I
ugène Piot est né à Paris en 1812. Son
père, qui habitait Tournus, en Bour-
gogne, voulait en faire un agriculteur, et
le laissa, jusqu’à l’âge de treize ans, dans
son domaine de Germolles, sans s’occuper
de son éducation. Ce fut sur les instances-
du baron Alibert, médecin de Louis XVIII
et ami de la famille, qu’il consentit à mettre-
son fils chez un professeur. A vrai dire,
élevé en liberté, l’humeur indépendante et déjà volontaire, le jeune écolier
s’accommodait mal du régime de la pension et préférait à la classe les-
parties chez son ami Montigneul, fils du marchand de curiosités, où l’on
s’amusait à coiffer les casques de la Renaissance, à revêtir les vieilles-
cuirasses et à faire jouer les arquebuses.
Son père mourut en 1832, lui laissant une petite fortune. Dès lors,
maître de lui-même, Piot se jette à corps perdu dans la mêlée parisienne.
Ardent au plaisir, la tête chaude et batailleuse, passionné pour la poli-
tique, la danse, la musique et le romantisme, il mène de front le plaisir
et le travail, passe du bal de l’Opéra aux cours de baccalauréat, de l’École
de Danse à l’École de Droit, et surtout visite les quais, les boulevards et
le Carrousel, à la recherche des vieux livres et des vieilles estampes.
« Votre bibliomanie en est-elle donc venue à vous absorber complète-
ment ? lui écrit un ami de Bourgogne ; vous ne me dites pas un mot de
Marie Tudor et des nouvelles publications du grand Victor, ni des Fran-
çais, ni de l’Opéra, ni de Julie Grisi : et cependant vous êtes plutôt à tout
cela qu’aux Grecs et aux Latins. »
ugène Piot est né à Paris en 1812. Son
père, qui habitait Tournus, en Bour-
gogne, voulait en faire un agriculteur, et
le laissa, jusqu’à l’âge de treize ans, dans
son domaine de Germolles, sans s’occuper
de son éducation. Ce fut sur les instances-
du baron Alibert, médecin de Louis XVIII
et ami de la famille, qu’il consentit à mettre-
son fils chez un professeur. A vrai dire,
élevé en liberté, l’humeur indépendante et déjà volontaire, le jeune écolier
s’accommodait mal du régime de la pension et préférait à la classe les-
parties chez son ami Montigneul, fils du marchand de curiosités, où l’on
s’amusait à coiffer les casques de la Renaissance, à revêtir les vieilles-
cuirasses et à faire jouer les arquebuses.
Son père mourut en 1832, lui laissant une petite fortune. Dès lors,
maître de lui-même, Piot se jette à corps perdu dans la mêlée parisienne.
Ardent au plaisir, la tête chaude et batailleuse, passionné pour la poli-
tique, la danse, la musique et le romantisme, il mène de front le plaisir
et le travail, passe du bal de l’Opéra aux cours de baccalauréat, de l’École
de Danse à l’École de Droit, et surtout visite les quais, les boulevards et
le Carrousel, à la recherche des vieux livres et des vieilles estampes.
« Votre bibliomanie en est-elle donc venue à vous absorber complète-
ment ? lui écrit un ami de Bourgogne ; vous ne me dites pas un mot de
Marie Tudor et des nouvelles publications du grand Victor, ni des Fran-
çais, ni de l’Opéra, ni de Julie Grisi : et cependant vous êtes plutôt à tout
cela qu’aux Grecs et aux Latins. »