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de Masaccio, le rôle essentiel des lumières et des ombres, il tenta
seul de réunir les uns aux autres par l'atmosphère, l'équilibre des
groupes et les valeurs exactes, les plans qui donnent aux plus auda-
cieuses transpositions plastiques l'apparence du réel. Seul depuis
Masaccio, et jusqu'à Vinci, et plus que Vinci peut-être, il tenta de
sortir de ce primitivisme intellectuel qui fit l'originalité et la faiblesse
de Florence. Il y gagna et y perdit. C'est l'Italien de son époque qui
est, par son langage, le plus près des grandes époques. C'est peut-
être celui qui en est le plus éloigné en lyrisme et en royauté.
Il n'éprouva pas de remords à transporter dans l'existence fami-
lière des grands bourgeois de son pays la mythologie chrétienne.
Sobre, dans un temps où les peintres accumulaient sans ordre leurs
figures, accordaient leurs tons confusément, surchargeaient leurs
compositions de fleurs et d'étoffes voyantes, il sut pourtant faire
défiler de beaux cortèges, orchestrer avec magnificence les orangés,
les rouges sourds, les lilas, les verts, disperser sur les nappes blanches,
les meubles, le rebord des croisées ouvertes, des corbeilles de fruits,
des bouquets, des verres sonores, des paons étalant les pierreries de
leurs queues en éventail. Il comprenait les jeunes femmes de Florence
que Filippo Lippi avait trop furieusement aimées pour les regarder
sainement. Elles marchaient dans leurs robes à broderies d'argent,
leurs belles mains jointes sur la ceinture. Elles tournaient vers lui leur
visage allongé et fin, un peu malade, sans beauté, mais d'un charme
si imprévu, si grave avec sa bouche et ses yeux tristes, son cou trop
frêle pour le poids des tresses blondes, son air de fleur trop lourde pour
sa tige et fanée avant l'éclosion. Elles causaient entre elles, tendaient
aux nouveaux-nés la poitrine ou les bras, portaient du linge ou des
corbeilles, vaquaient aux soins d'un ménage élégant. Parfois, elles
sortaient sur des terrasses d'où l'on voyait s'enfuir un paysage discret,
aéré, précis, un paysage toscan encombré de collines, semé de pins
et de cultures avec un ciel d'argent où passaient de grands oiseaux.
Il n'y a peut-être pas un seul autre « intimiste » en cette Italie
passionnée dont la gloire est surtout d'avoir traduit le drame humain
avec le drame universel en généralisations transposées dans la peinture.
Comme tous les Italiens, sans doute, Ghirlandajo est un décorateur.
Son style est trop tendu pour raconter la paix des soirs et des repas
dans les demeures. Il est inquiet, le drame rôde. L'homme le plus épris
du silence et du foyer n'échappe pas au génie de sa race. A un peuple
qui vit dans la rue ou se penche aux fenêtres au bruit des rixes, des
chansons, des causeries, des fêtes, qui a pour spectacle fréquent des
gestes de violence ou d'amour, à une foule expressive et vivante dont
la mimique est un autre langage, qui comprend tout, et fait tout

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