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Faure, Élie
Histoire de l'art ([Band 3]): L'art renaissant — Paris: Librarie Plon, 1948

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https://doi.org/10.11588/diglit.71102#0065
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langage qui répondait à ses désirs. Si, après cent ans de tortures, elle
retrouva une forme qui rappelait la forme antique à la surface, c'est
que la forme antique avait été, comme le fut la peinture des xve
et xvie siècles elle-même, une expression nécessaire des peuples gréco-
latins.
Un moment même, en plein humanisme, alors que Laurent de
Médicis organisait et chantait ses Triomphes, que les cortèges païens
défilaient parmi les clameurs et les rixes devant la Loggia dei Lanzi
et que Politien écrivait ses Stances, l'âme florentine parut sur le point
d'arrêter dans la vie réelle, transfigurée par un grand peintre, l'évo-
lution du génie italien vers l'idéalisme plastique que réalisèrent les
artistes dans le siècle qui suivit. Tandis que Botticelli poussaitjusqu'aux
plus extrêmes développements littéraires ce qu'il y a d'artificiel dans
l'œuvre de Filippo Lippi, Ghirlandajo y choisissait la part la plus
directe et la plus saine. Nous n'avons pas de la vie florentine d'image
plus fidèle que celle qu'il nous en laissa. Et malgré son dessin violent,
ses orchestrations un peu confuses, mais puissantes, malgré l'accent
de ses portraits, corps nerveux, jambes osseuses, figures maigres à
qui la passion concentrée donnait un caractère grave, triste, un peu
hagard, on ne peut pas en dire autant de Filippino Lippi. Il hésita
toute sa vie et ne sut jamais choisir entre ce qu'il avait appris par
l'œuvre de son père et les influences opposées de Ghirlandajo et de
Botticelli. Quant au rude Verrocchio, le seul des grands contemporains
de ces trois peintres qui subit comme eux l'action dominatrice de Dona-
tello et de Filippo Lippi, les problèmes de perspective et les dissections
d'anatomie prenaient presque tout son temps. Lorsqu'il faisait de
la sculpture, il attachait plus de prix à la façon dont il travaillait
la matière et jetait au moule le bronze de ses statues qu'à ses statues
elles-mêmes, leur orgueil, leur emportement, leur brutalité conqué-
rante. Lorsqu'il faisait de la peinture, il s'appliquait à se forger, au
contact des formes ondoyantes et des paysages bruissants, un style
dur comme un métal.
Ghirlandajo fut le seul à aimer la peinture pour elle-même. Seul
il eut cette joie de peindre qui fit la gloire de Venise et des Flamands.
Il regrettait de ne pas avoir « le circuit des murs de Florence à cou-
vrir de peinture » (i). Seul avec Gozzoli — venu trente ans plus tôt,
s'il s'en alla un peu plus tard — seul parmi tous les Florentins il sut
voir les paysages s'enfoncer entre les collines, seul il fit fuir les grandes
salles carrelées, les terrasses, les ciels où se détache le profil net des
campaniles et des tours. S'il ne parut pas comprendre, à l'exemple,
(i) Vasari.

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