il se figure, par hasard, que c’est avec
l’ancre qu’on gouverne un vaisseau?
Le petit Père Didon fabrique un nouveau roman.
Titre : Jésus.
Il s’est enfermé pour cela.
La peine précédant le crime.
Le roman du susdit doit être soumis, avant publi-
cation, à l’approbation de Léon XIII.
Consultera-t-on aussi M. Léo Taxil, le nouvel in-
time du pape ?
X
Pas mal !
Les Américains nous précèdent décidément dans
la voie du progrès.
Là-bas, il paraît que, pendant la saison des bains,
les industriels et les commerçants louent des bai-
gneurs et surtout des baigneuses aux formes les plus
élégantes, dont les costumes sont émaillés d’allé-
chantes affiches.
— Espérons, dit un journal, que bientôt cette
mode s'introduira chez nous, afin que les heureux
mortels qui se rendent sur les bords de la mer n’ou-
blient pas trop l’aspect bigarré des boulevards de-
puis quelques années.
Puisqu’on est en train de formuler des vœux, je
demande, moi, que les réclames soient localisées.
Le Lait Mamilla par devant, au nord.
Les purgatifs au sud, de l’autre côté.
Et ainsi de suite.
X
Voilà donc une profession nouvelle pour la femme,
qui se plaint toujours de ne pas avoir de débouchés.
Elle pourrait, en outre, s’annoncer elle-même.
Je savourerais volontiers la contemplation d’un
costume de bain qui dirait, sur le dos d’une damoi^
selle :